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Dans certains cas, un adolescent peut acquérir des droits réservés aux adultes. C’est ce qu’on appelle l’émancipation. L’émancipation ne met pas fin à la minorité et ne confère pas tous les droits résultant de la majorité, mais elle libère le mineur de l’obligation d’être représenté pour l’exercice de ses droits civils. Celui-ci peut alors établir son propre domicile et il cesse d’être sous l’autorité de ses parents. En vertu de l’article 168 du Code civil du Québec, le mineur peut demander seul son émancipation. Il n’y a pas beaucoup de jurisprudence sur le sujet, mais en voici quelques exemples.

Dans une affaire récente (K.G. c. N.G.), une adolescente de 17 ans était sous la garde de sa mère depuis la séparation de ses parents, en 2003. Elle affirmait subvenir seule à ses besoins depuis le 1er juin 2014, soit depuis qu’elle habitait en appartement avec son frère et un colocataire. Elle mentionnait également que sa mère ne lui offrait aucun soutien moral ni financier, et ce, même si le père lui payait une pension alimentaire pour enfants. La jeune fille ne voulait pas retourner vivre chez sa mère parce qu’elle était allergique aux chats et que celle-ci en possédait plusieurs. Dans les circonstances, le juge a conclu qu’il était approprié d’émanciper l’adolescente, qui allait avoir 18 ans 4 mois plus tard. De plus, même si elle n’allait dorénavant plus être sous l’autorité de son père et de sa mère, le juge a rappelé qu’elle demeurait mineure et que l’obligation de ces derniers envers elle continuait d’exister, d’autant plus qu’elle retournait aux études. Il a donc ordonné à sa mère de lui remettre 246 $ par mois à compter de son retour aux études, et ce, tant que le père verserait une pension alimentaire à son bénéfice.

Il peut également être dans l’intérêt de l’enfant de prononcer son émancipation simple afin qu’il puisse bénéficier d’une certaine stabilité. C’est ce qui est arrivé dans X c. A, où une adolescente de 17 ans avait vécu dans 4 familles d’accueil. Elle travaillait et terminait ses études secondaires à la maison. Elle désirait aller vivre en appartement avec son ami, qui avait un passé criminel. Ils avaient d’ailleurs acquis plusieurs meubles à cette fin. La jeune fille prétendait que ses parents n’étaient pas présents dans sa vie et elle leur reprochait notamment de ne pas l’autoriser à se rendre à Montréal afin de pouvoir rencontrer ses médecins. Ses parents s’opposaient à ce qu’elle habite avec son ami. Le juge a rappelé que l’émancipation ne peut être accordée que pour un motif sérieux et dans l’intérêt du mineur. Une psychologue et une représentante du directeur de la protection de la jeunesse étaient d’avis que l’émancipation était justifiée. Tout en demeurant sous la protection de ce dernier, son émancipation a donc été prononcée.

Il n’y a pas d’âge minimal pour obtenir l’émancipation judiciaire. Dans P.-L.B. c. Québec (Curateur public), la simple émancipation d’un enfant de 15 ans a été prononcée. À la suite du décès de sa mère, l’enfant s’était retrouvé seul, n’ayant ni frère, ni sœur, ni aucun contact avec son père depuis sa naissance. Il avait été pris en charge par un oncle maternel, mais il était en conflit avec celui-ci, car il n’appréciait pas ses interventions. Aucun tuteur n’avait été désigné. L’enfant était le seul héritier de sa mère, mais il voulait renoncer à sa succession en raison de l’endettement de cette dernière. Il était par ailleurs bénéficiaire du produit d’une assurance-vie de 100 000 $. Le Curateur public, qui ne s’opposait pas à la simple émancipation, a été autorisé à investir le produit de l’assurance-vie selon le plan présenté par le conseiller financier de l’enfant. Comme le souhaitait ce dernier, et compte tenu de la situation particulière dans laquelle il se trouvait, un gel judiciaire des investissements a été ordonné, à moins d’une décision ultérieure, pour une période de 15 ans.

Enfin, dans J.D.Du. c. M.O., la pleine émancipation d’une jeune fille de 15 ans a également été prononcée. Celle-ci, dont les parents étaient décédés, était sans ressources et voulait pouvoir recevoir des prestations d’aide sociale. Le juge a conclu qu’il s’agissait d’un motif sérieux.

Références

  • G. c. N.G. (C.S., 2015-06-16), 2015 QCCS 3881, SOQUIJ AZ-51209338, 2015EXP-2564, J.E. 2015-1420.
  • X c. A (C.S., 2009-01-20), 2009 QCCS 194, SOQUIJ AZ-50533010, J.E. 2009-368.
  • P-L.B. c. Québec (Curateur public), (C.S., 2005-03-30), SOQUIJ AZ-50304678, J.E. 2005-751.
  • J.D.Du. c. M.O. (C.S., 2003-06-30), SOQUIJ AZ-50184030, B.E. 2003BE-662.
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