Le syndicat doit rembourser à l’employeur le coût des travaux de nettoyage des véhicules sur lesquels les salariés ont apposé des autocollants dans le contexte d’activités de pression exercées avant que la grève ne soit légalement déclenchée.

Cette affirmation peut sembler évidente. L’affaire a toutefois nécessité la tenue d’un arbitrage de grief, le syndicat ayant invoqué divers moyens afin d’éviter de payer la facture. Dans sa sentence arbitrale, l’arbitre Francine Lamy aborde des notions de droit intéressantes (Syndicat des paramédics de l’Estrie-CSN et Ambulance de l’Estrie inc. (grief patronal).

Les faits

L’employeur, Ambulance de l’Estrie, est membre de la Corporation des services d’ambulances du Québec (CSAQ). Elle emploie des techniciens ambulanciers (paramédics) représentés par un syndicat affilié à la FSSS-CSN.

En 2011, la FSSS-CSN et la CSAQ ont entamé des discussions en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective négociée pour l’ensemble des membres de leurs regroupements. À la même époque, la partie syndicale a commencé à exercer des moyens de pression. Il faut mentionner qu’une convention collective était alors en vigueur et que le droit de grève n’était pas acquis.

À partir de juin 2012, des autocollants ont été apposés sur les véhicules servant au transport ambulancier, conformément au mot d’ordre syndical. Une première entente de principe, conclue le mois suivant, a été rejetée par les salariés. Le 24 décembre 2012, le syndicat a déclenché une grève générale illimitée.

Le 11 janvier 2013, les parties négociantes ont conclu une seconde entente de principe, laquelle contenait des dispositions portant sur la fin du conflit de travail. On peut y lire ceci : 

«Le syndicat s’engage […] à retirer les autocollants apposés sur les véhicules ambulanciers, à nettoyer les véhicules et à les remettre dans leur état initial.

Des discussions à propos des modalités associées à la fin de conflit, notamment à propos du retrait des autocollants auront lieu au cours de la semaine du 14 janvier 2013.»

Les parties négociantes ont ensuite tenu des rencontres sans que les modalités évoquées à l’entente de principe sur les autocollants aient fait l’objet d’un accord. Après avoir attendu en vain pendant plus d’un mois que le syndicat lui présente un plan d’action, Ambulance de l’Estrie a confié la remise en état de ses 18 véhicules à une entreprise de nettoyage. Le coût total des travaux (retrait des autocollants, nettoyage, cirage et polissage) s’est élevé à 9 656 $. Le syndicat a refusé de lui rembourser cette somme, d’où le dépôt du grief patronal.

Les moyens de défense

Reconnaissant avoir violé ses obligations contractuelles en commandant l’exercice d’activités de pression avant le déclenchement d’une grève légale, le syndicat soutient qu’il n’a jamais pris l’engagement de payer les dommages, que l’employeur a agi prématurément, qu’il ne pouvait déposer son grief sans avoir d’abord mis en demeure le syndicat, qu’il a trahi l’engagement pris à la convention collective d’avoir des rapports ordonnés en agissant unilatéralement, qu’il a profité de la situation pour faire effectuer des travaux non nécessaires et qu’il a omis de réduire ses dommages. En outre, il soutient que la somme réclamée est excessive.

Les principales conclusions de l’arbitre

En vertu de l’article 68 du Code du travail, les employeurs membres de la CSAQ sont liés par la convention collective que cette dernière a conclue.

Les dispositions relatives à la fin du conflit de travail, dont l’engagement mentionné précédemment, n’ont pas été intégrées dans la nouvelle convention collective.

Le principe de la remise en état des véhicules par la FSSS-CSN a été convenu sous réserve des modalités à discuter. Compte tenu de l’absence d’entente sur ces modalités, on ne peut prétendre que l’entente à cet égard est de la nature d’une convention collective qui respecte les formalités énoncées au Code du travail.

Dans les circonstances, «le syndicat ne peut s’autoriser de cette entente pour empêcher Ambulances de l’Estrie d’exercer les droits qui lui sont conférés par la convention collective en vigueur. L’entente de principe conclue par la C.S.A.Q. n’est pas opposable à l’employeur, même s’il est membre de ce regroupement» (paragr. 81).

À moins d’un texte clair dans la convention collective, il n’appartient pas à un arbitre de griefs de se prononcer sur le comportement des parties durant le processus de négociation ayant mené à la conclusion de la convention collective.

L’argument du syndicat selon lequel la partie patronale ne se serait pas comportée comme elle aurait dû le faire à la table de négociation est rejeté.

Le syndicat n’avait aucune obligation de mettre l’employeur en demeure avant de déposer son grief.

Le syndicat n’a pas démontré que la somme réclamée était excessive. Afin de soutenir sa prétention, il aurait dû fournir des éléments de comparaison. L’arbitre n’a pas une «connaissance des conditions du marché ou des règles de l’art en la matière» (paragr. 107).

Le syndicat n’a pas établi que le fournisseur avait réclamé une somme déraisonnable ni qu’il avait effectué des travaux inutiles ou non demandés.

Il n’a pas non plus prouvé qu’Ambulances de l’Estrie s’était enrichie en profitant de l’occasion afin d’améliorer l’état de ses véhicules.

«En somme, la preuve ne permet pas de tirer des conclusions favorables aux prétentions syndicales. L’indemnité réclamée pour la remise en état des véhicules équivaut à la perte subie pour exécuter les travaux nécessaires pour ce faire et l’employeur a le droit d’être intégralement compensé par la perte encourue par cette dépense» (paragr. 114).

Référence

Syndicat des paramédics de l’Estrie-CSN et Ambulance de l’Estrie inc. (grief patronal), (T.A., 2016-02-17), 2016 QCTA 132, SOQUIJ AZ-51263012.

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