Dans le contexte d’un grief dénonçant le harcèlement psychologique exercé à l’endroit d’une résidente en médecine, l’arbitre Pierre Laplante a été saisi d’une requête de la partie patronale visant à limiter le débat et à écarter certains éléments de preuve. La décision qu’il a rendue à cet égard mérite d’être signalée, car elle apporte des précisions quant à l’étendue des obligations légales de l’employeur en matière de harcèlement psychologique.

La plaignante a effectué une partie de sa résidence en médecine au Centre de santé et de services sociaux Antoine-Labelle (maintenant le CISSS des Laurentides). Le grief en vertu des articles 123.6 et ss. de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.), déposé en son nom par l’Association des médecins résidents de Montréal, reproche à l’employeur de n’avoir rien fait pour corriger la situation de harcèlement qu’elle a vécue en raison du comportement de cinq médecins superviseurs. Le grief mentionne que le harcèlement se serait manifesté notamment sous forme d’écrits dans des échanges de courriels et dans les évaluations du travail effectuées par ces superviseurs.

Selon le CISSS, toute preuve relative aux processus de formation et d’évaluation des apprentissages doit être écartée étant donné qu’elle n’a aucun lien avec le fardeau qui incombe à l’Association. Subsidiairement, si la plaignante a subi du harcèlement psychologique dans le contexte de sa formation et de l’évaluation de ses compétences médicales par des médecins superviseurs, elle ne peut que s’adresser à l’Université de Montréal.

Voici les principales conclusions de l’arbitre:

  • Le grief s’inscrit dans une relation du travail atypique où un étudiant en médecine est également salarié d’un établissement de santé [paragr. 27].
  • Les médecins superviseurs sont à la fois maîtres de stage et représentants de l’employeur. Ils exercent des fonctions de formateurs ainsi que des fonctions de soignants, les unes relevant de la responsabilité de l’Université de Montréal et les autres, du CISSS [paragr. 28].
  • Les soins médicaux et la formation médicale étant interreliés, les médecins-superviseurs étaient en tout temps pertinent sous la responsabilité de l’employeur [paragr. 34 et 35].
  • L’employeur n’a aucun contrôle sur l’évaluation et sur l’apprentissage comme tel, mais il a certainement un droit de regard sur la façon dont ils s’effectuent [paragr. 36].
  • Si un médecin superviseur se sert des évaluations et des apprentissages comme moyen ou comme outil de harcèlement psychologique, l’employeur est tenu d’intervenir afin que cesse cette pratique dans son entreprise [paragr. 38 et 39].
  • L’employeur est responsable de la qualité du milieu de travail et il a, par l’entremise de son droit de direction, le contrôle sur ceux qui y travaillent de même que sur ceux qui se trouvent dans son établissement [paragr. 40].

L’arbitre a rejeté la requête patronale, estimant que la formation, les apprentissages et les évaluations dont il est question dans le grief étaient intimement liés à l’emploi de la plaignante et que celle-ci avait droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique (art. 81.19 L.N.T.).

Référence

Association des médecins résidents de Montréal et CISSS des Laurentides (Point de service d’Antoine-Labelle), (T.A., 2016-04-14), 2016 QCTA 278, SOQUIJ AZ-51284443.

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