Lorsque j’étais jeune, nous avions à la maison un chien de race boxer nommé Tango. Il était affectueux et protecteur, surtout pour son maître, mon frère. Toutefois, Tango avait un défaut, et un gros. Parfois, sans crier gare, il se mettait à courir hors de notre propriété et, durant ces «courtes fugues», il n’était pas possible de l’attraper, car il devenait agressif, même envers nous. Voici un bref survol en matière de responsabilité du propriétaire de l’animal afin de vous démontrer quelles auraient pu être les conséquences des petites escapades de mon chien!

Tout d’abord, l’étendue de cette responsabilité est énoncée à l’article 1466 du Code civil du Québec (C.C.Q.), qui se lit comme suit :

Le propriétaire d’un animal est tenu de réparer le préjudice que l’animal a causé, soit qu’il fût sous sa garde ou sous celle d’un tiers, soit qu’il fût égaré ou échappé.

La personne qui se sert de l’animal en est aussi, pendant ce temps, responsable avec le propriétaire.

[Caractères gras ajoutés.]

Cette disposition, qui crée une véritable présomption de responsabilité, «ne permet pas au propriétaire ou à l’usager de l’animal de se dégager de sa responsabilité en prouvant absence de faute, c’est-à-dire en établissant avoir pris les moyens raisonnablement prudents et diligents pour prévenir la survenance du dommage causé par l’animal» (Gagné c. Nepton, paragr. 20 [caractères gras ajoutés]). En fait, pour que cette présomption s’applique, «il suffit à la victime de prouver que le dommage a été causé par le fait d’un animal et d’établir une relation de propriété ou de garde entre ce dernier et le défendeur» (Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd., volume 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, SOQUIJ AZ-40004554, paragr. 1-966, et Tremblay c. Pelletier, paragr. 20).

Seule la preuve d’une force majeure, une faute de la victime ou une faute d’un tiers permettra au propriétaire et à l’usager de l’animal de se libérer de cette responsabilité, laquelle est cumulative entre eux et non alternative (Gagné, paragr. 22).

À titre d’exemple, en mars dernier, la Cour du Québec (Bolduc c. Ferland-Bouchard) a accordé 7 000 $ à un garçon de cinq ans qui a été mordu par un chien à la main et au poignet. Étant donné qu’au moment de l’incident ce dernier était sous la garde d’une amie du propriétaire, la juge a fixé sa part de responsabilité à 35 % et celle de l’usager de l’animal, à 65 %.

Quant à la faute de la victime, elle «peut servir soit à éliminer totalement la responsabilité du gardien, soit à la mitiger lorsqu’elle n’a fait que contribuer au préjudice subi. D’une manière générale, les tribunaux exigent une prudence élémentaire à l’égard des animaux dont les réactions sont souvent imprévisibles, et retiennent une faute chez la victime qui n’a pas observé cette prudence en provoquant l’animal, en l’effrayant, ou en ne prenant pas à son endroit les précautions que la situation imposait» (Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, paragr. 1-974, et Tremblay, paragr. 20 [caractères gras ajoutés]).

Voici deux jugements ayant appliqué ce principe. Tout d’abord, dans l’affaire Tokar c. Poliquin (paragr. 82 et 83), le recours de la demanderesse, qui a été défigurée par un chien de race pitbull, a été rejeté, car elle savait ou devait savoir qu’il est dangereux de s’approcher d’une chienne qui allaite ses chiots, et encore plus d’un animal considéré comme dangereux au point où la municipalité en interdit la possession. Le juge a aussi souligné que la propriétaire avait averti la demanderesse du danger de s’approcher du chien.

Ensuite, dans Bouchard c. Jean, le chien du défendeur était attaché avec une chaîne derrière sa propriété. Sa conjointe et lui ont averti le demandeur de ne pas s’approcher de l’animal parce qu’il pouvait être dangereux. Malgré ces avertissements, ce dernier s’est accroupi devant l’animal et a tendu les mains, que le chien a mordues. Jugeant que le demandeur avait été l’artisan de son propre malheur, aucune responsabilité n’a été retenue contre le propriétaire.

Je vous renvoie maintenant à quelques décisions où des victimes de morsure de chien ont été indemnisées. Dans  S.M. c. Rousseau, la Cour supérieure a accordé 74 004 $ à un homme qui avait été mordu au visage au moment où il donnait un biscuit au chien du défendeur. Celui-ci savait que son animal pouvait mordre, car il l’avait déjà fait à deux reprises avant l’incident mettant en cause le demandeur.

Récemment, dans Demers c. Gravel, le demandeur, qui a été mordu au bas du poignet et à la main gauche, soit sa main dominante, par un chien de race montagne des Pyrénées, a eu droit à 9 500 $.

Enfin, dans la cause Lamontagne c. Chainey (Bazar du pneu), le chien de race bull-terrier du défendeur a mordu subitement et sans aucune raison le demandeur à la jambe droite. Le chien était alors sur la voie publique, sans surveillance. Dans ces circonstances, le défendeur a été tenu de réparer le préjudice causé au demandeur, évalué à 17 688 $.

Ce bref survol de la jurisprudence nous démontre que le fait d’être propriétaire ou usager d’un animal peut être lourd de conséquences lorsque celui-ci cause un dommage à un tiers. Ayez votre animal à l’œil puisque ces petites bêtes sont souvent imprévisibles!

Références

  • Gagné c. Nepton (C.Q., 2015-10-01), 2015 QCCQ 10017, SOQUIJ AZ-51223177, 2015EXP-3182.
  • Tremblay c. Pelletier (C.Q., 2014-06-18), 2014 QCCQ 6005, SOQUIJ AZ-51092306, 2014EXP-2810.
  • Bolduc c. Ferland-Bouchard (C.Q., 2016-03-23), 2016 QCCQ 2017, SOQUIJ AZ-51269229.
  • Tokar c. Poliquin (C.S., 2013-05-01), 2013 QCCS 1889, SOQUIJ AZ-50962710, 2013EXP-1770, J.E. 2013-957.
  • Bouchard c. Jean (C.Q., 2004-12-01), SOQUIJ AZ-50307399.
  • M. c. Rousseau (C.S., 2011-07-15), 2011 QCCS 3905, SOQUIJ AZ-50776128.
  • Demers c. Gravel (C.Q., 2016-02-24), 2016 QCCQ 1553, SOQUIJ AZ-51264451, 2016EXP-1515.
  • Lamontagne c. Chainey (Bazar du pneu), (C.Q., 2015-03-18), 2015 QCCQ 2313, SOQUIJ AZ-51162602.
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