Dans l’affaire récente Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Paquette) c. 9208-8467 Québec inc. (Résidence Sainte-Anne), le Tribunal des droits de la personne s’est penché sur un congédiement imposé à une préposée aux bénéficiaires qui avait omis de divulguer à l’embauche qu’elle souffrait de sclérose en plaques épisodique.

C’est après deux semaines de travail que l’employée a connu un épisode de cette maladie qui a entraîné une absence du travail. Au moment où l’employeur a appris qu’elle souffrait de cette maladie, il lui a accordé, à sa demande, quelques jours de repos et lui a demandé de fournir une attestation médicale confirmant sa capacité d’effectuer les tâches afférentes à son poste.

Le congédiement et ses motifs

L’employeur l’a congédiée avant de recevoir le certificat médical requis. Il invoquait deux choses :

1) Le contrat n’a jamais existé, il est nul de nullité absolue. L’employeur fait valoir qu’elle aurait menti lors de son entrevue d’embauche en omettant de déclarer son état de santé, le privant ainsi d’une information cruciale et viciant son consentement à conclure un contrat de travail. Ces faits, selon lui, entraînaient la nullité du contrat.

2) Si jamais le contrat de travail existe, de toute façon, l’état de santé de la plaignante, soit la sclérose en plaques épisodique, est incompatible avec les tâches d’une préposée aux bénéficiaires. L’exigence de l’employeur, selon lui, constituait une exigence professionnelle justifiée et, par conséquent, aucun accommodement n’était possible sans entraîner pour lui une contrainte excessive. La sécurité des patient avant tout…

Qu’en est-il de la fausse déclaration dans le questionnaire préembauche ou à l’entrevue?

  • À la question «Avez-vous des restrictions médicales ou physiques qui vous empêchent d’accomplir certaines tâches liées à votre emploi?», la candidate a répondu négativement.
  • Aucune question ne lui a été posée quant à son aptitude à accomplir les tâches reliées au poste.
  • Elle a admis qu’elle n’avait pas divulgué qu’elle était atteinte de sclérose en plaques.

Ici, le Tribunal des droits de la personne a conclu que la plaignante n’avait pas menti lors de son entrevue d’embauche ni n’avait donné de fausses réponses aux questions posées. Elle s’est dite apte à faire le travail de préposée aux bénéficiaires. D’ailleurs, le Tribunal a souligné qu’elle était appuyée en cela par son médecin, qui l’avait encouragée à suivre le cours d’infirmière auxiliaire. L’infirmière qui effectuait le suivi médical de la plaignante et la neurologue qui la traitait ont corroboré son aptitude à effectuer les tâches de préposée aux bénéficiaires.

Comme elle n’avait pas de restrictions médicales, elle était fondée à ne pas dévoiler sa maladie en l’absence d’une question précise en ce sens.

Le Tribunal ajoute que, si le propriétaire considérait que le contrat était nul ab initio parce qu’elle avait donné de fausses réponses aux questions posées et que celles-ci étaient graves au point de vicier son consentement, il aurait dû dénoncer le contrat dès ce moment.

Naissance du contrat de travail et aptitude requise par l’emploi

En acceptant que la plaignante continue à travailler, l’employeur a ratifié le contrat de travail même s’il a posé l’exigence qu’elle fournisse un certificat médical attestant sa capacité à travailler. À partir de ce moment, il a consenti à lui fournir un léger accommodement en lui accordant quelques jours de repos. Un contrat de travail valide existait entre les parties et il y a eu naissance d’une obligation d’accommodement à l’endroit de la plaignante.

À cet égard, quant à son aptitude à accomplir ses tâches, des témoins ont déclaré que la plaignante faisait un excellent travail et qu’il était facile de l’accommoder. La prétention de l’employeur selon laquelle l’état de santé de celle-ci mettait en péril la sécurité des patients a été déclarée sans fondement.

Le Tribunal a conclu que cette préposée aux bénéficiaires avait été victime de discrimination fondée sur le handicap au sens des articles 10 et 16 de la Charte des droits et libertés de la personne et que les défendeurs avaient échoué à établir l’existence d’une exigence professionnelle justifiée et d’une contrainte excessive.

Mesures de réparation

La plaignante a eu droit à l’indemnité suivante:

  • Dommages pécuniaires de 1 150 $, soit la perte salariale pour une période de un mois;
  • dommages non pécuniaires de 7 500 $ à titre d’indemnité pour son préjudice moral;
  • dommages punitifs équivalant à 3 000 $.

Si le sujet des fausses déclarations à l’embauche vous intéresse, je vous invite à lire l’affaire Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur-du-Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, qui a trait toutefois à des faits différents, notamment en que l’employé avait délibérément donné de fausses informations en réponse à un questionnaire écrit d’embauche.

Autres faits, autre décision, autres obligations pour l’employeur…

Références

  • Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Paquette) c. 9208-8467 Québec inc. (Résidence Sainte-Anne), (T.D.P.Q., 2016-07-13), 2016 QCTDP 20, SOQUIJ AZ-51309372, 2016EXP-2853, 2016EXPT-1630, D.T.E. 2016T-688.
  • Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur-du-Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (C.A., 2012-10-16), 2012 QCCA 1867, SOQUIJ AZ-50903445, 2012EXP-3839, 2012EXPT-2163, J.E. 2012-2051, D.T.E. 2012T-760, [2012] R.J.D.T. 837. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2013-03-21), 35130.
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