Texte publié initialement sur le site de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, dédiée à représenter les intérêts des PME.

La saison des « partys de bureau » est officiellement commencée. Il arrive souvent que certaines personnes prennent un verre de trop sans que cela entraîne des conséquences graves, donnant plutôt lieu à des situations cocasses, mais il peut arriver qu’une personne se blesse ou soit victime de gestes de nature sexuelle commis par un collègue, ou, pire, un patron, ce qui peut entraîner des conséquences désastreuses, tant pour l’employé en cause que pour l’entreprise. Ne vous méprenez pas, le party de bureau n’est pas un lieu à part qui n’est régi par aucune loi; employeurs et employés sont toujours régis par nos lois, même à l’occasion de cette fête!

Une personne se blesse lors du party

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles définit ainsi l’accident du travail :

un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle (art. 2).

Des décisions ont conclu que des blessures subies lors du party de Noël correspondaient à cette définition puisque les critères permettant de considérer qu’elles étaient survenues «à l’occasion [du] travail» étaient remplis.

Fafard et Commission scolaire des Trois-Lacs constitue un exemple d’accident survenu à l’occasion du travail. La travailleuse s’est blessée en participant à un jeu lors de l’activité de Noël organisée par le comité social. Le tribunal a principalement retenu que la finalité de l’activité servait le but de l’employeur, soit l’amélioration du climat de travail malsain, qui avait fait l’objet d’une évaluation et de recommandations par une firme externe. Il a de plus rappelé que l’activité exercée devait être considérée dans son ensemble, ce qui comprenait la participation volontaire aux jeux organisés au cours de celle-ci.

Le tribunal a également conclu, dans Hôtel Le Chanteclerc (1998) et Jean St-Yves, qu’un travailleur qui s’était blessé en montant sur un haut-parleur pour danser constituait un accident survenu à l’occasion du travail. Il a retenu que le travailleur était rémunéré pour ses activités alors qu’il agissait à titre de chef cuisinier chargé de la supervision du buffet offert aux employés. De plus, le tribunal a été d’avis qu’une activité de Noël était une occasion pour l’employeur de renforcer le sentiment d’appartenance à son entreprise. Quant à l’activité exercée au moment où le travailleur s’est blessé, le tribunal a conclu qu’il s’agissait d’une activité devenue une coutume chez l’employeur et que, en y participant, le travailleur avait contribué à sa façon au succès de la soirée.

Par contre, dans Harnois et Gestion Place Victoria inc., le tribunal a estimé que l’accident n’était pas survenu «à l’occasion du travail» lorsqu’un travailleur a manqué une marche en se rendant aux toilettes pendant le souper de Noël. Le tribunal a conclu que l’accident n’était pas survenu «à l’occasion du travail». Il a retenu que l’activité se déroulait en dehors des heures de travail et que la participation à cette activité se faisait sur une base volontaire. À défaut de preuve, le tribunal n’a pu retenir que la finalité recherchée par l’employeur, en finançant cette activité, était d’en retirer un avantage direct ou indirect. En ce qui a trait à la présence du personnel cadre, le tribunal a retenu que chaque activité sociale, par sa nature, commandait un comportement social approprié, sans pour autant que l’on puisse parler d’un lien de subordination.

Pour en savoir plus sur les accidents qui surviennent à l’occasion d’un party de bureau, consultez le billet de ma collègue, Me Nancy Fortin.

Une employée subit des gestes déplacés à caractère sexuel

 L’article 10.1 de la Charte des droits et libertés de la personne prohibe le harcèlement. Cette disposition s’applique à tous les citoyens du Québec, dans toutes leurs sphères d’activités, y compris pendant le party de Noël de l’entreprise. D’autre part, la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) prévoit un recours pour la victime ainsi que des obligations pour l’employeur aux articles 81.18, 81.19, 81.20, 123.7, 123,15 et 123.16. Ce sont des dispositions d’ordre public qui s’appliquent à tous les salariés, qu’ils soient syndiqués ou non, et même aux cadres supérieurs.

On trouve une illustration d’un cas où un employé a été congédié à la suite de plaintes de harcèlement sexuel, dont une concernant des événements ayant eu lieu à l’occasion du party de Noël, dans Pelletier et Sécuritas Canada ltée. Pendant le souper de Noël, l’employé avait dit à l’une des plaignantes qu’elle était jolie et « sexy » et avait vanté ses prouesses sexuelles. Il l’avait ensuite poursuivie sur le plancher de danse et avait notamment soulevé sa jupe.

Aussi, dans S.H. et Compagnie A, l’employeur de la plaignante lui avait touché un sein en mettant un glaçon dans son chandail à l’occasion du dîner de Noël de l’entreprise. La Commission des relations du travail avait conclu que l’employeur n’avait pas respecté les obligations que l’article 81.19 L.N.T. lui impose. Celui-ci était directement en cause puisque les gestes avaient été commis par le propriétaire, lequel était en relation d’autorité avec la plaignante. La consommation d’alcool alléguée ne peut soustraire l’employeur à ses obligations. La plaignante a donc été victime de harcèlement psychologique.

Pour une analyse fouillée du harcèlement sexuel en milieu de travail, veuillez consulter le billet de Me France Rivard.

Des employés ont un comportement agressif ou violent

L’alcool peut également faire ressortir l’agressivité chez certaines personnes. Des situations pourraient donner lieu à des voies de fait ou à des menaces qui devraient faire l’objet d’une plainte aux corps policiers, mais il peut également y avoir des cas où des sanctions disciplinaires sont imposées.

Dans Association internationale des machinistes et des travailleuses et travailleurs de l’aérospatiale, district 140, section locale 2309 et Servisair, un employé a été suspendu pour avoir eu un comportement violent au restaurant où se tenait la réception de Noël. À la fin de la soirée, ne trouvant pas son manteau, il s’était fâché et avait poussé une chaise en plus de menacer le propriétaire du restaurant de lui casser les jambes.

Afin d’éviter ces situations malheureuses, un petit rappel des règles de civilité ou des politiques adoptées en matière de violence et de harcèlement dans l’entreprise et l’avis aux employés que leur participation au party de Noël demeure volontaire est tout à fait de mise.

Maintenant, amusez-vous bien en cette belle période de réjouissances!

Références

  • Fafard et Commission scolaire des Trois-Lacs (C.L.P., 2014-11-05), 2014 QCCLP 6156, SOQUIJ AZ-51123931, 2014EXPT-2097.
  • Hôtel Le Chanteclerc (1998) et Jean St-Yves (C.L.P., 2003-07-16), SOQUIJ AZ-50183698.
  • Harnois et Gestion Place Victoria inc. (C.L.P., 2005-03-16), SOQUIJ AZ-50301163.
  • Pelletier et Sécuritas Canada ltée (C.R.T., 2004-10-29), 2004 QCCRT 0554, SOQUIJ AZ-50279095, D.T.E. 2004T-1149, [2004] R.J.D.T. 1588.
  • H. et Compagnie A(C.R.T., 2007-07-09), 2007 QCCRT 0348, SOQUIJ AZ-50444075, D.T.E. 2007T-722 
  • Association internationale des machinistes et des travailleuses et travailleurs de l’aérospatiale, district 140, section locale 2309 et Servisair (T.A., 2008-11-26), SOQUIJ AZ-50556490, D.T.E. 2009T-448.
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