Freeimages.com / Darren Shaw

En vertu de l’article 22 de la Loi sur les impôts, toute personne qui est un particulier résidant au Québec le dernier jour d’une année d’imposition doit payer un impôt sur son revenu imposable pour cette année d’imposition. C’est donc la résidence du contribuable au 31 décembre de l’année d’imposition qui détermine l’assujettissement de celui-ci à l’impôt québécois. Il s’agit d’une question de fait et la jurisprudence a établi des critères dont il faut tenir compte pour décider si une personne est résidente du Québec ou non.  

Dans Paradis Larrivée c. Québec (Sous-ministre du Revenu, le juge a retenu les facteurs suivants, quoiqu’il ne s’agisse pas d’une liste exhaustive (paragr. 32):

  • l’état civil et le mode de vie habituel du contribuable
  • le(s) motif(s) de la présence hors Québec et sa durée prévue et réelle
  • l’importance des «liens de résidence avec le Québec» (endroit de son logement, celui de son conjoint et/ou de ses personnes à charge, de ses biens personnels, de ses comptes bancaires, de ses liens sociaux) par rapport à ses «liens de résidence hors Québec»
  • le lieu de résidence désigné par le contribuable dans les formulaires et documents
  • la régularité et la durée des présences du contribuable au Québec par rapport à la permanence du séjour hors Québec
  • la prévision d’un retour au Québec à la fin du séjour hors Québec

 À partir de la jurisprudence récente, voici donc quelques exemples de contribuables qui avaient quitté le Québec et que l’Agence du revenu du Québec (ARQ) avait tout de même considérés comme des résidents du Québec.

Wagner c. Agence du revenu du Québec

Dans cette affaire, le contribuable n’a pas démontré avoir rompu ses liens avec le Québec afin d’établir sa résidence en Colombie-Britannique. Il avait commencé à travailler dans cette province à l’automne 2007, mais il avait conservé des liens importants avec le Québec (assurance-maladie, permis de conduire, immatriculation, immeuble). Son téléphone cellulaire avait un indicatif régional de Montréal et son compte de banque se trouvait dans cette ville. Il n’avait apporté aucun meuble à Vancouver, où il habitait l’appartement d’un ami. De plus, il n’exécutait pas entièrement et exclusivement ses tâches de travail à Vancouver. Il avait un bureau là-bas et un à Montréal, où il retournait environ une fois par mois pour une semaine. Ses relevés de carte de crédit mensuels ainsi que de ses relevés d’emploi démontraient qu’il partageait son temps entre Montréal et Vancouver. Le juge a donc conclu qu’il était un résident du Québec pendant la période en litige.

Robinson c. Agence du revenu du Québec

La contribuable, qui avait quitté le Québec en 2007 pour aller travailler à Fort McMurray, en Alberta, a toujours eu l’intention de conserver ses liens avec le Québec. Sa présence en Alberta n’était justifiée que par son travail. Son fils vivait au Québec avec sa grand-mère. Elle avait loué un appartement pendant quelques mois avant d’aller habiter sur les chantiers de ses différents employeurs, dans des campements. Elle ne possédait aucune attache fixe ni aucun logement en Alberta, et encore moins de meubles meublants. Elle revenait plusieurs semaines par année au Québec pour voir sa famille. Elle utilisait une adresse au Québec afin d’acheminer son courrier et elle avait avisé la Régie de l’assurance maladie du Québec qu’elle quittait temporairement la province. L’ARQ était donc fondée à conclure qu’elle était une résidente du Québec de 2007 à 2010.

Lajoie c. Agence du revenu du Québec

Dans cette affaire, le contribuable était consultant indépendant pour des compagnies d’envergure internationale. Il gérait le travail d’entrepreneurs en construction et supervisait la qualité des travaux. Lorsqu’il a quitté le Canada en 2002, il a signé un formulaire de l’Agence du revenu du Canada dans lequel il décrivait les biens dont il était réputé avoir disposé. Il a annulé sa carte d’assurance-maladie du Québec mais a conservé un terrain ainsi que son permis de conduire. Entre 2002 et 2010, il a résidé dans plusieurs pays, dont en Algérie, en 2006, et en Guinée équatoriale, en 2007. Il a fait des séjours au Canada pendant qu’il habitait à l’étranger, mais il n’est pas revenu après 2010. Il habite maintenant en Australie et il n’a produit aucune déclaration de revenus depuis 2002. Le juge a rappelé que toute personne doit avoir une résidence quelque part à des fins fiscales. En l’absence de liens de rattachement de résidence suffisants dans un autre lieu d’imposition, il faut présumer qu’elle est demeurée résidente du Québec. Des conventions fiscales existent afin d’éviter la double imposition, mais le contribuable doit avoir produit des déclarations de revenus dans les pays visés, ce qui n’était pas le cas de ce contribuable. Ce dernier était donc demeuré résident du Québec lorsqu’il travaillait à l’étranger durant les années d’imposition 2006 et 2007.

Agence du revenu du Québec c. Lavoie

Par contre, dans cette affaire, la contribuable a réussi à démontrer qu’elle avait quitté le Québec pendant cinq ans afin de poursuivre des études postdoctorales en Californie sans aucune intention de revenir au Canada. Durant son séjour aux États-Unis, l’intimée avait renouvelé son permis de conduire et sa carte d’assurance-maladie au Québec. Par contre, elle habitait en permanence en Californie, où elle était locataire d’un appartement, propriétaire de meubles et de véhicules automobiles, titulaire d’un permis de conduire, d’une carte d’assurance sociale, de cartes de crédit, d’un compte de banque et d’un emploi à temps plein, membre d’associations professionnelles, de clubs sportifs et sociaux ainsi que détentrice d’un visa de travail et participante à des régimes collectifs d’assurance-maladie. De plus, durant cette période, elle n’est revenue au Québec qu’à 4 reprises, pour des séjours de moins de 10 jours, afin de visiter sa famille. Elle avait l’intention bien arrêtée de faire carrière aux États-Unis de façon permanente.

Références

  • Paradis Larrivée c. Québec (Sous-ministre du Revenu), (C.Q., 2009-09-28), 2009 QCCQ 11141, SOQUIJ AZ-50582002, D.F.Q.E. 2009F-95, [2009] R.D.F.Q. 260 (rés.).
  • Wagner c. Agence du revenu du Québec (C.Q., 2016-10-21), 2016 QCCQ 11532, SOQUIJ AZ-51335610, 2016EXP-3539.
  • Robinson c. Agence du revenu du Québec (C.Q., 2016-09-30), 2016 QCCQ 11066, SOQUIJ AZ-51333173, 2016EXP-3466, J.E. 2016-1889.
  • Lajoie c. Agence du revenu du Québec (C.Q., 2015-05-04), 2015 QCCQ 4135, SOQUIJ AZ-51178272, 2015EXP-1831, J.E. 2015-1015. Appel rejeté sur requête (C.A., 2015-09-14), 2015 QCCA 1489, SOQUIJ AZ-51215191. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2016-04-07), 36717.
  • Agence du revenu du Québec c. Lavoie (C.A., 2015-04-29), 2015 QCCA 750, SOQUIJ AZ-51171946, 2015EXP-1435, J.E. 2015-792.
Print Friendly, PDF & Email