Dans un reportage de l’émission La Facture, diffusé le 17 janvier dernier, on nous rappelait qu’au Québec il n’existe toujours pas de législation encadrant la profession d’inspecteur en bâtiments, contrairement à l’Ontario, où un projet de loi a été déposé récemment. Ici, rien n’oblige donc les inspecteurs à détenir une assurance-responsabilité ou à faire partie d’une association.

En février 2014, je vous présentais une revue de la jurisprudence portant sur la responsabilité des inspecteurs préachat. Plusieurs décisions ont été rendues depuis. En voici un survol.

Tout d’abord, dans Julien c. Comspec (9110-9595 Québec inc.), le juge a rappelé qu’un inspecteur en bâtiments qui choisit de ne pas procéder à l’inspection d’une toiture et qui n’a pas su reconnaître les traces évidentes d’infiltration d’eau dans les murs extérieurs ne peut occulter sa responsabilité envers les acheteurs en prétendant leur avoir recommandé de faire inspecter l’immeuble par d’autres. Au contraire, il devait reconnaître ce qui était visible et en faire part aux acheteurs dans son rapport, tant verbal qu’écrit.

Ne pas informer un acheteur des normes applicables à l’égard du dégagement requis pour le revêtement extérieur au bas des murs d’un immeuble ni des conséquences susceptibles d’en découler est contraire aux usages et aux règles de l’art en matière d’inspection préachat. Dans Eletto c. Pelletier, l’inspecteur a été condamné à payer 7 000 $ à l’acheteur.

L’inspecteur qui omet d’inspecter le dessous d’une terrasse en bois, alors que cela lui aurait permis de constater la détérioration et la pourriture du bois, fait preuve de négligence. Il s’agit d’un vice apparent et, dans Lachapelle c. Dubé, les acheteurs ont eu droit à une indemnité de 10 500 $.

Dans Sauvé c. Bouffard, l’inspecteur, qui n’a pas dénoncé à son client les déficiences de la dalle et la vétusté de la fondation ni le fait que le système de drain et la membrane avaient atteint la fin de leur durée de vie utile, a été condamné à lui payer des dommages-intérêts de 15 000 $.

Dans Tomlin c. Lelliott, un inspecteur préachat qui n’a pas alerté sa cliente à propos des indices révélant la présence d’ocre ferreuse et l’obstruction possible du drain a dû payer 32 765 $ à celle-ci pour le coût des travaux correctifs.

L’inspecteur doit également porter à l’attention de l’acheteur des fissures visibles qui peuvent compromettre la qualité de la fondation (Zerko (Avakian) c. King). De plus, en présence d’indices telles des fissures dans le revêtement des planchers ainsi que des murs et la dénivellation dans les planchers, il doit recommander qu’une analyse plus poussée soit effectuée par un spécialiste (Chaouch c. Lawadessa inc.; voir aussi Barrios Villatoro c. Lamontagne).

Enfin, dans Debonville c. Potvin, l’acheteur avait questionné son inspecteur quant à la qualité et à la solidité du béton de la fondation, dont la surface visible dans le vide sanitaire n’était pas lisse. L’inspecteur s’était montré rassurant en disant qu’il s’agissait d’un type de béton normal pour une construction datant des années 1920. Or, à la seule vue des colonnes, des murs mitoyens et des sections apparentes des murs avant et arrière, il aurait dû se douter que la fondation pouvait être friable. Un inspecteur n’a pas à arracher des matériaux qui recouvrent les murs mais, en l’espèce, il aurait facilement pu tasser l’isolant ou la jute qui les recouvraient partiellement. Si l’inspecteur avait perforé la fondation à l’aide d’un tournevis, ce qui n’aurait pas endommagé le bâtiment, il aurait constaté la dégradation avancée de la fondation. Un inspecteur réticent à utiliser cette technique peut demander la permission au propriétaire et, si on la lui refuse, informer son client des réserves qu’il a et le diriger vers un expert. AmeriSpec, qui a effectué l’inspection préachat, a donc été condamnée à payer 34 455 $ aux acheteurs.

Références

  • Julien c. Comspec (9110-9595 Québec inc.), (C.Q., 2016-06-28), 2016 QCCQ 5754, SOQUIJ AZ-51300239.
  • Eletto c. Pelletier (C.Q., 2015-11-09), 2015 QCCQ 11293, SOQUIJ AZ-51230976, 2015EXP-3450.
  • Lachapelle c. Dubé (C.Q., 2016-07-04), 2016 QCCQ 7131, SOQUIJ AZ-51309440, 2016EXP-2574.
  • Sauvé c. Bouffard (C.Q., 2016-09-12), 2016 QCCQ 10271, SOQUIJ AZ-51328872.
  • Tomlin c. Lelliott (C.S., 2016-11-08), 2016 QCCS 5530, SOQUIJ AZ-51341154, 2016EXP-3749, J.E. 2016-2069.
  • Zerko (Avakian) c. King (C.Q., 2016-07-25), 2016 QCCQ 7884, SOQUIJ AZ-51314588, 2016EXP-2795, J.E. 2016-1516.
  • Chaouch c. Lawadessa inc. (C.Q., 2015-01-14), 2015 QCCQ 262, SOQUIJ AZ-51143401, 2015EXP-533. Pourvoi en contrôle judiciaire rejeté, (C.S., 2016-06-14), 2016 QCCS 4637, SOQUIJ AZ-51326288. Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2016-11-24) 500-09-026214-163, 2016 QCCA 1890, SOQUIJ AZ-51343850.
  • Barrios Villatoro c. Lamontagne (C.Q., 2014-02-20), 2014 QCCQ 970, SOQUIJ AZ-51047011, 2014EXP-1011, J.E. 2014-544.
  • Debonville c. Potvin (C.Q., 2016-10-20), 2016 QCCQ 11391, SOQUIJ AZ-51334796, 2016EXP-3524, J.E. 2016-1920.
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