Lorsque des époux élaborent ensemble un projet de retraite hâtive et qu’une séparation survient, modifiant leur situation respective, peuvent-ils néanmoins mettre ce projet à exécution? Il s’agit de l’une des questions abordées récemment par la juge Danye Daigle dans Droit de la famille – 163281

En 2009, les parties ont consulté un planificateur financier pour les guider dans leur projet de prendre une retraite hâtive, soit au début de la soixantaine. En 2014, elles ont de nouveau consulté un planificateur pour revoir les modalités de leur projet à la suite de dépenses non prévues lors des premières projections. Quelques mois plus tard, le mari a mis fin à l’union des parties. Il était alors âgé de 58 ans, tandis que l’épouse en avait 59.

Au mois d’avril 2015, l’épouse a signé les documents requis en vue de son départ à la retraite, et ce, malgré le désaccord du mari, lequel était fondé sur leur nouvelle situation et les frais qu’ils devraient dorénavant supporter chacun de leur côté. L’épouse a donc quitté le marché du travail au mois d’août et, même si elle était autonome financièrement jusqu’alors, elle s’est vue contrainte chaque mois de piger dans ses placements pour faire face à ses besoins de base.

Considérant qu’elle redeviendra autonome lorsque le partage du patrimoine familial sera réglé, l’épouse réclame une pension alimentaire à son bénéfice personnel, rétroactivement à son départ à la retraite, et ce, jusqu’au prononcé du jugement de divorce. Elle fait valoir qu’une retraite hâtive faisait partie des objectifs du couple et qu’elle ne voit pas pourquoi elle aurait dû retarder ce projet. De son côté, le mari estime qu’elle doit assumer son choix de se placer dans une situation financière précaire.

La juge Danye Daigle ne retient pas la position de l’épouse, étant d’avis que cette dernière ne pouvait agir comme si la rupture n’était jamais survenue et prendre des décisions qui faisaient abstraction de sa nouvelle réalité. La séparation des parties constituait un événement de vie imprévisible qui justifiait une nouvelle analyse de la situation et l’élaboration d’un nouveau scénario de retraite plausible, tenant compte de tous les éléments financiers.

Traitant plus particulièrement du choix de l’épouse, la juge Daigle écrit :

[60] Madame a été téméraire et a agi dans son seul bénéfice, sans se soucier de l’impact sur les autres. Elle aurait facilement pu retarder sa retraite de quelques années ou même quelques mois, ce qu’elle a décidé de ne pas faire. Bien que ce choix doive être respecté, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’en faire supporter les conséquences à Monsieur.

[…]

[63] Sa situation actuelle ne découle en rien du mariage ou de son échec, mais uniquement de sa décision prématurée de mettre fin à son lien d’emploi. En conséquence, elle devra assumer les résultats de cette décision.

Devant sa nouvelle situation, l’épouse devait donc revoir le projet de retraite établi préalablement par le couple.

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