La virgule en série, l’«Oxford comma», fait parler d’elle ces jours-ci. En effet, son absence dans une clause contractuelle vient de coûter 13 millions de dollars à une compagnie laitière du Maine. 

Traditionalistes vs modernistes

Cette règle de grammaire anglaise requiert qu’une virgule soit placée entre les deux derniers éléments d’une énumération. Il existe cependant un débat entre les grammairiens traditionalistes et les modernistes sur l’à-propos de cette règle de nos jours. Il y a en effet une tendance généralisée vers un style de rédaction plus simple, plus clair, plus direct, mais la majorité des guides de rédaction recommandent toujours l’utilisation de l’«Oxford comma». La simplicité de rédaction et le formalisme grammatical ne sont donc pas antinomiques, surtout en rédaction juridique.

Avant ou après

Certains d’entre vous se souviendront du dossier Rogers Communications Inc., où la virgule était aussi en vedette. Très sommairement, et en laissant de côté les arguments juridiques qui ont également été analysés, il s’agissait d’une dispute sur l’interprétation d’un contrat de licence relatif aux structures de soutènement entre Rogers et Bell Aliant pour l’utilisation par Rogers de poteaux détenus par Bell. Le droit de résiliation de la licence a finalement été décidé selon les règles de la ponctuation anglaise. En effet, la virgule placée avant la proposition finale de la version anglaise indiquait que celle-ci s’appliquait aux deux propositions, alors qu’il y avait ambiguïté à ce titre dans la version française. Une marque typographique qui aura coûté très cher. Voici les clauses en question :

8.1 Subject to the termination provisions of this Agreement, this Agreement shall be effective from the date it is made and shall continue in force for a period of five (5) years from the date it is made, and thereafter for successive five (5) year terms, unless and until terminated by one year prior notice in writing by either party.

8.1 Sous réserve des dispositions relatives à la résiliation du présent contrat, ce dernier prend effet à la date de signature. Il demeure en vigueur pour une période de cinq (5) ans à partir de la date de la signature et il est subséquemment renouvelé pour des périodes successives de cinq (5) années, à moins de préavis écrit de résiliation signifié à l’autre partie un an avant l’expiration du contrat.

L’histoire récente du Maine nous rappelle que nous devons porter une attention particulière à cet aspect de nos pratiques puisqu’au Québec nous faisons affaire en français comme en anglais; ces langues sont tellement entremêlées au quotidien qu’il arrive que le sens d’un mot soit compris à partir de notre connaissance de l’autre langue et que la syntaxe soit un peu plus fluide qu’on ne pourrait le souhaiter. Lorsque nos instruments juridiques sont rédigés dans les deux langues, n’oublions pas que la rédaction simple est un objectif louable, mais la rédaction claire est beaucoup plus souhaitable pour tout le monde.

Référence

Rogers Communications Inc. (C.R.T.C., 2007-08-20), 2007-75.

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