La triste histoire du chien bouledogue Arès, décédé d’un coup de chaleur après avoir été laissé dans une automobile en pleine canicule, a fait la une de La Presse la semaine dernière. Bien que sa propriétaire ait laissé les fenêtres du véhicule entrouvertes, le juge Richmond, de la Cour municipale de Montréal, a trouvé que son comportement constituait des infractions aux articles 445.1 (1) a) et 446 (1) b) du Code criminel (C.Cr.). Dans son jugement, il s’est particulièrement arrêté à analyser l’intention requise (mens rea) pour reconnaître une personne coupable de ces infractions. 

Avoir volontairement causé une souffrance ou une blessure sans nécessité à un animal – art. 445.1 (1) a) C.Cr.

Le juge énonce d’abord que l’article 429 (1) C.Cr., qui contient les termes «sans se soucier» et qui s’applique à toutes les dispositions de la Partie XI du Code criminel aide à définir la mens rea du premier chef d’accusation, soit d’avoir volontairement causé une souffrance ou une blessure sans nécessité à un animal (art. 445.1 (1) a) C.Cr.). La mens rea requise est l’insouciance, soit l’attitude de celui qui est conscient du risque et qui court une chance. Le ministère public doit aussi faire la preuve des deux autres éléments essentiels de l’infraction, soit un résultat et un lien de causalité. Le juge a retenu de la preuve que l’accusée a cherché une place de stationnement à l’ombre, a mouillé la peau de son animal avec sa main et a ouvert les fenêtres avant de quitter la voiture. Elle était donc consciente que sa conduite risquait d’engendrer une souffrance ou une douleur pour son chien mais a néanmoins persisté, malgré le risque. Le chien a ultérieurement succombé à son coup de chaleur provoqué par le fait d’avoir été laissé trop longtemps dans une automobile sans eau et sans suffisamment d’air et de protection contre le soleil.

Avoir volontairement omis de fournir les aliments, l’eau, l’abri et les soins convenables à son animal – art. 446 (1) b) C.Cr.

Pour ce qui est du deuxième chef d’accusation, soit d’avoir volontairement omis de fournir les aliments, l’eau, l’abri et les soins convenables à son animal (art. 446 (1) b) C.Cr.), le juge Richmond dit que la mens rea requise est la négligence volontaire, qui est plus que de la simple négligence ou qu’un simple oubli. L’infraction peut être commise et terminée avant que la conduite prohibée ne produise de résultat néfaste, et il n’est pas nécessaire d’avoir eu à l’esprit un objectif de faire souffrir un animal. Il suffit d’avoir eu à l’esprit les conditions dans lesquelles on laisse l’animal et d’avoir décidé volontairement de le laisser dans ces conditions. Or, la preuve révèle que l’accusée a cherché une place de stationnement à l’ombre, car elle envisageait la possibilité que le soleil surchauffe l’automobile, qu’elle a décidé de ne pas laisser de l’eau à son chien parce qu’il la renverserait et qu’elle n’a pas non plus oublié le problème d’aération puisqu’elle a ouvert deux fenêtres avant de quitter le véhicule. Par conséquent, l’omission de l’accusée était volontaire, car elle était consciente des conditions non convenables dans lesquelles elle laissait son chien.

Il sera intéressant de voir quelles peines seront imposées, la personne commettant les infractions étant passible autant d’amendes que d’emprisonnement.

Ajout du 4 juillet 2019 : Vérification faite auprès du greffe de la Cour municipale de Montréal (il n’y a pas eu de jugement écrit), la défenderesse a été condamnée à faire un don à la SPCA et à des suramendes, pour un total de 700 $.

Rédigé avec la collaboration de Me Pamela Eid.

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