Voici une situation habituellement réglée comme du papier à musique: le ministre de l’Emploi de la Solidarité sociale (MESS) se retrouve devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ) pour prouver une situation de vie maritale non déclarée, il dépose en preuve des déclarations écrites de personnes qui affirment que les prestataires sont des conjoints et le TAQ accepte en preuve ces déclarations malgré l’absence des témoins lors de l’audience. Or, récemment, il y a eu un couac dans la musique. 

Dans cette affaire (T.L. c. Ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale), l’avocate d’un requérant a demandé la révision d’une décision du TAQ (TAQ 1) ayant conclu à une situation de vie maritale non déclarée. Elle a soutenu qu’elle n’avait pu présenter une preuve complète.

Elle aurait reçu de l’avocate du MESS l’assurance que toutes les personnes ayant fait des déclarations écrites seraient assignées et présentes à l’audience devant TAQ 1. Elle aurait donc préparé des contre-interrogatoires et fondé une grande partie de sa preuve sur ceux-ci. Or, lors de l’audience, les témoins étaient absents. L’avocate du requérant aurait découvert que ces personnes, ou du moins certaines d’entre elles, n’avaient pas été assignées par la procureure du MESS.

Le TAQ en révision a souligné que l’absence lors de l’audience des personnes ayant signé des déclarations écrites dans le contexte de l’enquête du MESS, et plus particulièrement la question de l’assignation de ces personnes, a fait l’objet de discussions devant TAQ 1.

L’avocate du requérant a demandé à ce dernier de ne pas tenir compte des déclarations écrites au dossier. Elle a aussi demandé la production des assignations à comparaître signifiées ou transmises par le ministre. TAQ 1 a rejeté ses deux demandes à l’audience, sans motiver ses refus.

Lors des plaidoiries écrites, cette question d’absence et d’assignation des déclarants a de nouveau été invoquée par la procureure du requérant. Elle a fait valoir que, après l’audience, elle avait été mise au courant qu’au moins un témoin auquel le MESS avait prétendument envoyé un subpoena n’avait jamais reçu quelque assignation que ce soit. De plus, deux témoins qui avaient été assignés par le MESS ont été avertis par la procureure de ce dernier de ne pas se présenter devant le TAQ à la suite d’une conversation sur leurs témoignages à faire.

Or, la décision de TAQ 1 ne comporte aucune discussion sur les déclarations des témoins absents ou sur la demande de production des assignations à comparaître ni aucune référence aux éléments nouveaux invoqués par la procureure du requérant.

Comme il s’agit d’une question d’équité procédurale, TAQ 1 devait non seulement trancher, mais également expliquer son processus décisionnel. L’absence de motivation est un manquement aux règles d’équité procédurale et de justice naturelle et constitue un vice de fond de nature à invalider la décision rendue.

Le dossier a donc été renvoyé au TAQ afin que les parties soient convoquées pour une nouvelle audience. Il est intéressant de noter que l’avocate du MESS a soutenu devant le TAQ en révision qu’il appartenait au requérant de s’assurer de la présence des témoins.

Référence

T.L. c. Ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale (T.A.Q., 2017-05-12), 2017 QCTAQ 05338, SOQUIJ AZ-51393667.

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