À Montréal, les nouveaux condos poussent comme des champignons et les bureaux des ventes des promoteurs font rêver les futurs acheteurs. Malheureusement, pour certains ayant acheté leur condo sur plan, la réalité peut parfois être décevante. Superficie habitable moindre, modifications du plan initial, voici quelques exemples tirés de la jurisprudence récente. 

Dans Gagné c. 6983499 Canada inc., les demandeurs voulaient acheter un condo ayant une superficie supérieure à 2 700 pieds carrés afin d’y emménager avec leurs 3 enfants. Il s’agissait d’un élément essentiel pour eux. Les plans joints à leur promesse d’achat indiquaient que l’unité qu’ils s’apprêtaient à acheter devait avoir une superficie habitable de 2 904 pieds carrés. Or, avant la signature de l’acte de vente, ils ont pris connaissance du certificat de localisation, qui mentionnait une superficie de 2 558 pieds carrés. Le propriétaire du projet leur a dit que c’était la façon de faire dans l’industrie et qu’il est impossible, au moment de la signature d’une promesse sur plan, d’obtenir la superficie habitable puisque les premières dimensions calculées par des architectes incluent les murs extérieurs. Les demandeurs ont réclamé une diminution du prix de vente de 113 000 $. Cette décision fait actuellement l’objet d’un appel (2017-05-08 (C.A.), 500-09-026801-175).

La juge a rappelé que, selon le courant jurisprudentiel majoritaire, le vendeur est tenu de délivrer la contenance indiquée au contrat, sauf s’il prouve que le bien a été vendu sans égard à cette contenance. Ce n’est qu’exceptionnellement que la quantité ou la contenance réelle délivrée par le vendeur peut être différente de celle indiquée dans le contrat de vente. Le vendeur ne peut tenter de dégager sa responsabilité en invoquant une clause du contrat qui stipulerait que la superficie du bien acheté est approximative. En effet, toute clause ambiguë doit être interprétée en faveur de l’acheteur consommateur. En s’appuyant sur une expertise ayant établi la valeur de ce que représentait le déficit de contenance de 346 pieds carrés, la juge a accordé aux acheteurs la diminution du prix de vente réclamée.

Dans Lacombe c. 6983499 Canada inc., l’offre d’achat mentionnait que la superficie du loft acheté sur plan pouvait être moindre que la superficie brute. Le juge a toutefois retenu que cela ne suffisait pas pour conclure que la vente avait été faite sans égard à la contenance. Il a arbitré à 5 000 $ la somme à accorder aux acheteurs, dont l’unité avait une superficie réelle (855 pi2) inférieure à celle mentionnée dans les documents contractuels (984 pi2).

Les fausses représentations du vendeur quant à la surface nette ou habitable d’un condo constituent d’ailleurs une pratique commerciale interdite aux termes de la Loi sur la protection du consommateur. Dans Lacate c. 9216-6784 Québec inc., l’acheteuse a obtenu l’annulation du contrat préliminaire qu’elle avait signé. L’unité lui avait été livrée en retard et n’avait pas la superficie habitable ni le garage prévus au contrat.

C’est également ce qui est arrivé dans Patel c. Condominiums Centro inc., où le vendeur n’avait pas divulgué à l’acheteuse que la superficie nette de l’unité de copropriété vendue pourrait être de 20 % inférieure à la superficie brute indiquée sur le plan. Le juge a accordé 7 500 $ à l’acheteuse pour la perte de superficie habitable, plus 1 500 $ pour les inconvénients subis.

Dans Ouellet c. Édifice 10 St-Jacques inc., les acheteurs ont pu obtenir l’annulation du contrat préliminaire. Ils avaient besoin d’une superficie minimale et ils s’attendaient à obtenir entre 612 et 648 pieds carrés. Ils ont plutôt reçu un appartement de 560 pieds carrés, soit 22 % de moins que prévu.

Lorsqu’elle représente une considération essentielle pour l’acheteur, la superficie réelle d’un casier de rangement qui diffère de celle mentionnée au contrat peut également donner droit à une indemnité. Dans Morozov c. Evolo 2 Condominiums inc., le casier étant 23 % plus petit, les acheteurs ont eu droit à des dommages-intérêts de 3 000 $ pour le déficit de contenance.

Enfin, dans Labelle c. Liguori inc., c’est l’emplacement de la piscine et du gymnase de l’immeuble où la demanderesse avait acheté un condo qui différait. Après la vente, elle a constaté qu’ils avaient été construits en face de son appartement plutôt qu’à l’endroit indiqué sur les plans qu’elle avait consultés. Il y avait donc beaucoup de va-et-vient devant son unité, des bruits provenant de ces installations ainsi que de l’humidité et une odeur de chlore. Elle a obtenu une indemnité de 15 000 $, principalement pour la perte de jouissance de son appartement.

Références

  • Gagné c. 6983499 Canada inc. (C.S., 2017-04-21), 2017 QCCS 1721, SOQUIJ AZ-51388531, 2017EXP-1629. Déclaration d’appel, 2017-05-08 (C.A.), 500-09-026801-175 et requête en rejet d’appel, 2017-06-06 (C.A.), 500-09-026801-175.
  • Lacombe c. 6983499 Canada inc. (C.Q., 2016-09-23), 2016 QCCQ 9927, SOQUIJ AZ-51327467, 2016EXP-3443.
  • Lacate c. 9216-6784 Québec inc. (C.S., 2015-11-04), 2015 QCCS 5080, SOQUIJ AZ-51227314, 2015EXP-3427, J.E. 2015-1883.
  • Patel c. Condominiums Centro inc. (C.Q., 2011-03-21), 2011 QCCQ 2805, SOQUIJ AZ-50739414, 2011EXP-1447, J.E. 2011-789. Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2011-05-18), 2011 QCCA 919, SOQUIJ AZ-
  • Ouellet c. Édifice 10 St-Jacques inc. (C.S., 2008-06-18), 2008 QCCS 4253, SOQUIJ AZ-50513197, J.E. 2008-1921, [2008] R.D.I. 723. Appel rejeté sur requête (C.A., 2008-09-02), 2008 QCCA 1713, SOQUIJ AZ-
  • Morozov c. Evolo 2 Condominiums inc. (C.Q., 2016-04-19), 2016 QCCQ 2449, SOQUIJ AZ-51279847.
  • Labelle c. Liguori inc. (C.Q., 2016-06-28), 2016 QCCQ 9244, SOQUIJ AZ-51321864, 2016EXP-3268.
Print Friendly, PDF & Email