Lorsque nos enfants sont à l’école, leur garde, leur surveillance et leur éducation sont confiées temporairement aux éducateurs, aux surveillants, à l’établissement d’enseignement, etc. Dans le présent billet, il sera question de la responsabilité civile de ces derniers. Dans quels cas celle-ci peut être engagée?

Pour répondre à cette question, l’article 1460 du Code civil du Québec (C.C.Q.) est pertinent, lequel se lit comme suit :

La personne qui, sans être titulaire de l’autorité parentale, se voit confier, par délégation ou autrement, la garde, la surveillance ou l’éducation d’un mineur est tenue, de la même manière que le titulaire de l’autorité parentale, de réparer le préjudice causé par le fait ou la faute du mineur.

Toutefois, elle n’y est tenue, lorsqu’elle agit gratuitement ou moyennant une récompense, que s’il est prouvé qu’elle a commis une faute.

Cette disposition crée une simple présomption de faute qui peut être repoussée en démontrant une absence de faute, c’est-à-dire une surveillance, une garde ou une éducation adéquates de l’enfant.

Prudence, diligence et événement imprévisible

Tel qu’il est énoncé dans X. c. Commission scolaire des Portages-de-l’Outaouais, les institutions scolaires et leurs professeurs doivent faire preuve de prudence et de diligence lorsqu’ils exercent la surveillance des élèves, ce qui oblige à interrompre toute activité qui ne se déroulerait pas dans des conditions normales et adéquates. Dans cette affaire, la juge de première instance n’a pas commis d’erreur en concluant qu’il n’avait pas été établi que le grand nombre d’élèves dans la cour de l’école, et particulièrement ceux entourant la piste où se déroulait l’activité de saut en hauteur, avait eu pour effet de rendre difficile le déroulement de celle-ci. En outre, la juge a eu raison de conclure que la Commission scolaire, par l’intermédiaire de l’enseignant, avait respecté les trois obligations qui lui incombaient, soit renseigner les élèves au sujet de l’activité sportive exercée, fournir des installations sécuritaires et surveiller adéquatement les élèves pendant le déroulement de l’activité. Le professeur d’éducation physique ne pouvait prévoir que son élève exécuterait son saut en longueur sans avoir reçu de signal de départ de sa part; l’accident et la blessure qui en a découlé constituaient alors un événement imprévisible.

En effet, «l’enseignant qui surveille des élèves doit les protéger contre les dangers normalement prévisibles en exerçant une surveillance adéquate. Il n’est pas tenu de leur éviter le moindre risque possible ni de prévenir les comportements insolites ou inattendus» (Gagné c. Commission scolaire de Saint-Hyacinthe, paragr. 32).

Intensité de la surveillance selon l’âge

En outre, l’intensité du devoir de surveillance d’une commission scolaire – devoir exercé par les membres de sa direction ainsi que par ses professeurs et surveillants – doit être modulé en fonction non seulement de la prévisibilité de l’accident qui survient, mais aussi selon l’âge de l’élève en cause; plus l’élève est jeune, plus l’intensité de ce devoir est importante. Dans la cause Chiasson c. Commission scolaire des Découvreurs, il a été décidé que l’élève de quatrième secondaire qui était entré dans l’auditorium de l’école pendant une pause et avait profité de cet accès pour s’agripper à un rideau de scène, lequel lui est tombé sur la tête, était le seul artisan de son malheur.

Intensité de surveillance selon la situation

Dans E.C. c. École Saint-Vincent-Marie, X, une jeune fille de 11 ans née en Hongrie a été harcelée et intimidée par cinq garçons de sa classe durant l’année scolaire 2010-2011. Agissant ès qualités de tuteurs légaux et de parents de X, les demandeurs ont établi les trois éléments nécessaires pour enclencher la présomption de faute prévue à l’article 1460 C.C.Q., soit le fait que les cinq garçons étaient mineurs, leur statut d’élèves confiés à la Commission scolaire et l’acte fautif ou illicite perpétré par ces derniers ayant causé le préjudice subi par X. Pour sa part, la Commission scolaire n’a pas repoussé cette présomption.

Tout d’abord, les mesures de surveillance mises en place étaient insuffisantes pour prévenir les gestes des garçons ou y mettre fin. Il n’y avait alors aucune politique sur le harcèlement et aucune mesure en place pour le prévenir. De plus, aucune directive n’avait été donnée aux enseignants pour reconnaître une situation de harcèlement et la gérer. D’autre part, les toilettes unisexes de cette école nécessitaient des mesures particulières. Or, le fait que X se soit trouvée seule avec plusieurs garçons de sa classe aux toilettes à au moins quatre reprises suggère que la surveillance de ces lieux était inadéquate. En outre, il a été démontré que X avait eu un problème avec les cinq garçons dès le début de l’année scolaire et que la situation ne s’était améliorée que temporairement grâce aux interventions de l’enseignante et de la direction de l’école. Ensuite, il a été démontré que, pendant l’année scolaire, plusieurs incidents mettant en cause les cinq garçons et X avaient été portés à l’attention de l’enseignante et de la direction de l’école. Il était à prévoir que la situation continuerait, ou même s’aggraverait. L’incident à connotation sexuelle survenu en février 2011 n’était donc pas impossible à prévoir ou à empêcher. Dans ces circonstances, la commission scolaire défenderesse a commis une faute et a été condamnée à payer 10 000 $.

Obligation de prévenir

Enfin, dans Qazzaz c. École secondaire Saint-Maxime, la responsabilité de la Commission scolaire a été engagée pour les dommages corporels subis par un élève ayant reçu de l’hydroxyde de sodium sur la tête en raison du geste de son ami. Le juge a estimé que, si le professeur du cours de sciences avait informé clairement les élèves du caractère hautement corrosif et toxique de ce produit chimique, jamais un élève de 15 ans n’en aurait déversé sur la tête de son meilleur ami pour faire une blague.

En espérant que ce billet vous a éclairé sur la responsabilité des intervenants dans le milieu scolaire. Bonne rentrée!

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