En vertu de l’article 947 du Code civil du Québec, la propriété est le droit d’user, de jouir et de disposer librement et complètement d’un bien, sous réserves des limites et des conditions d’exercice fixées par la loi. Le droit du propriétaire n’est donc pas absolu et nous pouvons voir une illustration de cela dans un jugement prononcé récemment par le juge Serge Gaudet, de la Cour supérieure, dans Droit de la famille – 172129, où il était notamment question des droits d’accès d’un père à ses 2 enfants, âgés respectivement de 11 et 9 ans. 

À la suite d’un accident, le père des enfants en cause est devenu lourdement handicapé. La mère, sa conjointe de fait, s’est initialement occupée de lui. Après quelque temps, la grand-mère paternelle, qui accusait la mère de se servir du père pour amasser des fonds, s’est fait nommer curatrice aux biens et à la personne de son fils et elle a décidé d’héberger celui-ci. Même s’ils ne sont pas séparés, les parents ne vivent donc plus ensemble.

Les enfants voudraient avoir accès à leur père, mais ils ne souhaitent pas avoir de contacts avec leur grand-mère puisque, de leur point de vue, elle est responsable du départ de leur père du domicile familial. Dans ses procédures, la mère demande donc que la grand-mère et son conjoint quittent leur résidence pendant les accès. Or, la grand-mère prétend qu’on ne peut la forcer à quitter son propre domicile pendant l’exercice des droits d’accès.

Le juge Gaudet retient la position de la mère et des enfants.

D’une part, il donne préséance au critère de l’intérêt supérieur des enfants, qui commande que les enfants puissent voir leur père au moins une fois par mois et que ce droit d’accès puisse s’exercer dans des circonstances où les enfants n’auront pas à se soucier de rencontrer leur grand-mère.

D’autre part, le juge note que la grand-mère, qui invoque ses prérogatives en tant que propriétaire des lieux, omet de tenir compte du fait qu’elle est aussi curatrice à la personne du père. Or, à ce titre, elle a la responsabilité d’assurer le bien-être moral de son fils, qui bénéficie de droits d’accès auprès de ses enfants. Son droit de propriété ne constitue pas un fondement pour empêcher les contacts que le père a le droit d’entretenir avec ses proches, notamment avec ses enfants, ou autrement nuire à ceux-ci.

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