Le parent qui exerce la garde est présumé apte à administrer la pension alimentaire qu’il reçoit pour l’entretien de son enfant. Qu’arrive-t-il lorsque, dans le cours de l’exercice de cette administration, le parent gardien décide, de façon libre, volontaire et sans aucune contrainte, de remettre au parent non gardien une partie de la pension alimentaire pour enfant versée par ce dernier? Peut-il obtenir la remise de la somme qu’il a redonnée? La juge Nicole-M. Gibeau a récemment été saisie de cette question dans Droit de la famille – 172274.

En 1997, le père a été tenu au paiement d’une pension alimentaire au bénéfice de la fille des parties. La Direction des pensions alimentaires du ministère du Revenu percevait cette pension pour ensuite la déposer dans le compte bancaire de la mère. Or, entre 2003 et 2015, celle-ci a remis au père une partie de la pension alimentaire qui lui était ainsi versée.

En 2016, ayant pris sa retraite et étant d’avis qu’il pouvait obtenir une diminution de la pension étant donné que ses revenus étaient moins élevés, le père a présenté une demande en ce sens. La mère a répliqué en réclamant 70 118 $, soit l’équivalent des sommes remises au père entre 2003 et 2015. Pour elle, il s’agissait d’arrérages de pension alimentaire.

Selon la juge Gibeau, la mère ne peut, après 13 ans, exiger du père qu’il lui redonne les sommes qu’elle lui a volontairement remises au cours des années. La mère doit donc supporter seule les conséquences de sa décision délibérée de ne pas consacrer les sommes versées aux seuls besoins de leur fille.

La juge rejette aussi deux arguments de la mère, qui avait fait valoir que le père ne l’avait pas informée de l’augmentation de ses revenus au cours des années et du fait qu’à une certaine époque il avait cessé de verser une pension alimentaire au bénéfice de ses deux autres enfants. D’une part, elle note que la mère ne pouvait ignorer ces faits puisque les parties avaient le même employeur et qu’elle connaissait l’âge des enfants du père. D’autre part, elle retient que le comportement de la mère, qui a remis volontairement au père une partie de la pension alimentaire versée, constituait un indicatif sérieux de sa renonciation à recevoir les sommes prévues au jugement de 1997 et à tout rajustement pouvant découler de changements dans les situations respectives des parties.

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