Les conséquences d’une lésion professionnelle peuvent bien entendu s’étendre au-delà de l’incapacité du travailleur qui en est victime à exercer son emploi. La décision récemment rendue par le Tribunal administratif du travail (TAT) dans Picard et Embellissements Roli-Vert inc. en constitue une illustration intéressante. 

Dans cette affaire, la travailleuse, une journalière, avait été blessée à un œil lors d’un accident du travail. Une atteinte permanente lui avait par ailleurs été reconnue. Au moment du renouvellement de son permis de conduire, la Société de l’assurance automobile du Québec a exigé qu’elle se soumette à des examens de la vue afin qu’il soit démontré qu’elle était toujours en mesure de conduire un véhicule de façon sécuritaire. La Commission de l’équité, des normes, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a refusé d’acquitter le coût de ces examens, car elle était d’avis qu’ils n’avaient pas été rendus nécessaires en raison de la lésion professionnelle.

Saisi du dossier, le TAT a donné raison à la travailleuse et a conclu que la CNESST devait supporter le coût des examens exigés pour qu’elle puisse recouvrer son permis.

Après avoir rappelé que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) a notamment pour objet de pallier les conséquences des lésions professionnelles et que la CNESST doit veiller à la réalisation de cet objectif, le TAT a appliqué les dispositions relatives à la réadaptation sociale, laquelle «a pour but d’aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle» (art. 151 LATMP). Il a plus particulièrement appliqué l’article 152 LATMP en précisant que ce dernier comporte une énumération non exhaustive de ce qu’un programme de réadaptation sociale peut comprendre. 

Le TAT a retenu ce qui suit :

[36]        En l’espèce, la suspension du permis de conduire de la travailleuse découle de sa lésion professionnelle à l’œil droit. N’eût été de cette lésion, la travailleuse aurait conservé ce permis. Il s’agit donc d’une conséquence de la lésion professionnelle. Dans ce contexte, les examens requis pour que la travailleuse puisse recouvrer son permis de conduire doivent être défrayés par la Commission dans le cadre de la réadaptation sociale. En effet, la Commission doit tenter dans la mesure du possible d’aider la travailleuse à surmonter les conséquences personnelles et sociales qui découlent de sa lésion professionnelle. Or, la perte de son permis de conduire a pour la travailleuse des conséquences à la fois sociale et personnelle.

[Gras ajouté.]

Il a en outre souligné que l’article 181 LATMP prévoit expressément que le «coût de la réadaptation est assumé par la Commission». Enfin, il a ajouté que la CNESST aurait pu répondre positivement à la demande de la travailleuse en appliquant le pouvoir général que lui accorde le paragraphe 5 de l’article 184 de «prendre toute mesure qu’elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d’une lésion professionnelle».

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