La civilité a-t-elle sa place sur Facebook et autres médias sociaux? Poser la question, c’est y répondre?! Pourtant, plusieurs écarts de langage et de conduite y ont cours.

Les relations du travail n’y échappent pas : des employeurs et des collègues sont victimes d’atteintes à leur réputation, de séances de défoulement, ou encore ils sont ciblés par des propos vulgaires, discriminatoires ou offensants. 

Encadrement légal

Peu importe que les propos soient tenus dans le milieu de travail, dans les médias traditionnels ou encore dans les médias sociaux, tous ont les mêmes droits et obligations. En vertu des articles 3 et 35 du Code civil du Québec (C.C.Q.) et de l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne, toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée; elle a aussi droit au respect de sa dignité en vertu de l’article 4 de la charte.

L’employeur a l’obligation de protéger la dignité en vertu de l’article 2087 C.C.Q. De son côté, le salarié a une obligation de loyauté à l’endroit de l’employeur, laquelle est prévue à l’article 2088 C.C.Q.

Comment l’employeur peut-il prévenir les affichages inappropriés?

L’employeur devrait adopter des politiques d’entreprise en matière de civilité, interdisant notamment le langage abusif, la violence et le harcèlement. Il devrait aussi adopter des politiques visant à protéger sa réputation. L’employeur devrait aussi offrir de la formation sur l’importance de ces sujets tant aux salariés qu’aux gestionnaires.

L’employeur peut-il punir les salariés fautifs?

S’il prend connaissance de propos inappropriés publiés sur les médias sociaux, l’employeur peut imposer des sanctions disciplinaires, qu’elles soient prévues ou non dans une politique d’entreprise. Tout un éventail de mesures s’offre à lui en fonction des circonstances et des facteurs atténuants ou aggravants : avis verbal, avis écrit, suspensions de plus ou moins longues durées ou encore congédiement en cas de faute grave.

Et si les propos sont publiés en dehors des heures du travail?

Il ne faut pas hésiter à détruire la croyance de certains salariés qui croient qu’ils sont à l’abri de toute sanction de la part de l’employeur lorsqu’ils publient des propos inappropriés relativement à leur milieu de travail sur les médias sociaux.

La jurisprudence est claire : le fait que les commentaires n’aient pas été tenus ou publiés sur les lieux ou durant les heures de travail importe peu s’ils ont pour objet l’employeur ou l’une ou l’un de ses employés.

Les droits et obligations des employeurs et des salariés demeurent et les politiques de l’employeur continuent de s’appliquer.

Mon compte Facebook ne fait-il pas partie de ma vie privée?

Le salarié fautif ne peut pas prétendre que son compte Facebook fait partie de la sphère privée étant donné qu’il permet à de multiples utilisateurs de partager les informations qu’il publie.

Des situations ayant justifié l’intervention de l’employeur?

  • Des propos injurieux tenus par un pompier dénigrant les policiers et le jugement des dirigeants; ils nuisaient également à la réputation du maire d’une municipalité.
    (Syndicat des pompiers et pompières du Québec (SPQ), section locale Granby et Ville de Granby)
  • La dénonciation d’une politique de l’employeur portant sur l’interdiction du port du carré rouge et la publication de propos diffamatoires portant atteinte à sa réputation; le congédiement a été confirmé.
    (Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 574 (SEPB-CTC-FTQ) et Librairie Renaud-Bray inc., pourvoi en contrôle judiciaire déposé, 2017-02-10 (C.S.), 500-17-097432-176.)
  • La publication d’une photographie truquée montrant le salarié torse nu avec deux employées de l’hôtel, dont l’une est une représentante de l’employeur; une bande noire avait été ajoutée sur les yeux des employées, mais ces dernières demeuraient reconnaissables. Une suspension de quatre mois a été substituée au congédiement.
    (Syndicat des employées et employés du Loews Hôtel Québec (CSN) et Loews Hôtel Québec inc.)
  • Des propos grossiers à caractère sexuel sur Facebook à l’occasion d’échanges avec une collègue. Le congédiement d’un assembleur de structures aéronautiques a été remplacé par une suspension d’un an; il faut tenir compte de la perception de la victime, qui n’estimait pas qu’il s’agissait de harcèlement sexuel à l’époque mais plutôt d’un langage typiquement masculin.
    (Bombardier inc. et Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, section locale 712)

Est-ce que le salarié fautif peut se défendre en invoquant sa liberté d’expression?

Dans l’affaire Ville de Granby, un pompier ayant tenu des propos dénigrants sur Facebook à l’endroit des policiers et du maire de la municipalité pour laquelle il travaille n’a pu justifier de telles paroles en invoquant sa liberté d’expression. L’employeur était en droit d’imposer une mesure disciplinaire.

De même, dans l’affaire Librairie Renaud-Bray inc., un salarié n’a pas réussi à justifier sa dénonciation de la politique de l’employeur, un libraire, interdisant le port du carré rouge sur les lieux du travail.

De plus, comme ses propos étaient diffamatoires et diffusés à titre personnel, sa fonction de représentant syndical ne lui a procuré aucune immunité.

Facteurs atténuants permettant de réduire la sanction imposée au salarié fautif

Plusieurs sentences arbitrales ont fait ressortir les facteurs atténuants suivants dans la réduction de la sanction imposée au salarié par l’employeur :

  • Le retrait rapide de l’affichage inapproprié du compte;
  • Des excuses et remords immédiats et sincères;
  • La diffusion limitée de l’enregistrement;
  • Le peu de personnes ayant visionné l’image ou pris connaissance des commentaires.

LA résolution que chacun devrait adopter et garder pour l’année 2018 est assurément celle de communiquer avec respect sur les médias sociaux…

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