Il n’existe pas de moyen facile de se libérer de dettes de consommation. Les taux des émetteurs de carte de crédit sont habituellement prohibitifs et les paiements minimaux qu’ils exigent ne permettent pas de venir à bout du solde.

Il importe également de noter que, advenant la faillite, la loi ne fera pas de cadeaux non plus…

Libération de faillite

En effet, la libération de faillite n’est pas une porte de sortie facile. La loi protège les débiteurs malchanceux et honnêtes, et non ceux qui veulent éluder leurs responsabilités.

Avant de rendre une ordonnance de libération, le tribunal analysera de nombreux facteurs, dont la nature des dettes, la conduite de la personne avant et après sa faillite, sa capacité de payer, les efforts déployés pour rembourser ses dettes, etc.

Une fois cet exercice fait, le tribunal a le choix.

Il peut :

  • accorder une libération absolue;
  • suspendre la libération pendant un certain délai;
  • rendre une ordonnance de libération conditionnelle au paiement par le débiteur d’une certaine somme d’argent; et,
  • dans les cas extrêmes, refuser purement et simplement de libérer le débiteur, lequel demeure alors en faillite jusqu’à nouvel ordre.

Cela étant dit, dans certaines circonstances, le tribunal ne peut accorder de libération absolue, par exemple lorsque le «failli a occasionné sa faillite, ou y a contribué, par des spéculations téméraires et hasardeuses, par une extravagance injustifiable dans son mode de vie, par le jeu ou par négligence coupable à l’égard de ses affaires commerciales» (art. 173 (1) e) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité).

La jurisprudence regorge d’exemples de débiteurs qui n’ont pas reçu du tribunal la clémence espérée. Bien sûr, il s’agit de cas extrêmes, mais leur caractère instructif demeure.

Libération conditionnelle

Dans Veilleux (Syndic de), le débiteur, qui avait des revenus d’au mieux 32 000 $, possédait 21 cartes de crédit, tirées à hauteur de 100 000 $, en plus d’un prêt personnel supérieur à 150 000 $. Cet argent avait servi notamment à prendre part à des jeux de hasard ou à faire de la spéculation boursière. Le tribunal a suspendu sa libération pendant une période minimale de cinq ans et jusqu’à ce qu’il ait payé au syndic la somme de 20 000 $.

Refus de libération

Dans Lussier (Syndic de), un étudiant décide de faire faillite, estimant qu’il lui serait impossible de rembourser la marge de crédit, tirée à 37 000 $, que lui avait consentie une caisse populaire pendant ses études. Le tribunal a refusé de le libérer de sa dette, vu sa conduite, qu’il décrit ainsi :

[53] […] Celui-ci cherche à se décharger d’une charge future, après en avoir tiré les bénéfices, aisément et en utilisant la Loi à mauvais escient. Malgré qu’il ne paraisse pas foncièrement malhonnête au Tribunal, sa grande insouciance à l’égard de ses engagements contractuels, sa déresponsabilisation à l’égard de ses obligations, pour ne pas dire sa témérité, et l’utilisation inappropriée qu’il tente de faire de la Loi ne lui donnent pas droit au qualificatif d’« honnête » dans ce contexte.

Refus conditionnel

Dans Alexandrov (Syndic d’), le débiteur, qui jonglait avec plus d’une dizaine de cartes de crédit, a accumulé des dettes de consommation de plus de 250 000 $ pour subvenir à ses besoins, alors qu’il n’avait plus aucun revenu, mais également pour acquérir des biens de luxe avant de partir pour l’étranger, dont une montre Cartier d’une valeur de 9 000 $. Si le tribunal a refusé de le libérer, la Cour d’appel est intervenue et rendu une ordonnance suspendant sa libération pendant une période de deux ans au cours de laquelle il devrait continuer de suivre une thérapie destinée à contrôler sa dépendance au jeu.

Fraude

Bien entendu, au train de vie extravagant s’ajoutent souvent des gestes assimilables à de la fraude, comme dans Sarkis c. Devletian & Associés inc., où le débiteur faisait de fausses déclarations quant à ses revenus et achetait des biens à l’aide d’au moins 27 cartes de crédit pour immédiatement les revendre à vil prix. La libération lui a été refusée, compte tenu notamment « de la façon éhontée adoptée par le débiteur pour s’enrichir aux dépens de ses créanciers ».

À cet égard, il importe de mentionner l’article 178 (1) e) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, selon lequel une ordonnance de libération ne libère pas le failli « de toute dette ou obligation résultant de l’obtention de biens ou de services par des faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits ».

En d’autres termes, être libéré d’une faillite ne signifie pas nécessairement se débarrasser de toutes ses dettes. Si vous avez obtenu du crédit au moyen de fausses déclarations, il est probable que vos créanciers resteront à vos trousses encore longtemps.

Conclusion

En somme, une saine gestion des finances, et non la faillite, demeure la meilleure façon de se libérer de ses dettes de consommation. Dans un monde idéal, le crédit ne servirait qu’à l’achat d’une maison ou d’une voiture, le reste des dépenses courantes devant être acquittées à mêmes les revenus.

Et en cas de difficultés, une visite chez le syndic s’impose, puisque des solutions de rechange à la faillite existent, notamment la consolidation de dettes ou la proposition de consommateur.

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