La présence de punaises de lit constitue un problème de santé publique qui ne cesse de croître. Ces insectes envahissent les hôtels, même les plus luxueux, nos maisons, les logements, etc. Selon une enquête réalisée en 2015, 1,1% des ménages québécois, soit près de 40 000 ménages, auraient eu des punaises de lit durant l’année 2014. Ce problème est plus présent dans les régions urbaines, dont la ville de Montréal, où 3 % des ménages auraient connu une infestation au cours de cette année. Dans le présent billet, il sera question des conséquences de la présence de punaises de lit uniquement dans un contexte locatif.

Obligations du locataire et du locateur

Le locataire est tenu, pendant toute la durée de son bail, d’user du bien loué avec prudence et diligence, de maintenir le logement en bon état de propreté et de ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires (art. 1855, 1860 et 1911 du Code civil du Québec (C.C.Q.))

Quant au locateur, il a notamment l’obligation de délivrer un logement en bon état de réparation de toute espèce, de procurer au locataire la jouissance paisible de son logement et de maintenir celui-ci en bon état d’habitabilité pendant toute la durée du bail (art. 1854 et 1910 C.C.Q.).

Dénonciation du problème et intervention du locateur

Dans le cas de punaises de lit, le locataire doit dénoncer sans tarder la situation au locateur. Celui-ci a ensuite l’obligation de mandater immédiatement un gestionnaire de parasites qualifié afin de maximiser ses chances d’exterminer ces insectes. Un délai de 3 mois avant d’entreprendre un traitement d’extermination a été considéré comme trop long dans Tremblay c. Lauzon.

Collaboration du locataire

Dans 9134-7112 Québec inc. c. Meilleur, le locateur a démontré que le logement de la locataire était dans un très mauvais état, et ce, en raison de son encombrement et de sa malpropreté. Il lui était impossible d’effectuer un traitement contre les punaises.

Or, la Régie du logement est régulièrement saisie de dossiers de cette nature et elle a reconnu que l’omission d’un seul locataire de collaborer aux traitements peut à elle seule anéantir totalement tous les traitements appliqués dans les autres logements, et ce, au préjudice de tous les locataires de l’immeuble (paragr. 29).

De plus, l’absence de préparation adéquate du logement suivant les directives de l’exterminateur empêche de traiter efficacement celui-ci afin d’éradiquer les punaises de lit et rend pratiquement inutile de procéder à un tel traitement (paragr. 30).

À titre d’exemple, dans St-Laurent c. Auger, la Régie a conclu que la locataire, en raison de son manque de coopération au processus d’éradication, avait commis une faute qui est devenue la cause de la persistance de la présence de punaises au logement et de leur prolifération jusqu’à une véritable infestation.

À qui la faute?

Il est presque impossible de savoir qui est responsable de la présence de punaises de lit dans un lieu. D’ailleurs, lorsqu’il n’y a pas de preuve de négligence de la part du locataire ou du locateur, la jurisprudence assimile l’apparition des punaises à la faute d’un tiers. À ce sujet, la décision de principe est Marcotte c. Garita Entreprises inc. :

«[8] L’apparition de punaises dans un immeuble ne résulte généralement pas du fait personnel du locateur. Elle ne met pas non plus en cause un défaut d’entretien, de réparation ou une tolérance à l’égard d’une condition dangereuse ou portant atteinte à l’habitabilité du logement.

[9] En effet, un logement en parfaite condition d’entretien, de propreté et de sécurité pourra malgré tout se voir infesté de punaises de lit. Le locateur a donc peu de contrôle direct ou indirect sur l’apparition de punaises dans son immeuble.

[…]

[26] […] Autant le locateur que le locataire ou ses invités n’ont aucun contrôle sur l’apparition des punaises. Leurs comportements auront cependant une influence sur la prolifération et la rapidité d’éradication du problème.

[…]

[42] Le tribunal juge qu’il est déraisonnable de laisser supporter seul au locateur les conséquences d’une situation où il n’a aucun contrôle sur la survenance et un contrôle relatif sur la prolifération des punaises. […]»

(Les caractères gras sont de la soussignée.)

Ainsi, lorsque l’origine de l’infestation ne peut être imputée à la faute du locataire et qu’elle demeure inconnue ou nébuleuse, elle est considérée comme imputable à un tiers, et la défense de diligence et de moyens raisonnables pris par le locateur pour contrer l’infestation s’avère suffisante pour repousser sa responsabilité. Il s’agit alors d’un cas d’application de l’article 1859 C.C.Q., qui énonce que le locateur n’est plus tenu de réparer le préjudice qui résulte du trouble de fait qu’un tiers apporte à la jouissance du logement (St-Laurent c. Auger, paragr. 49).

Toutefois, tel qu’il est précisé dans cette dernière décision, après l’apparition des punaises, les fautes commises par le locateur et le locataire au moment de l’éradication de l’infestation entraîneront quand même la responsabilité de leurs auteurs (paragr. 50).

Bien que la juge Gascon ait rejeté ce concept de la « faute d’un tiers » dans Soudre c. Montréal (OMH de), l’affaire Marcotte c. Garita Entreprises inc. continue d’être appliquée par la Régie du logement.

Recours possibles

On constate, à la lumière de l’ensemble de la jurisprudence, que lorsqu’il y a présence de punaises de lit dans les lieux loués, la collaboration du locateur et du locataire est primordiale pour éradiquer rapidement ces insectes indésirables. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Je vous en reparle dans un prochain billet…

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