En 2010, la CSST (remplacée par la CNESST depuis le 1er janvier 2016) a déterminé que le travailleur, compte tenu des conséquences de sa lésion professionnelle, n’avait plus la capacité d’exercer son emploi. Étant donné son âge, elle l’a informé qu’il ne serait pas admis en réadaptation et qu’une indemnité de remplacement du revenu lui serait versée jusqu’à 68 ans. Dans sa décision, la CSST a cependant précisé que cette indemnité serait réduite à compter de son 65e anniversaire de naissance, et ce, conformément à l’article 56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. En 2011, la Commission des lésions professionnelles (remplacée depuis le 1er janvier 2016 par le Tribunal administratif du travail (TAT)) a confirmé cette décision.

Considérant avoir droit à une pleine indemnité, le travailleur conteste l’avis de paiement qu’il reçoit en 2016. Saisi de cette nouvelle contestation, le TAT rejette les prétentions du travailleur. Toujours insatisfait du sort de sa demande, ce dernier récidive en 2017 en déposant une nouvelle contestation, laquelle se retrouve de nouveau devant le TAT. Or, cette fois, le dossier sera traité de façon expéditive.

Le rejet sommaire

La veille de l’audience, le juge administratif rejette sommairement la contestation du travailleur sans même l’entendre au préalable puisqu’elle serait vouée à l’échec et n’aurait aucune chance de succès :

  • les décisions rendues d’abord par la CLP, puis ensuite par le TAT, sont finales et ne comportent aucune ambiguïté;
  • le travailleur invoque toujours les mêmes arguments, lesquels ont fait l’objet d’une décision finale.

Par ailleurs, le juge administratif justifie ainsi sa décision de ne pas entendre le travailleur avant de procéder au rejet :

  • le terme «sommairement» que l’on trouve à l’article 9 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail signifie que la décision peut non seulement être rendue séance tenante, mais sans même la tenue d’une audience;
  • une telle décision doit être rendue à la vue de la preuve exclusivement documentaire, toute preuve testimoniale devant être catégoriquement exclue.

La révocation

Le travailleur demande la révision de cette décision au motif qu’il n’a pas été entendu par le juge administratif avant que celui-ci ne la rende. Dans un premier temps, le Tribunal siégeant en révision conclut que le juge a commis une erreur de droit en affirmant que la décision de rejeter sommairement un recours devait être rendue à la vue de la preuve exclusivement documentaire.

Dans un second temps, il déclare que, même si le juge avait raison de conclure qu’à sa face même la contestation du travailleur était vouée à l’échec et n’avait aucune chance de succès, il ne pouvait procéder au rejet sommaire sans entendre, « de quelque façon que ce soit », le travailleur.

Après avoir réaffirmé le caractère fondamental du droit d’être entendu, le Tribunal souligne également que l’article 9 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail ne comporte aucune mention permettant de soutenir qu’en matière de rejet sommaire il n’y a pas d’obligation d’entendre les parties.

En guise de conclusion, le Tribunal rappelle qu’il est possible de concilier célérité et droit d’être entendu :

« [29]  L’objectif de célérité du Tribunal peut être atteint tout en respectant le droit d’être entendu des parties. Il doit les aviser clairement de la possibilité d’un rejet sommaire et leur permettre de soumettre leurs prétentions, par écrit ou oralement en audience ou par tout autre moyen autorisé par ses règles de preuve et de procédure. Après avoir pris connaissance de ces prétentions, il peut prendre position sur le rejet sommaire. »

En présence d’un tel manquement au droit d’être entendu, le Tribunal révoque la décision du juge. Quant au fond, il conclut, à l’instar des autres décideurs, que la demande du travailleur de recevoir une pleine indemnité jusqu’à 68 ans est manifestement sans fondement.

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