Quoi de plus agréable que de glisser sur la neige lors d’une belle journée ensoleillée? Malheureusement, cette activité comporte des risques, lesquels peuvent engendrer des accidents. Qui doit en assumer la responsabilité? 

En décembre dernier, la Cour du Québec a rendu une décision intéressante sur la responsabilité des parents dans le contexte d’un accident impliquant leur enfant mineur survenu alors que celui-ci glissait au parc Grovehill, propriété de la Ville de Montréal.

Tout d’abord sur la question des risques inhérents au sport, la juge a souligné que :

[54] Glisser en toboggan sur une colline naturelle de ce genre oblige à une certaine prudence de la part des parents, qui doivent soit accompagner leurs enfants sur le toboggan ou la traîne sauvage, soit les attendre au bas de la colline, surtout lorsque ceux-ci sont très jeunes. Le premier devoir des parents dans l’apprentissage de ces sports d’hiver est de s’assurer d’abord et avant tout de la sécurité de leurs enfants. (Caractères gras ajoutés.)

La juge a conclu que l’incident mettant en cause l’enfant de la demanderesse ne résultait pas de la faute de la Ville mais de la négligence de son conjoint dans son devoir de surveillance lors de la glissade de l’enfant et à l’incapacité de ce dernier de maîtriser son toboggan – il n’avait que six ans – alors que la pente était glacée.

Dans O’Neil c. Québec (Ville de), le demandeur réclamait plus de 120 000 $ à la Ville pour les blessures qu’il avait subies lors d’une chute survenue alors qu’il pratiquait la glissade sur chambre à air dans un parc de loisirs municipal. Or, la Ville avait les mêmes obligations de moyens qu’une station de ski, soit de fournir une piste exempte de piège; la présence de quelques bosses est normale et prévisible pour ce type d’activité. Le juge Blanchet a conclu que la Ville n’avait commis aucune faute dans l’aménagement et l’entretien des lieux ni dans la supervision de ceux-ci et qu’elle avait respecté les règles de sécurité. En fait, l’accident constituait un risque inhérent à la pratique de la glissade sur chambre à air.

Toutefois, dans l’affaire Arasimowicz c. Montréal (Ville de), la responsabilité de la Ville a été retenue. En glissant  sur une pente au moyen d’un toboggan, des fillettes ont dévié de leur trajectoire et l’une d’elles a heurté le poteau d’une clôture. Étant donné que la Ville avait aménagé le parc afin que ses citoyens puissent y pratiquer la glissade en toboggan, sa responsabilité était plus grande que s’il s’agissait d’un parc non aménagé pour la pratique de cette activité. La preuve a démontré que ni la fillette ayant été blessée ni ses parents n’avaient agi avec imprudence ou de façon téméraire. En effet, lors des glissades de leurs enfants, l’un des parents était situé en haut de la pente et l’autre descendait la côte tout au long de la glissade pour les accueillir en bas. De plus, les fillettes portaient chacune un casque de sécurité. Pour sa part, la Ville a omis d’entretenir adéquatement le parc et de prendre les mesures raisonnables qui s’imposaient pour réduire, sinon éliminer, les impacts avec la clôture. D’ailleurs, en 2000, la Cour supérieure a retenu sa responsabilité lors d’un accident survenu au même endroit (Hachey c. Montréal (Ville de)). Dans ces circonstances, il n’y pas eu acceptation du risque par les membres de cette famille. La Ville a donc été condamnée à payer 22 000 $ pour les dommages résultant de cet accident.

Maintenant, il sera question de la responsabilité de l’exploitante d’un centre de ski. Au printemps 2010, Roy s’est blessé au visage lors d’une descente en chambre à air sur une piste du Centre de ski Mont-Castor, propriété de la Corporation de gestion récréotouristique de Matane. Après avoir effectué plusieurs descentes durant la journée, Roy a effectué après le souper sa dernière descente. Au lieu de suivre la direction prévue, la chambre à air sur laquelle il se trouvait a dévié de son chemin, est passée à travers une brèche béante située dans l’une des courbes de la piste et a propulsé Roy en dehors de sa trajectoire. Celui-ci a été transporté à l’hôpital et le personnel soignant a procédé immédiatement à la réparation de son nez arraché. Le tribunal a statué que le Centre n’avait pas rempli adéquatement son obligation de sécurité à l’endroit des glisseurs. Le fait de permettre la glissade sur une piste où se trouvait une brèche béante — en l’occurrence un piège — à travers laquelle il était prévisible qu’un glisseur soit dévié et l’absence de mise en garde relative au danger que représentait cet écueil formaient les éléments constitutifs de la faute du Centre. Quant à Roy, il a fait preuve d’une certaine témérité en se donnant des élans et en se lançant à toute vitesse sur une piste glacée dont le rebord, comme il le savait, contenait une large ouverture. Dans ces circonstances, il a dû supporter 25 % de la responsabilité de l’accident. Compte tenu du partage de responsabilité entre les parties, Roy a obtenu une indemnité de 30 000 $ pour les dommages découlant de l’accident.

Cet hiver, amusez-vous mais, surtout, soyez prudents!

Références

  • Ziuleva c. Montréal (Ville de), (C.Q., 2015-12-04), 2015 QCCQ 12573, SOQUIJAZ-51237692.
  • O’Neil c. Québec (Ville de), (C.S., 2010-03-05), 2010 QCCS 732, SOQUIJAZ-50613535, 2010EXP-1591, [2010] R.L. 141.
  • Arasimowicz c. Montréal (Ville de), (C.S., 2012-01-17), 2012 QCCS 526, SOQUIJAZ-50832515, 2012EXP-1057, J.E. 2012-580.
  • Hachey c. Montréal (Ville de), (C.S., 2000-04-10), SOQUIJ AZ-00021479, J.E. 2000-1067, [2000] R.R.A. 523 (rés.).
  • Roy c. Corporation de gestion récréotouristique de Matane (Centre de ski Mont-Castor),(C.S., 2015-09-22 (jugement rectifié le 2015-10-26)), 2015 QCCS 4327, SOQUIJ AZ-51216562, 2015EXP-2868, J.E. 2015-1579. Désistement d’appel (C.A., 2015-11-17), 200-09-009126-159.
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