Une automobile ayant servi à des essais routiers par la clientèle d’un concessionnaire avant sa vente est-elle un véhicule neuf ou une automobile d’occasion au sens de la Loi sur la protection du consommateur?

Dans Bougie, la juge Chantal Sirois a conclu qu’il s’agit alors d’une automobile d’occasion.

Un concessionnaire Hyundai avait déclaré à ses clients que l’odomètre du véhicule neuf qu’ils convoitaient affichait 700 kilomètres parce qu’il avait roulé d’une concession de Val-d’Or jusqu’à une autre, de Saint-Jérôme, avant d’aboutir dans son établissement, à Saint-Basile-le-Grand. Le contrat de vente ne mentionnait cependant aucun kilométrage. De plus, après avoir vérifié les données d’utilisation du véhicule dans l’ordinateur de bord, les acheteurs ont constaté qu’il y avait eu 27 déplacements au cours des 2 mois ayant précédé la vente. Ils ont poursuivi le concessionnaire pour leur avoir caché le fait que l’automobile avait servi de véhicule d’essai pour la clientèle avant sa vente et sa livraison.

Qu’est-ce qu’une automobile d’occasion?

En vertu de l’article 1 c) de la loi, une «automobile d’occasion» est une automobile «qui a été utilisée à une fin autre que pour sa livraison ou sa mise au point par le commerçant, le fabricant ou leur représentant». Un commerçant peut donc utiliser le véhicule afin de le mettre en la possession physique du consommateur une fois la vente conclue, et ce, sans lui faire perdre sa qualité de véhicule neuf. C’est ce que le commerçant prétendait avoir fait dans Bougie.

Or, la juge a rappelé que le processus de livraison ne commence qu’après la conclusion du contrat de vente. Puisque le véhicule avait été utilisé plusieurs fois avant la vente, il ne s’agissait pas d’un véhicule neuf:

[28] Ici, la preuve non contredite révèle que les essais routiers ont été effectués par des clients qui considéraient la possibilité d’acheter le véhicule. Il ne peut s’agir d’essais routiers aux fins de mise au point par le fabricant, parce que les essais ont eu lieu après la vente du véhicule par le distributeur à un concessionnaire. Il ne peut s’agir non plus d’essais routiers aux fins de la préparation du véhicule pour vente au détail ou sa livraison aux clients, parce que le véhicule n’a certainement pas été vendu 27 fois à des clients en moins de deux mois.

Puisqu’il s’agissait d’une automobile d’occasion, le commerçant aurait donc dû respecter les formalités prévues aux articles 155 et ss. de la loi. Il devait notamment apposer, à l’extérieur du véhicule, une étiquette divulguant le fait que l’automobile a été utilisée comme «automobile pour la clientèle ou démonstrateur» (art. 156 d) de la loi).

La juge a donc conclu que le concessionnaire avait manqué à ces obligations et qu’il avait fait des représentations fausses ou trompeuses pour expliquer les 700 kilomètres à l’odomètre.

Une pratique répandue qui doit être condamnée

Selon la juge, vendre à répétition comme véhicules neufs des automobiles ayant servi à des essais routiers par la clientèle tout en niant qu’il s’agisse de «démonstrateurs» est une faute grave.

Cette pratique répandue, hautement blâmable, «permet au commerçant d’utiliser des véhicules neufs comme « démonstrateurs » sans devoir assumer la dépréciation liée à cette utilisation ni payer l’essentiel des frais associés à cette utilisation» (paragr. 69).

En tenant compte du prix de vente du véhicule (40 000 $) ainsi que des objectifs poursuivis par l’attribution de dommages punitifs, soit la punition, la dissuasion et la dénonciation, la juge a accordé 4 000 $ aux consommateurs.

Que doit-on retenir de cette décision?

Sauf si une étiquette mentionne expressément qu’il s’agit d’un véhicule d’occasion (et que celle-ci est jointe au contrat de vente), le consommateur est en droit de croire que véhicule qu’il achète d’un concessionnaire n’a pas été utilisé par d’autres clients potentiels pour des essais routiers.

Si le commerçant manque à une obligation que lui impose la Loi sur la protection du consommateur, le consommateur peut, à son choix, demander l’exécution de l’obligation, l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant, la réduction de son obligation ou la résiliation, la résolution ou la nullité du contrat, selon le cas (art. 272 de la loi).

Des dommages punitifs peuvent aussi être accordés par un juge pour décourager la répétition des comportements indésirables, mais le consommateur doit en faire la demande… N’hésitez donc pas à faire valoir vos droits !

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