Le Conseil de la magistrature du Québec (CMQ) est chargé notamment de veiller au bon comportement des juges nommés par le gouvernement du Québec à différents tribunaux comme la Cour du Québec, les cours municipales, le Tribunal des professions et le Tribunal des droits de la personne. Il est composé de 16 membres, dont 11 juges, 1 juge de paix magistrat, 2 avocats et 2 membres du public qui ne sont ni juges ni avocats.

Les devoirs déontologiques

Les juges sont soumis à divers devoirs prévus au Code de déontologie de la magistrature, notamment le devoir de réserve, de courtoisie et de sérénité (art. 8), le devoir d’impartialité et d’objectivité (art. 5) et le devoir d’intégrité, de dignité et d’honneur (art. 2). Un juge doit observer ces règles dans le cadre de son travail ainsi que dans sa vie sociale.

Toute personne peut porter plainte par écrit contre un juge lorsqu’elle a connaissance de gestes ou de paroles qui ne respectent pas ces règles de conduite. En vertu de l’article 264 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, la plainte écrite doit relater les faits reprochés au juge et les autres circonstances pertinentes. Aucun autre formalisme n’est exigé.

Les plaintes soumises au CMQ sont d’abord analysées par l’un de ses membres, qui en fait le rapport. Deux décisions peuvent alors être prises par le CMQ à l’étape de l’examen, soit de former un comité d’enquête ou de rejeter la plainte lorsque celle-ci n’est pas fondée ou que les faits ne justifient pas la tenue d’une enquête.

L’enregistrement des débats

L’analyse préliminaire de la plainte se fait habituellement par l’écoute de l’enregistrement de l’audience. Lorsque cela n’est pas possible, un membre du CMQ peut être mandaté afin de recueillir quelques précisions auprès du plaignant et du juge visé par la plainte.

Cette pratique bien établie d’écouter les échanges entre les juges et les parties permet d’évaluer les gestes et les paroles reprochés dans leur contexte, comme il se doit. C’est ainsi qu’un nombre considérable de plaintes sont rejetées. En voici quelques exemples:

Dans A et Juge, Cour du Québec, Chambre criminelle, le plaignant reprochait au juge de l’avoir humilié en lui demandant de retirer ses mains de ses poches et de l’avoir menacé. L’enregistrement a plutôt démontré que le juge avait utilisé un ton calme et courtois pour rappeler au plaignant les règles de décorum applicables dans une salle d’audience. Quant aux « menaces », il s’agissait plutôt d’un rappel des conditions de probation auxquelles le plaignant était soumis. Le CMQ a conclu que le ton ferme utilisé par le juge était approprié dans les circonstances.

Dans A et Juge, Cour du Québec, Chambre criminelle, le plaignant, une victime de voies de fait qui avait témoigné contre son agresseur, reprochait à la juge d’avoir poursuivi le procès en son absence alors qu’elle lui avait dit que celui-ci serait reporté au lendemain. L’écoute de l’enregistrement a fait ressortir que l’audience s’était déroulée de façon différente. La juge avait annoncé, en présence du plaignant, que le procès se poursuivrait par la suite avec le témoignage de l’accusé.

Insatisfaction à l’égard d’un jugement

Il arrive très souvent que des plaintes soient rejetées parce que les reproches formulés contre les juges découlent de l’insatisfaction du plaignant à l’égard d’une décision judiciaire. Il faut savoir que le CMQ n’est pas un tribunal d’appel et qu’il ne peut pas changer ou annuler les décisions rendues par les juges. Il ne peut non plus imposer au juge de formuler des excuses ou de verser une compensation financière au plaignant ni ordonner l’arrêt des procédures criminelles.

Par exemple, dans A et Juge, Cour du Québec, Chambre civile, la plaignante faisait valoir son désaccord avec la décision de la juge qui avait ordonné sa garde provisoire en centre hospitalier en vue d’une évaluation psychiatrique.

Dans A et Juge, Cour du Québec, Chambre civile, Division des petites créances, la plainte reprochait à la juge d’avoir rejeté la réclamation de la plaignante et d’avoir accueilli la demande reconventionnelle des défendeurs.

Dans A et Juge, Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, le seul reproche découlait du fait que la juge avait ordonné le maintien de l’enfant de la plaignante au sein du milieu familial paternel.

Le plaignant, dans A et Juge, Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, reprochait au juge les décisions qu’il avait rendues dans le cadre de la gestion de l’instance, en lien avec l’obligation d’être présent à la Cour et de formuler un choix quant au mode de procès.

Toutes ces plaintes ont été rejetées puisque les plaignants ne décrivaient aucun geste ou parole pouvant constituer une faute déontologique de la part des juges visés. Lorsque cela arrive, le CMQ rappelle que sa mission «consiste à déterminer s’il y a eu manquement, par un juge, à ses obligations déontologiques, et non pas d’évaluer le bien-fondé des décisions judiciaires prises dans le cadre ou à la suite de l’audience, une responsabilité qui incombe plutôt aux tribunaux d’appel» (paragr. 4).

Des décisions pouvant constituer une faute déontologique

Le fait que le CMQ ne puisse changer les décisions judiciaires ne signifie pas pour autant une impossibilité d’enquêter sur l’existence d’un manquement déontologique découlant d’une décision rendue par un juge. En effet, l’article 1 du Code de déontologie de la magistrature impose aux juges l’obligation de rendre justice dans le cadre du droit.

Si une erreur de droit commise dans l’interprétation ou l’application d’une loi ou encore dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge ne constitue pas une contravention à l’article en question, il en ira autrement si le juge, de propos délibéré ou par grossière ignorance, ne se conforme pas à la loi. Une conduite contraire à la règle de droit justifiera la tenue d’une enquête et, selon les circonstances, l’imposition d’une sanction.

Récemment, le CMQ a décidé de tenir une enquête afin de se pencher sur la proportionnalité et les conséquences de la décision d’une juge d’ordonner l’arrestation et la détention du plaignant durant 7 minutes, soit le temps qu’elle a pris pour décider si les propos de celui-ci constituaient un outrage au tribunal.

Une enquête a également été nécessaire pour analyser la conduite d’une juge ayant condamné personnellement une avocate au paiement de frais à la suite de la remise d’un procès.

Conclusion

Si vous n’êtes pas certain de la possibilité que le comportement ou les propos d’un juge à votre égard constituent un manquement déontologique, n’hésitez pas à consulter d’autres décisions disponibles sur le site de SOQUIJ. Nous vous invitons également à consulter le site du CMQ pour plus d’informations.  

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