En mars 2011, pour la 15e année depuis 1997, le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP) a lancé un appel à participer à la Journée internationale contre la brutalité policière. Le COBP a demandé à ses sympathisants de se rassembler au métro Place-des-Arts à 17 h le mardi 15 mars 2011 afin de manifester. Aucun trajet officiel n'a été produit par le COBP, ni aux officiels de la Ville de Montréal, ni aux représentants du Service de police de la Ville de Montréal. Ce jour-là, certains manifestants ont reçu des constats d'infraction leur reprochant d'avoir contrevenu à l'article 500.1 du Code de la sécurité routière «en [ayant] occup[é] la chaussée, l'accotement, une partie de l'emprise ou les abords [d'un chemin public au cours d'une action concertée destinée à] entraver la circulation des véhicules routiers».
Tout récemment, le juge Starck, de la Cour municipale de la Ville de Montréal, a eu à décider de l’épineuse question de la validité de cet article du code, qui prévoit que «nul ne peut, au cours d'une action concertée destinée à entraver de quelque manière la circulation des véhicules routiers sur un chemin public, en occuper la chaussée, l'accotement, une autre partie de l'emprise ou les abords ou y placer un véhicule ou un obstacle, de manière à entraver la circulation des véhicules routiers sur ce chemin ou l'accès à un tel chemin», avec la précision qu’il «ne s'applique pas lors de défilés ou d'autres manifestations préalablement autorisées par la personne responsable de l'entretien du chemin public à la condition que le chemin utilisé soit fermé à la circulation ou sous contrôle d'un corps de police» à la lumière de la liberté d’expression garantie par l’article 2 b) de la Charte canadienne des droits et libertés.
Dans un jugement fort étoffé, le juge conclut que cette disposition porte atteinte à la liberté d’expression mais que cette atteinte est justifiée au sens de l’article premier de la charte parce qu’elle constitue une limite raisonnable dans une société libre et démocratique.
L’atteinte à la liberté d’expression
D’entrée de jeu, le juge Starck fait référence à Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc. et aux trois questions qui y sont exposées afin de déterminer si l’interdiction d’une activité prévue à l’article 500.1 va à l’encontre de l’article 2 b). Premièrement, il se dit d’avis «qu’une manifestation sur un chemin public "contre la brutalité policière" comporte un élément d’expression» (Garbeau, paragr. 42) et que ce contenu expressif entre dans le champ d’application de la protection offerte par l’article 2 b). Puis, se demandant si le lieu et le mode d’expression avaient pour effet d’écarter cette protection, le juge, à la lumière de la jurisprudence, conclut que, «i) en raison de l’utilisation historique des chemins publics à Montréal et ailleurs au Canada aux fins de manifestations dans la rue; ii) malgré le fait que la manifestation du 15 mars 2011 a causé des entraves de la circulation qui étaient incompatibles avec l’usage normal d’un chemin public; et iii) considérant que l’activité en question ne minait pas les valeurs sous-jacentes à la liberté d’expression à savoir (1) le débat démocratique; (2) la recherche de la vérité; et (3) l’épanouissement personnel» (Garbeau, paragr. 78), cette activité d’expression n’est pas exclue de la protection fournie par la charte. Puis, à la question de savoir si l’objet ou l’effet de l’article 500.1 porte atteinte à l’article 2 b), à l’instar de la Cour suprême dans Ramsden c. Peterborough (Ville de), il conclut qu’il y a eu violation de l’article 2 b) de la charte.
Le caractère raisonnable de la violation dans le cadre d’une société libre et démocratique
À cette étape de l’affaire, il revenait au procureur général de démontrer que l’atteinte visait un but urgent et réel et qu’elle était proportionnée. Or, citant R. v. Banks, le juge se dit d’avis que «la réglementation des manifestations dans la rue qui implique la gérance des piétons et de la circulation des véhicules dans le but de minimiser les dangers et maximiser la libre circulation des véhicules est un but urgent et réel qui mérite une intervention raisonnable et responsable de la part du gouvernement» (Garbeau, paragr. 143). Quant au caractère proportionné de l’atteinte, celui-ci conclut qu’il y a un lien rationnel entre l’atteinte et l’objectif poursuivi et que «l’article 500.1 restreint le droit à la liberté d’expression aussi peu que cela est raisonnablement possible aux fins de l’objectif législatif de sécurité et de libre circulation sur les chemins publics que cet article vise à assurer» (paragr. 176). En outre, le juge a précisé qu’il n’y avait eu aucune preuve d’un refus d’une demande pour permission de manifester et, à l’instar du procureur général, il s’est dit d’avis que le processus d’autorisation était souple.Enfin, pour le juge, l’obligation de joindre le service de police pour l’informer de l’itinéraire d’une manifestation ne rivalise pas avec le fait que cette disposition permet aux policiers de réduire les risques d’accidents entre les piétons et les véhicules et de faire en sorte que les automobilistes et les véhicules d’urgence, soient capables de circuler le plus librement possible. Ainsi, les effets bénéfiques de l’article 500.1 dépassent ses effets préjudiciables. Le juge retient que, de cette façon, «les chemins publics seront utilisés par les manifestants d’une manière sécuritaire et fonctionnelle pour tout le monde» (paragr. 186).
Finalement, eu égard à l’article 2 c) de la charte canadienne, relatif à la liberté de réunion pacifique, le tribunal applique les mêmes conclusions. Il en va de même quant à l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne.
Si le droit de manifester n’est pas absolu, il reste qu’il est fondamental. Par ailleurs, la prohibition prévue à l’article 500.1 du code n’est pas non plus absolue. Ainsi, bien qu’il faille informer les autorités du désir d’utiliser la voie publique et obtenir l’autorisation de manifester sur celle-ci, d’autres moyens s’offrent encore aux manifestants. D’ailleurs, dans notre affaire, le juge Starck a noté que les personnes qui se trouvaient sur le trottoir lors de l’intervention policière n’ont pas été arrêtées et ont pu quitter les lieux. Cela dit, dorénavant, prenez garde où vous mettez les pieds…
Références
- Montréal (Ville de) c. Garbeau (C.M., 2014-04-22), 2014 QCCM 76, SOQUIJ AZ-51066625.
- Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc. (C.S. Can., 2005-11-03), 2005 CSC 62, SOQUIJ AZ-50340637, J.E. 2005-2012, [2005] 3 R.C.S. 141.
- Ramsden c. Peterborough (Ville de), (C.S. Can., 1993-09-02), SOQUIJ AZ-93111096, J.E. 93-1525, [1993] 2 R.C.S. 1084.
- R. v. Banks (C.A. (Ont.), 2007-01-16), 2007 ONCA 19, SOQUIJ AZ-50471426. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2007-08-23), 31929.
le 23 septembre 2013 la juge Lison Asseraf acquitte une défendresse accusée en vertu du 500.1. La juge a dit: « Oui, mais l’article ne dit pas une action concertée qui PEUT bloquer la circulation, c’est pas la resultante donc, c’est pas la possibilité d’entraver qui est mise en cause, c’est qu’il faut que l’action concertée soit DESTINÉE, c’est à dire que il y a un but, que les personnes qui occupent la rue ont l’objectif… il y a un déssin derrière l’action et non pas juste une résultante possible et ça demande un peu plus d’objectif. »
Le 16 mai 2014 le juge Randall Richmond accorde des motions de non-lieu pour deux accusé(e)s en vertu 500.1 en raison du fait que la raison de l’action n’etait pas pour entraver la circulation.
Selon l’interpretation de Starck toute réparation de route est illégal en vertu de la disposition car elle cause des ralentissements de circulation et ne sont pas des « défilés ou autres manifestations » autorisés qui sont les seuls exceptions à l’application du règlement.
Il me semble que le juge Starck ne comprend pas ce que veux dire « action… destinée à entraver… » que le but de l’action doit être d’entraver, c’est évident. Le procureur du procureur général, qui plaidait la cause devant le juge Starck, il etait là pour la cause devant le juge Randall Richmond qui à demandé au procureur d’expliquer comment une manifestation peut être une action destinée à entraver et la réponse formulé avec l’aide sans doute de ce personnage était si faible comme argumentation que le juge n’a pas même commenté du tout dessus…