Alors que l’été 2014 tirait à sa fin, l’actualité juridique nous aura fait réfléchir sur les choix de fin de vie. Aux termes d’une décision diffusée en septembre, le juge en chef de la Cour supérieure, François Rolland, donnait suite au refus de traitement de Pierre Mayence1, devenu tétraplégique en 2010 après un grave accident de parachutisme.

Décidé à en finir, celui-ci désirait que l’on cesse de l’alimenter et de l’hydrater. Puis, peu de temps après le décès de M. Mayence, la Cour suprême du Canada entendait le pourvoi dans l’affaire Carter v. Attorney General of Canada2, dont la question principale porte sur la validité constitutionnelle de l’article 241 du Code criminel3 (C.Cr.), qui interdit le suicide assisté.

Ces deux affaires ont suscité un vif intérêt. Quoique semblables en apparence puisqu’elles parlent toutes deux du très délicat sujet des choix de fin de vie, elles ont cependant deux bases juridiques différentes. Dans le premier cas, ce sont essentiellement les dispositions du Code civil du Québec portant sur le consentement aux soins qui régissaient le cas. M. Mayence, qui n’était ni en fin de vie ni atteint d’une maladie grave et incurable, a obtenu que le centre où il était hébergé ainsi que son personnel respectent sa décision de refuser toute nourriture et qu’ils s’abstiennent de lui administrer des soins de santé auxquels il ne consentait pas.

Quant au dossier provenant de Colombie-Britannique, les requérantes souffraient toutes deux de maladies incurables et dégénérescentes. Désirant mettre fin à leurs jours au moment où elles le jugeraient nécessaire, elles ont invoqué l’inconstitutionnalité de l’article 241 C.Cr., qui les empêchait de donner suite à leur volonté.

Même devant le précédent que constitue l’affaire Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général)4, la juge Smith, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique5, a donné raison aux requérantes, estimant que l’article 241 violait leur droit à la vie prévu à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés6. Saisie de la question, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique7 a conclu que, si la validité constitutionnelle de l’article 241 C.Cr. devait être analysée nonobstant les conclusions de la majorité dans Rodriguez, la tâche ne pouvait en revenir qu’au plus haut tribunal du pays.

Rappelons que l’affaire Rodriguez est loin d’avoir fait l’unanimité au sein de la Cour suprême du Canada. Le juge Sopinka, au nom de la majorité de cinq juges qui a refusé de conclure à l’inconstitutionnalité de l’article 241 C.Cr., y parlait de «notre conception fondamentale du caractère sacré de la vie humaine8» et le juge Cory, dissident, estimait que «le droit de mourir avec dignité devrait être aussi bien protégé que n’importe quel autre aspect du droit à la vie9».

L’actuelle juge en chef, également dissidente, rappelait pour sa part que la Cour avait à décider «si le fait de priver Sue Rodriguez du pouvoir de mettre fin à sa vie est arbitraire et équivaut par conséquent à une restriction de son droit à la sécurité de sa personne qui est incompatible avec les principes de justice fondamentale. Le Parlement a en fait choisi de légiférer en matière de suicide. Il a mis sur pied un régime qui légalise le suicide, mais qui criminalise l’aide au suicide10».

Appelée à se prononcer à nouveau sur la question à l’aube de l’entrée en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie11, la Cour suprême du Canada pourrait grandement modifier le contexte juridique canadien du suicide assisté, à moins qu’elle ne décide que les principes établis il y a 20 ans par la majorité dans Rodriguez s’appliquent toujours.