L’influent blogue juridique Slaw.ca publiait le 9 novembre dernier un billet sur l’état de la diffusion du droit signé par celui qui a dirigé CanLII de 2011 à 2015, M. Colin Lachance.

Dans « What Does It Really Mean to “Free the Law”? Part 2 », rédigé à l’occasion de l’ouverture en Australie de la conférence 2015 Law via the Internet, M. Lachance fait d’abord un bref historique de CanLII puis présente le fonctionnement de la diffusion de la jurisprudence des tribunaux aux États-Unis. Il explique que, chez nos voisins du sud, l’accès aux décisions des tribunaux se fait selon deux axes : «retail» et «wholesale». «Retail» correspond à fournir au public et aux juristes, gratuitement ou en mode payant, un site web équipé d’un moteur leur permettant d’effectuer des recherches efficaces dans un corpus donné. «Wholesale» décrit plutôt le processus de l’obtention de lots de lois ou de jurisprudence, par des entreprises en vue de la création d’outils de recherche pour les utilisateurs ou par des institutions à des fins de recherche. M. Lachance explique qu’aux États-Unis le fait que les jugements soient dans le domaine public ainsi que le grand nombre d’éditeurs ont favorisé l’émergence d’un environnement compétitif favorable au modèle d’accès en gros.

La situation au Canada se présente différemment. À la question «qui est propriétaire des décisions et qui peut les rendre disponibles», M. Lachance signale à juste titre que poser la question à quatre juges entraînerait autant de réponses différentes qui compliquent la conclusion d’ententes de diffusion.

Si les gros joueurs de l’édition juridique, dont CanLII, ont réussi au fil des ans à contourner ces difficultés pour assurer l’approvisionnement de leurs services, M. Lachance indique qu’un chercheur universitaire ou une nouvelle entreprise cherchant à se bâtir aujourd’hui une niche fait face à des obstacles considérables en l’absence d’un marché de gros («wholesale market»).

En conclusion de son billet, pour favoriser l’évolution du marché et l’émergence d’outils innovants, M. Lachance plaide en faveur d’une homogénéisation des formats et des modalités d’accès à travers le Canada.

Le Québec, «société distincte»

En addendum à son billet, M. Lachance précise que la situation au Québec est fort différente, grâce à SOQUIJ. En effet, dit-il, en raison du mandat qui a été donné à la Société lors de sa création, en 1976, SOQUIJ soutient le désir du gouvernement de voir la jurisprudence accessible à tous. Ainsi, SOQUIJ rend disponible un outil de recherche sans frais à http://citoyens.soquij.qc.ca et un outil à forte valeur ajoutée avec le Portail SOQUIJ. Comme point de chute des décisions de tous les tribunaux et organismes, SOQUIJ est aussi le fournisseur «en gros» pour tous les éditeurs privés. Selon M. Lachance, les entraves à l’accès en gros à la jurisprudence qu’on trouve ailleurs au Canada sont pratiquement absentes au Québec.

Nous ne pouvons qu’adhérer à sa conclusion que les «cours et gouvernements qui cherchent vraiment à libérer l’accès au droit devraient examiner et possiblement s’inspirer de l’approche de SOQUIJ». Grâce aux efforts continus de la Société, qui agit comme plaque tournante pour la réception, le traitement et la diffusion des décisions, le Québec est de loin la province canadienne qui rend disponible et diffuse le plus grand nombre de décisions au bénéfice de sa population. En effet, 52% des jugements diffusés sans frais et disponibles à la grandeur du pays émanent du Québec. C’est deux fois plus que l’Ontario et cinq fois plus que la Colombie-Britannique. Les citoyens, les juristes, les médias et les éditeurs peuvent tous tirer profit d’un accès rapide et efficace à la jurisprudence québécoise.