Les besoins grandissants des personnes aînées en perte d’autonomie sont souvent comblés par leurs proches. On parle alors de proches aidants. La plupart d’entre eux ne se reconnaîtraient pas à ce titre selon l’article «Quel avenir pour les proches aidants ?», paru dans la revue Contact de l’Université Laval.

En 2015, l’Institut de la statistique du gouvernement du Québec donnait la définition suivante du proche aidant :

«Proche aidant : Individu qui, au cours des douze mois précédant l’enquête, a fourni de l’aide à un ou plusieurs membres de la famille, […] souffrant d’un problème de santé ou d’une limitation physique de longue durée, et ce, pour un ou plusieurs des types de services suivants : le transport et les courses, les tâches à l’intérieur de la maison, les tâches à l’extérieur de la maison, les soins personnels, les soins ou les traitements médicaux et l’organisation des soins.»

Vous vous reconnaissez maintenant ?

Afin de soutenir et de faciliter la tâche de toutes les personnes qui ont des obligations familiales, notamment à l’égard de leurs parents âgés ou de personnes aînées dont ils s’occupent à titre de proches aidants, la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) prévoit que la personne salariée peut s’absenter du travail pour une courte ou une longue durée.

Absence de courte durée

L’article 79.7 L.N.T. permet au salarié de s’absenter du travail pendant 10 journées par année en raison de l’état de santé d’un parent ou d’une personne pour laquelle il agit à titre de proche aidant, ce qui doit être attesté par un professionnel du milieu de la santé et des services sociaux.

Un jour à la fois… 1 heure à la fois …

L’article 79.7 L.N.T. prévoit aussi que «[c]e congé peut être fractionné en journées. Une journée peut aussi être fractionnée si l’employeur y consent».

Justification de l’absence

L’article 79.7 L.N.T. ajoute que :

«L’employeur peut demander au salarié, si les circonstances le justifient eu égard notamment à la durée de l’absence, de lui fournir un document attestant des motifs de cette absence.

Le salarié doit aviser l’employeur de son absence le plus tôt possible et prendre les moyens raisonnables à sa disposition pour limiter la prise et la durée du congé.»

Deux jours rémunérés pour 3 mois de service continu

Pour avoir droit à 2 jours rémunérés par année, le salarié doit justifier de 3 mois de service continu.

Absences de longue durée

L’article 79.8 L.N.T. permet à un salarié de s’absenter du travail pendant au plus 16 semaines sur une période de 12 mois lorsque sa présence est requise notamment auprès d’un parent ou d’une personne pour laquelle le salarié agit à titre de proche aidant en raison d’une grave maladie ou d’un accident.

Dans le cas d’une maladie grave, potentiellement mortelle, attestée par un certificat médical, l’article 79.8.1 L.N.T. prévoit qu’«[u]n salarié peut s’absenter du travail pendant une période d’au plus 27 semaines sur une période de 12 mois».

L’article 79.6.1 L.N.T. prévoit aussi une définition du «parent» très large, qui va bien au-delà du père ou de la mère de la personne salariée.

Quelques décisions rendues par le Tribunal administratif du travail et les arbitres de griefs

Motifs protégés par la loi

Perron

Selon la preuve présentée dans cette affaire, l’aide apportée par le salarié à ses parents aux fins de leur déménagement et le transport assuré à l’occasion d’un problème mécanique de leur voiture n’ont pas été considérées comme des motifs protégés par la loi (art. 79.7 L.N.T.) ; la seule absence qu’autorise la loi est celle «en raison de l’état de santé d’un parent».

Ville de Chambly

La décision d’une municipalité de congédier un employé saisonnier en raison de son absentéisme a été annulée; les absences de ce salarié avaient toutes été autorisées par l’employeur et étaient reliées à la nécessité de s’occuper de ses parents malades. 

Sico inc.

Même si un rendez-vous chez un avocat afin de protéger sa mère de possibles abus constitue un motif valable d’absence du travail, il ne s’agit toutefois pas d’un motif prévu à l’article 79.7 L.N.T.

Vérification du motif d’absence pour obligations familiales

Parmalat Canada inc.

L’employeur a le droit de vérifier, avant la prise du congé, si le motif est de nature familiale et si le salarié a pris les moyens raisonnables afin de limiter la prise et la durée du congé.

La vérification du motif par l’employeur ne requiert pas la fourniture d’une pièce justificative, car cette exigence pourrait être considérée comme déraisonnable. Le salarié a toutefois l’obligation de fournir des précisions à l’employeur sur son motif d’absence pour cause d’obligations familiales.

Charl-Pol Saguenay inc.

Dans le cas d’un soudeur-monteur qui avait demandé à s’absenter du travail afin de s’occuper de sa mère, qui souffrait de la maladie d’Alzheimer, l’arbitre de griefs a annulé les suspensions imposées en raison d’absences du travail non autorisées et a remplacé le congédiement par un avis écrit.

Point intéressant :
L’arbitre a souligné que, lorsqu’une personne doit s’occuper d’un parent malade, il n’est pas facile d’aviser préalablement l’employeur de ses absences. Les crises de panique d’une personne souffrant de démence ne sont pas prévisibles et un appel à la dernière minute est considéré comme suffisant. L’arbitre est d’avis que c’est la relation de confiance entre l’employeur et l’employé qui doit régir cette situation.

Vêtements S & F Canada ltée

Présence requise ?
L’article 79.8 L.N.T., qui permet à un salarié de s’absenter pour une longue période lorsque sa présence est requise auprès d’un parent en raison d’une grave maladie, n’exige pas une preuve de nécessité absolue en matière de présence.

Dans cette affaire, même si la mère recevait des soins du personnel médical et de ses autres enfants, le décideur a estimé que la présence d’une autre fille auprès de la mère était considérée comme «requise» au sens de cette disposition.

Le congédiement de cette employée, qui s’est absentée pour se rendre au chevet de sa mère gravement malade pendant plusieurs semaines, a été annulé.

Une évolution nécessaire

Peu de décisions ont été rendues au sujet des congés accordés aux proches aidants. La jurisprudence existante semble aussi restrictive et frileuse.

En s’inspirant de la définition du «proche aidant» donnée par l’Institut de la statistique du Québec et à la lumière du vœu collectif d’aider l’aîné et le proche aidant, je parierais que certaines situations dans l’avenir (transport d’un parent, déménagement, rendez-vous avec des professionnels, démarches importantes) pourront être plus facilement considérées par les employeurs et les tribunaux comme des motifs protégés d’absence pour obligations familiales.

Tous ces services ne sont-ils pas rendus «en raison de l’état de santé d’un parent» ? Si la preuve est telle, pourquoi pas ?

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