La Loi sur la protection de la jeunesse vient tout juste d’être modifiée. Voici un aperçu de quelques changements qui ont retenu notre attention et dont l’application et l’interprétation pourraient être à surveiller au cours des prochains mois.
Préambule
La Loi sur la protection de la jeunesse débute désormais par un préambule énonçant plusieurs principes visant l’interprétation et l’application de la loi.
Il y est expressément précisé que le Québec s’est déclaré lié par la Convention relative aux droits de l’enfant. Est-ce que les principes de cette convention internationale seront davantage invoqués devant les tribunaux pour l’application et l’interprétation de la Loi sur la protection de la jeunesse?
L’intérêt de l’enfant
L’intérêt de l’enfant devient la considération primordiale dans l’application de la loi.
L’article 3 de la loi se lit désormais comme suit:
3. L’intérêt de l’enfant est la considération primordiale dans l’application de la présente loi. Les décisions prises en vertu de celle-ci doivent l’être dans l’intérêt de l’enfant et dans le respect de ses droits.
[…]
Le second considérant du préambule consacre également le principe selon lequel l’intérêt de l’enfant est la considération primordiale dans toute décision prise à son sujet.
Continuité des soins et stabilité des liens d’un enfant
Le premier alinéa de l’article 4 indiquait que toute décision prise en vertu de la loi devait tendre à maintenir l’enfant dans son milieu familial. Cet alinéa est remplacé par celui-ci:
4. Toute décision prise en vertu de la présente loi doit viser la continuité des soins ainsi que la stabilité des liens d’un enfant et des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge. En conséquence, le maintien de l’enfant dans son milieu familial doit être privilégié à condition qu’il soit dans l’intérêt de cet enfant. […]
À ce propos, on peut lire, dans le Journal des débats de l’Assemblée nationale, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, M. Lionel Carmant, qui indiquait:
[…] les articles 3 et 4, on vient clarifier une confusion qui avait pour effet d'induire un biais en faveur du maintien dans la famille. On y comprenait que l'intérêt de l'enfant était la considération principale, mais qu'il fallait néanmoins tendre vers un retour de l'enfant dans la famille. Aujourd'hui, on vient dire que c'est important, la famille, mais seulement si c'est dans l'intérêt primordial de l'enfant. Par conséquent, le retrait de cette notion de «tendre vers», ça vient vraiment clarifier les choses […].
Journal des débats de l'Assemblée nationale, le mercredi 8 décembre 2021
Projet alternatif
La notion de «projet alternatif» est introduite à l’article 4.2 de la loi.
Lorsqu’un enfant est retiré de son milieu familial, la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) doit favoriser l’implication des parents dans la perspective de les amener ou de les aider à exercer leurs responsabilités parentales, à la condition qu’elle soit dans l’intérêt de l’enfant.
La DPJ aura également l’obligation de planifier un projet alternatif visant à assurer sans délai la continuité des soins et la stabilité des liens de l’enfant et ses conditions de vie de façon permanente dans l’éventualité où ce retour ne serait pas dans l’intérêt de l’enfant.
Droit de recevoir des services de santé et des services sociaux avec intensité
L’article 8 de la loi est modifié afin de préciser que l’enfant et ses parents ont le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité, de façon personnalisée et avec l’intensité requise.
Cet ajout a priori louable entraînera-t-il des mesures pour garantir la mise en œuvre de ce droit? La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse rapportait d’ailleurs des situations problématiques récurrentes:
[…] un suivi social déficient auprès de l’enfant, de ses parents ou du milieu de vie substitut, des bris de service du DPJ pour des périodes prolongées, l’absence de visites dans le milieu d’accueil de l’enfant ou au domicile familial ou encore, l’absence de rencontres seules avec l’enfant, des délais dans la révision du plan d’intervention ou pour effectuer une demande de services spécialisés pour un enfant pris en charge […].
Mémoire à la Commission de la santé et des services sociaux de l’assemblée nationale
Par ailleurs, il sera intéressant de voir si les tribunaux auront à se pencher sur la corrélation entre ce droit de recevoir des services avec l’intensité requise et l’exception prévue à l’article 91.1 alinéa 4, qui permet de passer outre au délai maximal de placement lorsque des services prévus dans une entente ou dans une ordonnance du tribunal n’auraient pas été rendus.
Exposition à la violence conjugale
Un nouveau motif de compromission est introduit à l’article 38 de la loi, soit l’exposition à la violence conjugale, laquelle est définie ainsi:
c.1) lorsque l’enfant est exposé, directement ou indirectement, à de la violence entre ses parents ou entre l’un de ses parents et une personne avec qui il a une relation intime, incluant en contexte post-séparation, notamment lorsque l’enfant en est témoin ou lorsqu’il évolue dans un climat de peur ou de tension, et que cette exposition est de nature à lui causer un préjudice.
Les dispositions en lien avec l’introduction de ce motif de compromission entreront en vigueur le 26 avril 2023.
Communication de renseignements confidentiels
La loi prévoit diverses dispositions visant à permettre, dans des circonstances déterminées, la communication à la DPJ de certains renseignements confidentiels détenus notamment par des organismes et des professionnels, et ce, à toutes les étapes de l’intervention.
Dans les circonstances déterminées, ces dispositions s’appliqueraient même aux personnes liées par le secret professionnel, sauf à l’avocat et au notaire.
Dispositions applicables aux autochtones
Un nouveau chapitre est introduit regroupant les dispositions applicables aux enfants autochtones visant à tenir compte des facteurs historiques, sociaux et culturels qui leur sont propres.
Comparaison des textes législatifs
SOQUIJ est heureuse de partager son travail de comparaison des textes législatifs de la Loi sur la protection de la jeunesse, suivant l’adoption du projet de la loi 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions législatives.
La définition « d’organisme » dans la loi, inclue-t-elle par exemple, des OBNL qui travaillent auprès des hommes en difficulté, des maisons de transition qui accueillent des hommes et des femmes qui sont pour la plupart, en lien avec des enfants qui font l’objet d’interventions de la DPJ.