Vous n’êtes pas sans savoir qu’une pénurie de main-d’œuvre touche actuellement le Québec. Le milieu de l’enseignement n’y échappe malheureusement pas alors que, au 7 septembre 2022, il y avait toujours 160 postes à temps plein à pourvoir.
Un centre de services scolaire a su faire preuve d’originalité afin de pallier le manque d’enseignants. Bien que la solution mise en place ne soit pas idéale, les élèves pourront bénéficier d’un enseignement donné par des enseignantes qualifiées, mais qui ont une expérience au primaire, au lieu de celui qui aurait pu être offert par des personnes sans brevet ni formation particulière.
Les faits
À quelques jours de la rentrée scolaire, le centre de services scolaire a assigné 2 enseignantes du primaire enceintes, diplômées universitaires en enseignement avec profil en français, à l’enseignement du français dans des classes du secondaire. Ces dernières bénéficiaient d’un certificat médical valide leur permettant d’être affectées à d’autres tâches sans exposition au danger que représentait leur exposition à un virus dont peuvent être porteurs de jeunes enfants. La décision ne précise pas la nature du virus, mais on peut penser au parvovirus B19, qui cause la cinquième maladie.
Les travailleuses ont contesté cette assignation. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a donné raison à l’une des travailleuses, mais pas à l’autre. L’instance de révision de la CNESST a confirmé ces décisions. Le centre de services scolaire et l’une des travailleuses ont contesté cette décision devant le Tribunal administratif du travail (TAT).
La décision
Devant le TAT, le cœur du litige visait à établir si les travailleuses avaient la formation requise et la capacité psychologique d’enseigner, avec un court préavis de quelques jours, à des élèves du secondaire sans préparation particulière. Le Tribunal a répondu par l’affirmative.
L’article 40 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail stipule que la travailleuse affectée par son employeur doit raisonnablement être en mesure d’accomplir la tâche. Le Tribunal a retenu que les travailleuses possédaient la formation, les capacités et les connaissances requises. L’essentiel des arguments invoqués par ces dernières dans leur témoignage relevait du subjectif: elles se considéraient comme incompétentes et mal préparées et estimaient que le défi était trop grand. Le Tribunal a plutôt retenu que, même si les travailleuses n’avaient pas d’expérience auprès d’élèves du secondaire, elles étaient tout de même diplômées d’un programme de français et disponibles à court terme pour enseigner cette langue à des élèves du secondaire.
Le syndicat faisait également valoir d’autres arguments relevant de la convention collective et de la Loi sur l’instruction publique, mais ceux-ci n’ont pas été retenus.
Comme le dit si bien le Tribunal, au paragraphe 42 de sa décision:
[42] Le simple fait de faire face à une nouvelle approche, jusque-là non utilisée par le Centre de services scolaire, ne rend pas la démarche déraisonnable ou de mauvaise foi pour reprendre les termes plaidés par le syndicat. Certes, il aurait été préférable que le Centre de services scolaire avise les travailleuses plus tôt, et idéalement consulte le syndicat, mais cet employeur fait face à un nouveau défi sérieux, une pénurie de main-d’œuvre qui met en péril l’accomplissement de sa mission d’une grande importance sociale, c’est-à-dire livrer un enseignement de qualité aux élèves.
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