Je vous signale l’affaire Syndicat des cols blancs de Gatineau inc. et Gatineau (Ville de), portant sur l’exigence de pouvoir communiquer en anglais contenue à un avis d’affichage pour le poste de préposé à la bibliothèque dans les différents points de service situés dans la Ville de Gatineau. Cette ville est formée de la fusion de plusieurs municipalités qui contiennent une concentration plus ou moins grande de citoyens anglophones. Selon la preuve, seulement 3 % de toutes les transactions ayant eu lieu dans les bibliothèques de cette ville s’étaient déroulées en anglais sans toutefois que l’unilinguisme de l’usager ait été établi.   

L’arbitre a dû interpréter le mot «nécessite», contenu à l’article 46 alinéa 5 de la Charte de la langue française, qui édicte que : «Il incombe à l'employeur de démontrer à la Commission [des relations du travail] ou à l'arbitre que l'accomplissement de la tâche nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que le français.»

Voici en résumé ce qu’a énoncé l’arbitre de griefs :

  •  Cette disposition limite grandement les droits de direction des employeurs;
  • Le critère de la «nécessité» ne doit pas être confondu avec l’utilité, l’opportunité ni la qualité du service offert par un employeur;
  • Ni la Charte de la langue française ni la Charte des droits et libertés de la personne ne garantissent aux personnes le droit d’être servies dans leur langue par les institutions étatiques ou encore par les personnes physiques ou morales;
  •  La nécessité existe seulement dans les cas où la maîtrise d’une langue autre que le français constitue une partie intégrante de l’essence même du poste, par exemple un poste de traducteur, ou lorsque cet élément est imposé par une loi d’ordre public, par exemple l’article 15 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux;
  • La nécessité existe également dans les cas où la non-maîtrise d’une langue autre que le français mettrait en péril les droits prévus à l’article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne, soit le droit à la vie, à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.

À part ces cas, l’arbitre est clair : l’exigence de la maîtrise d’une langue autre que le français constitue une violation de l’article 46 de la Charte de la langue française. Voilà un test assez «exigeant».

Ici, l’employeur n’a pas établi la nécessité pour la Ville d’exiger que les préposés à la bibliothèque soient en mesure de s’exprimer en anglais. Le poste a donc été réaffiché sans cette exigence.

Enfin, cela m’amène à vous faire part du fait que, récemment, j’ai vu une offre d’emploi dont l’une des exigences contenue à l’affichage était la connaissance du mandarin pour obtenir un poste de professionnel devant travailler dans une entreprise située à Montréal et dont le siège social  y est également. Oui, il peut être utile de parler plusieurs langues, mais le critère fixé par la charte est la nécessité. Nécessaire ou pas ? Là est la question.

Il s’agit de litiges sans doute à venir… en gardant toujours à l’esprit la finalité de la Charte de la langue française : faire du français la langue officielle du Québec !

Référence

Syndicat des cols blancs de Gatineau inc. et Gatineau (Ville de), (grief syndical), (T.A., 2013-03-25), SOQUIJ AZ-50953255, 2013EXPT-773, D.T.E. 2013T-277