Une personne raisonnablement informée aurait-elle lieu de craindre que le juge administratif membre de la Commission des lésions professionnelles qui entend sa cause ne soit pas entièrement indépendant? C’est la question posée à la Cour d’appel dans le dossier Association des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles (l’AJACLP) c. Québec (Procureur général).
Me Pascale Racicot, qui représentait l’AJACLP dans cette cause, nous a accordé une entrevue peu de temps après la décision de la Cour d’appel rendue en octobre 2013, précisant toutefois qu’elle commentait les enjeux sans parler au nom de ses clients.
En 2009, l’AJACLP intentait une action devant la Cour supérieure réclamant le droit pour et au nom de ses membres d’être nommés durant bonne conduite à l’instar de ceux du Tribunal administratif du Québec (TAQ) ainsi qu’un mécanisme de fixation de leur rémunération s’apparentant à celui des juges des cours de justice. Une position reposant sur la crainte que leurs conditions d’emploi ne leur offrent pas les garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité. Cause entendue en première instance par l’honorable Jean Lemelin, qui avait notamment déclaré nuls, inopérants et sans effet les articles 392 et 395 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, qui portent sur la durée limitée à cinq ans des mandats des commissaires et sur la procédure de renouvellement, estimant que les justiciables qui ont affaire à la CLP ont le droit d’exiger des garanties d’indépendance élevées, analogues à celles du TAQ au regard de l’inamovibilité. Le juge avait toutefois rejeté l’argument relatif à la sécurité financière, d’où l’appel logé par l’AJACLP.
Selon Me Pascale Racicot, il s’agit là d’une réflexion qui met en cause le droit strict d’un justiciable d’être entendu par un tribunal indépendant au sens de l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne, étant entendu que l’indépendance judiciaire constitue l’élément vital du caractère constitutionnel des sociétés démocratiques dont l’objectif est notamment de maintenir la confiance du justiciable dans l’administration de la justice1.
Aucune crainte
Les deux parties ont interjeté appel de ce jugement. Au nom de la Cour d’appel, la juge Bich a écrit : «le justiciable ne pourra conclure qu’une chose : la CLP jouit de garanties qui assurent suffisamment son indépendance et qui ne sont pas de nature à susciter quelque crainte raisonnable que ce soit à cet égard».
On comprend de cet arrêt que les paramètres actuels du cadre législatif par lequel la CLP exerce son mandat semblent suffisants pour assurer les garanties d’indépendance judiciaire qui s’imposent, commente Me Racicot. En ce sens, il s’agit d’un constat qui se veut rassurant pour le justiciable. Cependant, ajoute cette dernière, le droit est évolutif. Considérant l’importance sans cesse croissante de la justice administrative au Québec, on peut certes espérer mieux et croire à la volonté du législateur d’adopter des mesures visant à hausser les garanties d’indépendance judiciaire à un niveau idéal2, optimal et uniforme pour tous les tribunaux administratifs à vocation juridictionnelle.
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