Alors que les gestes des maires de diverses municipalités du Québec sont scrutés à la loupe, l’idée m’est venue de vous faire part de jugements dans lesquels des lésions professionnelles psychologiques ont été reconnues chez des travailleurs, notamment en raison de l’attitude du maire.

 Dans A et Municipalité A, un inspecteur municipal s’est vu reconnaître un trouble de l’adaptation avec humeur anxiodépressive et une dépression majeure alors qu’il alléguait avoir été victime de harcèlement de la part de citoyens, et ce, avec la complicité de la nouvelle mairesse. Dans cette affaire, le juge administratif a précisé qu’il était normal que des citoyens se rassemblent et qu’ils émettent des opinions au cours des assemblées publiques municipales. Toutefois, il a retenu qu’il y avait eu dérapage lors de celles-ci alors qu’un comité de citoyens y tenait des propos dévalorisants au sujet du travailleur, lequel n’avait jamais fait l’objet de reproches de la part de l’employeur. Le dénigrement ne s’est pas arrêté là et les citoyens ont suivi ce dernier lors de ses déplacements et ont surveillé son domicile au moyen de jumelles. Comble de malchance pour le travailleur, le citoyen qui était à la tête du comité des citoyens a été élu par la suite à titre de conseiller municipal. Le travailleur a donc été intimidé au travail à l’occasion de crises du nouveau conseiller, lequel  parlait fort et est même allé jusqu’à la brutalité physique.

Mais où était la mairesse pendant tout ce temps alors que du harcèlement sévissait dans le milieu de travail et que les assemblées publiques étaient qualifiées de «films d’horreur» par le directeur général? En fait, cette dernière transmettait au comité des citoyens des informations confidentielles au sujet du travailleur ainsi que d’autres informations permettant à ces derniers «d’être prêts» lors des assemblées publiques. D’ailleurs, elle assistait à certaines de leurs réunions. Des témoins ont même affirmé que la mairesse était volontairement complaisante à l’endroit des citoyens et qu’elle leur souriait ou leur faisait des clins d’œil au cours des fameuses assemblées. Elle a attribué son inaction à son inexpérience et a son manque de «leadership». Toutefois, le tribunal n’a pas retenu cet argument et a plutôt considéré qu’elle avait été complice par inaction.

Il est vrai que le travailleur a été reconnu coupable d’avoir menacé de voies de faits un membre du comité des citoyens. Toutefois, le tribunal a retenu que, même si le travailleur n’était pas sans reproche, cela ne constituait pas une fin de non-recevoir.

Dans Champoux et St-Zénon (Municipalité de), c’est l’attitude du nouveau maire et l’inaction du directeur général de la municipalité qui ont été à l’origine de la dépression majeure d’une secrétaire. Dans cette affaire, le nouveau maire s’immisçait dans le mandat du directeur général afin que les employés agissent comme il le voulait. Il n’hésitait pas à proférer des menaces, à peine voilées, en faisant référence à de présumées conditions de travail dans le secteur privé de la région ou encore en disant aux employées que, si elles n’étaient pas contentes, elles n’avaient qu’à s’en aller. Le juge administratif a retenu que cette attitude était totalement inacceptable de la part du premier magistrat d’une municipalité. Il a précisé que les normes de conduite entre les représentants d’un employeur et ses employés étaient les mêmes pour une petite municipalité éloignée que pour un grand centre urbain, pour un employeur public ou privé de même que pour un employeur comptant une poignée d’employés ou plusieurs. Le maire avait également insulté la travailleuse en lui disant qu’elle n’avait qu’à «changer de chum» devant son insatisfaction résultant de son augmentation salariale. Le juge administratif a conclu qu’il s’agissait d’un geste méprisant qui ne sied pas à la condition de maire. De plus, il a retenu que, lorsque le maire avait crié contre la travailleuse ou lorsqu’il lui avait dit que les employés allaient faire ce qu’il disait en insistant pour lui faire répéter les mots «c’est clair», il s’agissait d’un événement offensant et traumatisant. Le tribunal a donc conclu que les propos et comportements du maire ne cadraient pas avec un contexte de travail normal dans une municipalité. 

Finalement, dans Archambault et La Minerve (Municipalité de), la dépression d’une inspectrice municipale a été reconnue à titre de lésion professionnelle alors qu’elle alléguait avoir été victime de harcèlement à la suite de l’élection d’un nouveau maire. Dans cette affaire, l’employeur avait fait valoir que, dans un contexte d’élections dans une petite municipalité, il pouvait survenir un certain changement d’orientation faisant en sorte que les employés devaient s’adapter à de nouvelles méthodes de travail et à une nouvelle vision de la direction. Or, même en tenant compte de ces prémisses, le tribunal a plutôt retenu que la travailleuse avait vécu, à l’intérieur de huit semaines, quatre situations inhabituelles et anormales dans le contexte de la gestion de l’employeur, soit une demande de retraite anticipée, des modifications de ses méthodes de travail et des lettres de réprimandes  qui n’avaient pas été précédées d’une enquête.

Voir aussi Dionne et Ste-Angèle-de-Mérici (Municipalité de).

À l’aube des élections municipales, j’espère que ce billet vous aidera à faire un choix éclairé.

Références

  • A et Municipalité A (C.L.P., 2013-09-16), 2013 QCCLP 5636, SOQUIJ AZ-51003446, 2013EXPT-1906
  • Champoux et St-Zénon (Municipalité de), (C.L.P., 2013-06-27), 2013 QCCLP 3987, SOQUIJ AZ-50983809, 2013EXPT-1401
  • Archambault et La Minerve (Municipalité de)*, (C.L.P., 2012-04-11), 2012 QCCLP 2645, SOQUIJ AZ-50848607, 2012EXPT-949
  • Dionne et Ste-Angèle-de-Mérici (Municipalité de), (C.L.P., 2010-03-16), 2010 QCCLP 2073, SOQUIJ AZ-50619016, 2010EXPT-1125
Print Friendly, PDF & Email