[1] La réforme du Code de procédure civile1 a transformé la procédure d’autorisation des recours collectifs. Pour le Comité de révision de la procédure civile, la requête en autorisation est désormais une simple demande préliminaire dont l’objet est la recevabilité du recours à l’examen des critères énoncés à l’article 1003 C.P.C.

[2] Auparavant, les allégations de la requête pour autorisation étaient appuyées d’un affidavit, lequel pouvait donner ouverture à l’interrogatoire, prévu à l’article 93 C.P.C. Le législateur a voulu éliminer ces interrogatoires, qui alourdissaient et retardaient l’adjudication sur la demande d’autorisation. La requête n’est donc plus accompagnée d’un affidavit et les parties ne peuvent présenter une preuve, à moins que le juge ne les y autorise.

[3] Estimant que leurs clients étaient privés de leur droit à une défense pleine et entière au stade de l’autorisation du recours et que ces dispositions violaient leur droit à une audition impartiale, des avocats représentant des intimés ont vivement contesté la constitutionnalité du nouvel article 1002 C.P.C. La Cour d’appel a tranché le débat en déclarant dans Pharmascience inc. c. Option Consommateurs2 que les modifications apportées en 2003 à l’article 1002 C.P.C. ne violaient pas les garanties procédurales de base de la défense, consacrées par la Charte des droits et libertés de la personne3. La Cour d’appel a considéré que le jugement autorisant le recours collectif n’est qu’un jugement préparatoire qui relève simplement de l’intendance procédurale et ne décide en aucune façon ni du fond du débat à engager ni des droits des parties, et qu’il ne préjuge nullement des moyens de défense que les intimés pourront invoquer. Si le requérant n’est pas requis d’appuyer sa procédure d’un affidavit, il doit néanmoins démontrer que les critères de l’article 1003 C.P.C. sont remplis. Le juge saisi de la requête peut ainsi, à la demande d’une partie, ordonner qu’une preuve appropriée soit présentée. Aussi, la prétention suivant laquelle le requérant doit se soumettre à une sorte de préenquête sur le fond n’est pas conforme aux prescriptions du Code de procédure civile. Par conséquent, selon la Cour d’appel, le retrait de l’obligation d’un affidavit et la limitation des interrogatoires à ceux autorisés par le juge assouplissent et accélèrent le processus sans pour autant modifier fondamentalement le régime québécois de recours collectif, et encore moins stériliser le rôle du juge puisque la loi lui reconnaît la discrétion d’autoriser une preuve pertinente et appropriée. La Cour suprême a refusé l’autorisation de pourvoi à l’encontre de ce jugement. Dans cette affaire, la Cour supérieure4 avait refusé aux intimés le droit à l’interrogatoire préalable avant que le recours ne soit autorisé au motif que toute épreuve est présentée au juge saisi de l’étape de l’autorisation, qui décide alors si elle est appropriée.

[4] Antérieurement à cette décision, la Cour supérieure avait également refusé le droit à l’interrogatoire préalable dans Marcotte c. Banque de Montréal5. Le juge Tessier avait conclu qu’aucune disposition n’autorise de plein droit l’interrogatoire préalable du requérant à ce stade préliminaire. Il a ajouté que la requête pour autorisation d’exercer un recours collectif n’est pas introductive d’instance et que l’article 397 C.P.C., concernant les interrogatoires préalables, n’est applicable qu’aux requêtes introductives d’instance. Selon lui, l’article 1019 C.P.C. autorise de plein droit l’interrogatoire préalable d’un requérant dans le cadre du déroulement du recours, donc après que l’autorisation a été obtenue. Quant à l’article 1002 C.P.C., qui accorde au tribunal une discrétion pour permettre la présentation d’une preuve appropriée, le juge a conclu que la demande d’interrogatoire préalable était prématurée puisque le requérant pourrait être interrogé au moment de l’instruction, moyennant la permission du juge qui la présidera.

[5] Récemment, la Cour supérieure, dans Young c. Noranda inc.6, a tout de même permis l’interrogatoire préalable du requérant afin de vérifier les allégations de la requête pour autorisation d’exercer le recours collectif. Dans son jugement, le juge Godbout souligne, dans un premier temps, que l’interrogatoire préalable de plein droit n’est pas permis dans le cadre d’une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif. Toutefois, dans un second temps, il précise que les dispositions du code relatives au déroulement du recours s’appliquent à l’autorisation d’exercer le recours (art. 1010.1 C.P.C.). Or, l’article 397 C.P.C. est une procédure spéciale prévue au titre général de l’administration de la preuve et n’est pas incompatible avec les demandes aux fins desquelles on exerce un recours collectif. Il conclut en disant que rien ne s’oppose légalement à la tenue d’un interrogatoire préalable visant à préparer la présentation d’une preuve appropriée, à la condition que cet interrogatoire vise à vérifier les conditions d’autorisation du recours prévues à l’article 1003 C.P.C. Il précise toutefois que la partie qui a procédé à un tel interrogatoire devra, avant d’introduire en preuve l’ensemble ou des extraits des dépositions obtenues, convaincre le tribunal du caractère approprié de cette preuve. Une requête pour permission d’appeler de ce jugement a été déposée à la fin du mois de novembre 2005.

[6] Il est trop tôt pour connaître la portée de l’affaire Young. La controverse demeure, mais les règles se précisent. Le recours collectif se trouve actuellement dans une phase de transition et de complexification. Il y aura de plus en plus de tels recours intentés dans plusieurs juridictions en même temps, comme dans le dossier des implants mammaires et du sang contaminé. Plusieurs prétendent qu’avec les modifications législatives le Québec est devenu le «paradis des demandeurs», où les requêtes en autorisation sont les plus facilement accueillies. Il s’agit de la province où le processus est le plus simplifié et le plus expéditif au stade de l’autorisation.

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