[1] L’article 47.2 du Code du travail1 (C.tr.) impose au syndicat un devoir de juste représentation des salariés compris dans son unité de négociation : il ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire ni faire preuve de négligence grave. En vertu de l’article 47.3 C.tr., un salarié qui a subi un renvoi ou une mesure disciplinaire ou qui croit avoir été victime de harcèlement psychologique pourra déposer une plainte à la Commission des relations du travail (CRT) s’il croit qu’à cette occasion le syndicat a contrevenu à son obligation. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2004, le comportement qu’a eu le syndicat dans d’autres circonstances que celles énoncées à l’article 47.3, reliées à la négociation, à l’application ou à l’interprétation de la convention collective, pourra faire l’objet d’une plainte devant la CRT.

[2] Un manque au devoir de juste représentation peut être lourd de conséquences. Dans une décision récente, la Cour d’appel a déclaré que la CRT, qui avait accueilli une plainte en vertu de l’article 47.3 C.tr., pouvait ordonner au syndicat de payer les honoraires engagés par le plaignant afin de faire valoir ses droits devant elle2 .

[3] Par ailleurs, si le salarié est fondé à attendre de son syndicat un comportement conforme aux obligations que lui impose le code, il a lui-même certaines obligations puisqu’il doit manifester son intention au syndicat et collaborer avec celui-ci afin de faire progresser ses griefs.

[4] Quelques décisions récentes illustrent bien les obligations du syndicat dans l’exercice de son devoir de représentation, les situations qui, en raison de leur nature, ne peuvent donner ouverture à une plainte, les droits et obligations du salarié ainsi que les pouvoirs de la CRT lorsque celle-ci conclut qu’il y a eu un manquement de la part du syndicat.

Obligations du syndicat

[5] Le syndicat a fait preuve de négligence grave en omettant de respecter la procédure de grief prévue dans une convention qui lui était moins familière.

[6] Décision : «L'absence de contestation et l'admission par le syndicat d'une certaine forme de négligence ne constituent pas des éléments de preuve dont la CRT peut se satisfaire pour évaluer le caractère de gravité d'une telle négligence. Par ailleurs, la qualification d'une négligence ne découle pas automatiquement de la gravité des conséquences qu'elle engendre. En l'espèce, en raison du caractère unique, exceptionnel et sans précédent des dispositions de la Loiconcernant les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales et de leurs conséquences, le syndicat devait prendre les précautions suffisantes à l'égard des conventions qui lui étaient moins familières. La gestion et la mise en application de plusieurs conventions collectives provenant de différents syndicats fusionnés ne sauraient constituer un obstacle tel qu'il faudrait éliminer le caractère de gravité eu égard à la négligence du syndicat, à plus forte raison quand seulement deux ou trois griefs relatifs à des congédiements ont été déposés. D'autre part, la diligence et le sérieux manifestés par le syndicat dans la préparation et l'audition du premier grief ne sauraient atténuer le caractère de gravité de la négligence. Il en est de même des efforts déployés auprès de l'employeur une fois l'omission constatée. Si l'intention du syndicat doit être prise en considération lorsqu'il est question de mauvaise foi, d'arbitraire et de discrimination au sens de l'article 47.2 C.tr., cette notion subjective importe beaucoup moins en ce qui a trait à la négligence grave. Le syndicat ayant fait preuve d'une telle négligence, la plaignante est autorisée à soumettre son grief à l'arbitrage. Vu les circonstances de l'affaire et l'attitude du syndicat à l'audience, elle pourra être représentée par celui-ci de façon adéquate3

[7] Le syndicat, qui a choisi de ne pas déposer un grief pour contester le refus de l'employeur de prolonger la période d'absence prévue à la convention ainsi que la rupture du lien d'emploi, n’a pas fait un examen sérieux du cas du plaignant et ne s'est pas assuré que l'employeur avait rempli son obligation d'accommodement raisonnable; il a agi de façon arbitraire et négligente.

[8] Décision : «L'importance d'une mesure telle qu'une fin d'emploi, l'âge du plaignant (58 ans) et le cumul de 23 années de service chez l'employeur constituent des éléments qui auraient dû inciter le syndicat à agir avec beaucoup de sérieux et de prudence, et ce, d'autant plus qu'à l'époque l'état du droit était incertain. La demande de prolongation de délai du plaignant — qui est atteint d'un handicap en raison de sa condition lombaire — constituait une demande d'application particularisée de la convention correspondant à une mesure d'accommodement. Un syndicat doit contribuer avec l'employeur et le salarié dont les droits fondamentaux sont compromis en raison d'une application rigide de la convention collective. Il doit, entre autres choses, s'assurer que l'employeur a rempli son obligation d'accommodement raisonnable. En l'espèce, le syndicat a fait abstraction de la situation particulière du plaignant. Il l'a laissé agir seul et multiplier les démarches auprès de l'employeur en lui répétant qu'il serait toujours temps de déposer un grief si les discussions échouaient. Il n'a aucunement considéré qu'il y avait risque d'atteinte à des droits fondamentaux ni pris en considération les obligations de l'employeur dans un tel contexte. En omettant de faire un examen attentif et sérieux du cas du plaignant, le syndicat a agi de façon arbitraire et négligente, contrevenant ainsi à l'article 47.2 C.tr. Le tribunal autorise le plaignant à présenter sa réclamation à un arbitre comme s'il s'agissait d'un grief, et ce, aux frais du syndicat. Ce dernier devra lui rembourser les frais engagés pour la présentation de la plainte4

[9] L'inaction presque totale du syndicat à la suite de la demande d'aide du plaignant, qui avait dénoncé l’attitude harcelante de l’employeur à son endroit, constitue une négligence grave.

[10] Décision : «Dans la lettre qu'il a transmise au syndicat, le plaignant ne lui demandait pas expressément de déposer un grief de harcèlement psychologique, mais il dénonçait l'attitude de l'employeur à son endroit. Le syndicat devait répondre à la demande d'aide du plaignant et le guider dans ses démarches. Or, il n'a mené aucune enquête et n'a pas cherché à comprendre ce que le plaignant attendait de lui. Il n'a pas discuté du contenu de la lettre avec celui-ci et ne l'a pas conseillé sur les moyens d'action à prendre. Il a également fait fi des demandes répétées du plaignant, qui cherchait à connaître les suites qui seraient données à sa lettre. Les seules démarches que le syndicat a entreprises se résument à quatre appels téléphoniques. En s'adressant directement au vice-président, le plaignant n'a pas respecté la hiérarchie syndicale, mais le syndicat savait que sa relation avec le délégué local était difficile. Par ailleurs, même si le syndicat traversait une crise à l'époque pertinente, il devait prendre les moyens afin de remplir adéquatement son devoir de représentation envers le plaignant. Son inaction presque totale constitue une négligence grave. La plainte est accueillie et le plaignant est autorisé à déposer un grief de harcèlement psychologique. Il n'y a cependant pas lieu d'ordonner qu'il soit représenté devant le Tribunal d'arbitrage par le procureur de son choix aux frais du syndicat. En effet, en l'absence de mauvaise foi ou de discrimination de la part de ce dernier, rien ne permet de croire qu'il ne pourra représenter le plaignant adéquatement. Enfin, celui-ci n'a pas démontré que le syndicat avait pour pratique de représenter ses membres auprès de la CSST et de l'assureur et que, sur ce plan, sa conduite envers lui était discriminatoire ou arbitraire5

[11] Le syndicat n’a pas manqué à son devoir en regroupant à l'audience en arbitrage les six griefs d'une salariée puis en tentant de convaincre cette dernière de les régler en raison de la faiblesse du dossier.

[12] Décision : «Les griefs que la conseillère syndicale a décidé de regrouper étaient de même nature. Ils visaient une conduite chronique inacceptable qui persistait depuis plusieurs années. Il est possible, dans certaines circonstances, qu'un regroupement de griefs ait un effet préjudiciable pour un syndiqué, mais ce n'était pas le cas en l'occurrence. Quant à la clause d'amnistie, même en lui donnant une interprétation plus favorable, elle aurait entraîné la disparition de certains griefs, mais non de tous. De plus, elle comporte une réserve selon laquelle elle ne s'applique pas en cas de récidive. Son application en l'espèce est donc contestable, et elle n'aurait pas, de toute façon, justifié la réintégration de la salariée, mais tout au plus permis l'annulation rétroactive de quelques-unes des suspensions, sous réserve d'une certaine jurisprudence qui exclut l'application d'une telle clause dans les cas de suspension. Par ailleurs, la preuve révèle que le syndicat a mené une enquête sérieuse relativement à tous les griefs. La décision de ne pas les poursuivre était fondée. La conduite de la salariée face à la proposition de règlement révèle un manque de cohérence. La conseillère syndicale pouvait donc raisonnablement craindre que son comportement ne soit perçu de façon négative par l'arbitre. Par ailleurs, alors que l'employeur avait 29 témoins à faire entendre pour établir le comportement agressif et intimidant de la salariée, la conseillère syndicale ne pouvait compter que sur un seul témoin, dont le témoignage n'aurait pas nécessairement été favorable. Enfin, elle avait raison d'entretenir des doutes sur la crédibilité de la salariée compte tenu de sa conduite et de son insistance à nier la survenance des incidents. Elle devait aussi tenir compte de la jurisprudence arbitrale, qui, en matière de soins de santé, est sévère lorsque la maltraitance, la brutalité ou l'intimidation sont alléguées. Elle avait toutes les raisons de croire que le sort de l'arbitrage risquait d'être défavorable à la salariée. Or, un conseiller syndical, de la même façon qu'un avocat en pratique privée, n'est pas tenu de défendre l'indéfendable. Il est tenu à une obligation de moyens dont l'exécution est conditionnée par les facteurs relatifs aux faits de chaque espèce, et particulièrement par l'évaluation critique des chances raisonnables de succès d'une procédure6

Situations non visées

[13] Les privilèges individuels au bénéfice de quelques salariés qui ne sont pas prévus à la convention collective ne peuvent être l'objet d'une obligation syndicale.

[14] Décision : «Le fait que le syndicat ait omis de traiter de la question de la prime lors des discussions relatives au protocole de transfert et qu'il n'ait pas remis aux plaignants une copie de celui-ci, contrairement à ce qu'ils avaient demandé, constitue un manquement de sa part. Cependant, l'on ne peut conclure qu'il a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ou encore qu'il a fait preuve de négligence grave à l'endroit des plaignants au sens de l'article 47.2 C.tr. La prime leur était consentie à titre de privilège. En effet, dans deux sentences distinctes, des arbitres ont décidé qu'elle n'était pas destinée aux salariés de l'administration mais qu'elle était réservée à ceux qui interagissaient directement avec les patients. Or, les privilèges individuels au bénéfice de quelques salariés, et qui ne sont pas prévus à la convention collective, ne peuvent être l'objet d'une obligation syndicale. Un syndicat dispose d'une discrétion dans le traitement des demandes qui lui sont soumises, et cette discrétion s'accroît dans le contexte de la négociation collective. Par ailleurs, même s'il n'appartient pas à la Commission des relations du travail d'examiner le fond du litige, elle peut, afin d'apprécier la conduite d'un syndicat, en évaluer l'issue probable. Or, même en supposant que le syndicat aurait dû négocier la prime, il demeure que l'employeur — ainsi que le rappelait la Cour suprême dans Tremblay c. Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 57 (C.S. Can., 2002-04-26), 2002 CSC 44, SOQUIJ AZ-50123068, J.E. 2002-813, D.T.E. 2002T-455, [2002] 2 R.C.S. 627 — n'a aucune obligation légale d'accueillir les propositions syndicales7

[15] Une expulsion du conseil syndical touche les affaires internes du syndicat.

[16] Décision : «Avant l'élargissement de l'application de l'article 47.2 C.tr., seuls des cas de renvoi et de mesures disciplinaires donnaient ouverture à une plainte en vertu de l'article 47.3 C.tr. Or, de tels litiges sont au coeur des relations employeur-salariés. Si le législateur avait voulu élargir la portée de l'article 47.2 C.tr. à l'ensemble des gestes d'une association accréditée — peu importe qu'ils s'inscrivent dans le contexte des relations entre l'employeur et les salariés compris dans l'unité de négociation qu'elle représente —, il aurait utilisé une formulation plus limpide. D'ailleurs, lorsqu'il a voulu soumettre les associations de salariés accréditées à certaines obligations relativement à leur fonctionnement interne, il l'a fait expressément, comme c'est le cas aux articles 20.1 à 20.3 C.tr. Ainsi, rien ne permet de conclure que le législateur a voulu confier à la CRT un pouvoir général de surveillance des affaires internes des associations. Quant à la liberté d'association, elle ne doit pas être confondue avec le droit au maintien du statut de membre d'une association de salariés. Il s'agit de notions qui relèvent de principes et de sources juridiques distincts8

[17] Le comportement du syndicat lors de l'établissement d’un programme d'équité salariale relève de la compétence de la Commission de l'équité salariale.

[18] Décision : «L'obligation de juste représentation visée par l'article 47.2 C.tr. se rapporte à la négociation ou à l'application de la convention collective. Or, la présente plainte invoque un manquement à l'obligation prévue à l'article 15 de la Loi sur l'équité salariale. Dans un tel cas, conformément à l'article 101 de la loi, le salarié qui s'estime lésé doit adresser sa plainte à la Commission de l'équité salariale. Ce n'est qu'après que cette dernière a rendu une décision que la CRT peut avoir compétence si une partie porte cette décision devant elle en application de l'article 104 de la loi9

Droits et obligations du salarié

[19] Le salarié n’a pas un droit absolu à l’arbitrage; par ailleurs, s’il demande le dépôt d’un grief pour harcèlement psychologique, il doit diriger le syndicat dans l’étude du dossier.

[20] Décision : «Le plaignant n'a pas fait la preuve du comportement fautif qu'il reproche au syndicat. Un salarié n'a pas un droit absolu à l'arbitrage, le syndicat disposant d'une certaine discrétion à cet égard. Cependant, sa décision doit reposer sur un examen sérieux de la situation et du contexte dans lequel se sont déroulés les événements. En l'espèce, le syndicat a agi avec rigueur et diligence dès que le plaignant lui a présenté sa demande. Trois membres du bureau syndical qui n'entretiennent aucun conflit avec lui et qui ne travaillaient pas pour l'employeur à l'époque de sa destitution l'ont rencontré. En outre, le syndicat a obtenu une opinion juridique indépendante. On ne peut lui reprocher d'avoir agi promptement, le plaignant n'ayant communiqué avec lui que quelques jours avant l'expiration du délai de prescription. Le syndicat a pris tous les moyens raisonnables à sa disposition pour effectuer une analyse objective et sérieuse des faits qui lui ont été présentés. Il ne lui appartenait pas de chercher, à l'aide d'une vaste enquête, des gestes, des paroles ou des agissements de collègues pouvant constituer une conduite vexatoire. Le plaignant devait le diriger dans l'étude du dossier, mais il a été incapable de le faire. Dans ces circonstances, le syndicat était fondé à circonscrire son enquête aux événements allégués par le plaignant. Par ailleurs, il n'était pas nécessaire qu'il rencontre plusieurs professeurs ou membres du personnel, les membres du bureau syndical ayant été témoins des actes allégués. Enfin, le syndicat, qui n'est pas affilié et qui compte une quarantaine de membres, dispose de ressources limitées. Ces éléments doivent être pris en considération dans l'analyse de son comportement10

[21] Le salarié ne pourra se plaindre du comportement du syndicat dans le traitement de ses griefs s’il ne lui a pas offert sa collaboration; dans le cas où il omet de le faire, sa plainte risque d'être rejetée sommairement parce que vouée à l’échec.

[22] Décision : «La commissaire a pris position quant au rejet sommaire seulement après avoir soupesé les arguments écrits des parties sur la question de la collaboration du plaignant avec le syndicat. Sa démarche ne démontre aucun accroc aux règles de justice naturelle ni un quelconque signe de partialité. Sa décision de rejeter sommairement la plainte s'inscrivait dans les limites des pouvoirs que lui accorde la loi afin d'accélérer le déroulement de l'instance à l'étape de la conférence préparatoire (art. 136 paragr. 6 C.tr.). Entrevoyant la possibilité d'une longue audience, la commissaire a simplement voulu s'assurer que la plainte contre le syndicat présentait une chance raisonnable de succès. Son interprétation de l'article 118 paragraphe 1 C.tr. est conforme à un courant de jurisprudence uniforme de la CRT. De plus, l'obligation de célérité et l'absence de chance raisonnable de succès font partie des critères importants à apprécier dans la considération d'un rejet sommaire. D'autre part, le Tribunal du travail a déclaré que, en contrepartie du devoir de juste représentation prévu à l'article 47.2 C.tr., le syndiqué avait l'obligation de collaborer avec son syndicat pour mener à bien l'arbitrage de ses griefs (Drolet c. Syndicat des employés du Supermarché Roy Inc. (T.T., 1979-04-02), [1979] T.T. 221). Plusieurs fois repris par le Tribunal du travail et par la CRT, ce principe devait trouver application dans la présente affaire. La commissaire n'a commis aucune erreur manifestement déraisonnable11

Pouvoirs de la CRT

[23] Même si la plainte ne porte pas sur un renvoi ou une mesure disciplinaire, la CRT a compétence pour déférer la réclamation à l'arbitrage.

[24] Décision : «En ce qui a trait à la réparation appropriée, certains auteurs soutiennent que la Commission des relations du travail (CRT) ne peut déférer la réclamation à l'arbitrage lorsque la plainte dont elle est saisie ne porte pas sur un renvoi ou une mesure disciplinaire. Seule l'attribution de dommages-intérêts serait possible dans ce cas. Or, une telle approche est trop restrictive. La CRT a une compétence exclusive en ce qui concerne l'application des articles 47.2 et ss. C.tr. Il faut lui donner tout l'effet voulu par le législateur, dans le contexte de l'application diligente et efficace du code prévue par l'article 114 C.tr., et assurer aux salariés le remède le plus approprié et le plus compatible avec l'économie des rapports collectifs de travail. En l'espèce, ce moyen est le renvoi à l'arbitrage. Il ne peut y avoir chose jugée quant à la sentence déjà rendue puisque les parties et l'origine de la réclamation ne sont pas les mêmes. L'arbitre sera le mieux placé pour évaluer la situation et décider selon la preuve, étant entendu que l'autorité du précédent ne s'applique pas en matière d'arbitrage de griefs. Les plaignants auront alors une réelle possibilité de faire valoir leurs droits12

[25] La CRT peut rendre une ordonnance afin de permettre à un salarié de retenir lui-même les services d'un représentant au moment de l’arbitrage et de faire payer ces services par le syndicat.

[26] Décision : «Le pouvoir de la CRT de rendre une ordonnance pour permettre à un salarié de retenir lui-même les services d'un représentant et de faire payer ces services par l'association accréditée — lequel découle du second aliéna de l'article 47.5 C.tr. — ne peut être exercé que si le salarié est autorisé à soumettre sa réclamation à l'arbitrage et si cela est nécessaire afin de préserver ses droits. En l'espèce, le syndicat et l'employeur se sont entendus pour procéder à l'arbitrage sur le fond du grief et sont prêts à le soumettre à l'arbitre. Il n'est donc plus nécessaire que la CRT examine le comportement du syndicat et détermine s'il y a lieu d'autoriser le plaignant à soumettre sa réclamation à l'arbitrage. Le syndicat, qui a été dépassé par les événements survenus chez l'employeur à l'époque pertinente — notamment la renégociation des conditions de travail dans un contexte difficile —, est maintenant prêt à assurer la défense du plaignant. Il aura recours aux services de professionnels qui n'ont pas participé aux discussions à l'occasion de la procédure de règlement interne de griefs. La crainte du plaignant qu'il ne le représente pas adéquatement en raison de la réserve de recours que l'employeur a formulée est subjective. Elle n'est pas suffisante pour retirer au syndicat son mandat légal de représentation13

[27] La CRT peut ordonner au syndicat de payer les honoraires extrajudiciaires engagés par le salarié afin de faire valoir ses droits devant elle.

[28] Décision : «L'argument voulant que l'ordonnance soit contraire aux principes du droit québécois en matière de compensation pour les honoraires extrajudiciaires énoncés dans Viel et qu'il s'agisse donc d'une ordonnance de nature punitive est rejeté. L'ordonnance semble plutôt constituer un redressement des conséquences découlant des manquements du syndicat. Aucune partie ne prétend que la réparation accordée par la CRT porte atteinte aux droits et libertés garantis par la charte. D'autre part, il est rationnel de condamner le syndicat à supporter les honoraires extrajudiciaires du plaignant, un salarié syndiqué démuni, car, n'eût été la négligence grossière du premier, le second n'aurait rien eu à débourser pour la revendication de ses droits. Enfin, le redressement accordé ne va pas à l'encontre des objectifs du Code du travail puisque les articles 47.2 et ss. C.tr. visent justement à fournir un remède complet et exclusif en cas de manquement au devoir de représentation des membres de l'unité de négociation par un syndicat. Le fait que l'ordonnance ne précise pas la somme accordée n'est pas fatal. On ne saurait importer en ce domaine les règles strictes du Code de procédure civile14 .»