[1] En vertu de l’article 188 de la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles
1, «[l]e travailleur victime d’une lésion
professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison
de cette lésion». L’article 189 LATMP décrit en quoi consiste l’assistance
médicale et l’article 194 LATMP prévoit que la Commission de la santé et
de la sécurité du travail (CSST) en supporte le coût. Par ailleurs, l’article 192
LATMP énonce que «[l]e travailleur a droit aux soins du professionnel de la
santé de son choix».

[2] Il arrive que les travailleurs placés devant les délais d’attente du système
de santé publique choisissent de recourir aux services de professionnels de la
santé qui exercent leurs activités en clinique privée. Récemment, la
Commission des lésions professionnelles (CLP) a été appelée à se prononcer
sur des demandes de remboursement du coût de tels services. Plus
particulièrement, il lui fallait décider si le coût réel des services devait être
remboursé ainsi que les travailleurs le réclamaient. Elle a accordé le
remboursement selon le tarif de la Régie de l’assurance maladie du Québec
(RAMQ). Ce faisant, elle suivait l’approche retenue par le tribunal dans
Leguerrier et (PP) Denis Leguerrier2.

[3] Le présent article se propose de mettre en lumière les décisions récentes
de la CLP portant sur cette question.

Montant remboursable

[4] Dans Leguerrier, le travailleur avait réclamé à la CSST le
remboursement des frais engagés pour une chirurgie à l’épaule dans une
clinique privée, ce qui avait été refusé. Saisie du dossier, la CLP a
procédé à une revue de la jurisprudence relative au remboursement de frais
pour des soins reçus en clinique privée et a exposé les deux tendances qui en
ressortaient: l’une allant dans le sens d’un remboursement du coût réel des
frais, l’autre favorisant plutôt un remboursement selon le tarif de la RAMQ.

[5] La CLP a retenu de son analyse que, «dans la vaste majorité des
décisions de la Commission des lésions professionnelles qui accordent le
remboursement des frais, ceux-ci avaient été engagés avant que ne survienne
une entente décrite à l’article 198 de la loi3», lequel énonce que «[l]a
Commission et la Régie de l'assurance maladie du Québec concluent une
entente qui a pour objet les règles régissant le remboursement des sommes
que la Régie débourse pour l'application de la présente loi et la
détermination des frais d'administration qu'entraîne le paiement des services
visés à l'article 196». Elle ajoutait que c’est en l’absence d’une telle entente
que le remboursement intégral des frais était accordé.

[6] La CLP ayant constaté que, dans le dossier qui lui était soumis, les frais
engagés en 2008 l’avaient été alors qu’une entente était intervenue entre la
CSST, le ministère de la Santé et des Services sociaux et les fédérations
médicales, elle a conclu que le travailleur avait droit à un remboursement
selon les tarifs prévus par la RAMQ, comme si la chirurgie avait été
pratiquée dans un établissement public de santé.

[7] Dans Bédard et Location A & C inc.4, dans Gagnon et Service
correctionnel du Canada5 ainsi que dans Langlois et Centre de chirurgie
Rive-Sud inc.6, la CLP a retenu l’approche adoptée dans Leguerrier pour
accorder un remboursement selon les tarifs de la RAMQ.

[8] Dans Langlois7, elle a notamment souligné qu’«aucune disposition de la
loi n'autorise le remboursement à un médecin non participant d'une somme
supérieure à celle qui a été négociée entre la CSST, la RAMQ et les
associations représentant les professionnels de la santé. Il s'agit d'une
question d'équité et d'égalité devant la loi pour les travailleurs».

Incidence du choix du travailleur et possibilité de réduire les coûts

[9] À quelques reprises les travailleurs ont invoqué, aux fins d’obtenir le
remboursement du coût réel de services en clinique privée, le fait qu’une
intervention plus rapide permettait à la CSST d’économiser des sommes
considérables.

[10] Dans Leguerrier8, la CLP, face à une telle prétention, a retenu ce qui
suit: «[…] bien que l'argumentation du travailleur présente une logique
financière et économique que l'on pourrait qualifier de valable, le tribunal ne
peut la retenir, d'abord parce que la preuve ne permet pas de conclure que la
CSST sauverait nécessairement des coûts, aucune donnée précise ne
permettant d'en établir les fondements, et, d'autre part, parce que là n'est pas
la question puisque la CSST refuse un tel remboursement sur la base d'une
équité entre tous à titre d'assureur public».

[11] Dans Bédard, la CLP, qui a rejeté une telle prétention, a fait siens les
propos du tribunal dans Lauzon et Sécurité des incendies de Montréal9. Dans cette affaire, le juge administratif concluait que, même si l’objectif de
permettre à la CSST de faire des économies était «louable», il ne lui
appartenait pas «de le réaliser si, ce faisant, la loi qu’il est chargé
d’appliquer n’est pas respectée10». La CLP a également refusé de retenir une prétention semblable dans Gagnon.

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