[1] La première partie de cet exposé présente les décisions rendues par les tribunaux judiciaires, y compris le Tribunal des droits de la personne, et par les tribunaux d’arbitrage portant sur la discrimination fondée sur le motif de l’«état civil» prévu à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne[1]. En seconde partie, la distinction illicite basée sur le motif de la «situation de famille» prévu à la Loi canadienne sur les droits de la personne[2]sera abordée par l’entremise des décisions rendues par le Tribunal canadien des droits de la personne, et particulièrement la décision Johnstone et Canada Border Services[3], rendue en août 2010.

Législation visée

[2] L’article 10 de la charte protège le droit à l’égalité et énumère plusieurs motifs de discrimination illicites, dont celui de l’«état civil». Ce droit à l’égalité dans le domaine de l’emploi s’exerce notamment par l’effet des articles 13 et 16 de la charte, qui interdisent de stipuler une clause discriminatoire dans un acte juridique et qui interdisent la discrimination en emploi dans différentes situations, notamment à l’embauche, à l’occasion de promotions, de mutations, de mises à pied ou de renvois ou encore en ce qui concerne les conditions de travail d’une personne.

État civil

[3] Certaines décisions ont fait état de l’ambiguïté entourant la notion d’«état civil» prévue à la charte ou, du moins, de ses contours flous. Au départ, ce motif était assimilé exclusivement à la notion d’état civil prévue au Code civil du Québec[4], soit les situations pouvant être inscrites dans le registre de l’état civil, comme la naissance, le mariage et le décès. Au fil du temps, cette notion s’est élargie. Elle vise, selon l’auteur Christian Brunelle[5], «"la situation d’une personne dans la vie juridique", c’est-à-dire les qualités qui "différencient chaque personne dans l’exercice de ses droits civils"». Tout en englobant les faits qui se rapportent aux trois éléments classiques de l’état civil, cet auteur remarque que l’«état civil» au sens de l’article 10 de la charte vise aussi l’interdiction ou l’émancipation, le veuvage, le fait d’être parent, la filiation par les liens du sang ou l’adoption, l’union de fait, le célibat et le statut de responsable d’une famille monoparentale.

[4] Dans Brossard (Ville de) c. Québec (Commission des droits de la personne)[6],la Cour suprêmea rendu une décision souvent citée par la suite. Dans cette affaire, il a été décidé que l’employeur avait fait preuve de discrimination fondée sur l’état civil en refusant un emploi à un candidat au seul motif qu’il était un parent immédiat d’un employé régulier ou d’un membre du conseil municipal. La Cour suprême a établi que les liens de parenté faisaient partie de l’état civil du postulant.

[5] Récemment, quelques décisions provenant de la Cour d’appel, de la Cour supérieure, des arbitres de griefs ainsi que du Tribunal des droits de la personne ont eu à trancher des litiges où ce motif a été invoqué.

Congé parental

[6] En mars 2010, la Cour d’appel a rendu une décision relative aux inconvénients susceptibles de découler du congé parental sans traitement sur le plan de la rémunération: Syndicat des intervenantes et intervenants de la santé Nord-Est québécois (SIISNEQ) (CSQ) c. Centre de santé et de services sociaux de la Basse-Côte-Nord[7]. Dans cette affaire, la plaignante, une infirmière en région éloignée, bénéficiait d’un logement à loyer réduit en vertu de la convention collective. Cet avantage faisait partie de sa rémunération. Elle a pris un congé de maternité, suivi d’un congé parental sans traitement. Durant le congé parental, l’employeur l’a privée de la réduction du coût du loyer. La Cour d’appel a conclu que la décision de l’employeur de cesser de subventionner le logement d’une salariée durant son congé parental sans traitement ne constituait pas de la discrimination fondée sur l’état civil. Selon la Cour, si ce droit découle de la situation parentale, il n’en constitue pas une conséquence nécessaire ni obligatoire. Le congé parental demeure un choix pour ceux qui veulent s’en prévaloir. La Cour ajoute que les inconvénients susceptibles de découler d’un congé parental, sur le plan de la rémunération, ne peuvent constituer une discrimination par effet préjudiciable pour l’un des motifs interdits par l’article 10 de la charte.

[7] Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Société de transport de Montréal[8], confirmée en appel[9], les plaignants, des pères biologiques, ont constaté que la convention collective leur accordait un congé parental moindre à l’occasion de la naissance de leur enfant que celui accordé aux pères adoptifs. Au sujet du droit à un congé parental, le Tribunal des droits de la personne a décidé que le syndicat et l’employeur avaient violé les articles 10, 13 et 16 de la charte en adoptant, dans la convention collective, des dispositions qui faisaient bénéficier les pères adoptifs d’avantages sociaux supérieurs à ceux prévus pour les pères biologiques. Le Tribunal s’est appuyé sur l’arrêt Brossard (Ville de), précité, où la Cour suprême avait jugé que la filiation était incluse dans l’état civil au sens de l’article 10 de la charte. Elle avait conclu que la clause de la convention collective était donc discriminatoire.

[8] Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Centre hospitalier Hôtel-Dieu de Sorel[10], une autre affaire mettant en cause le congé parental, le Tribunal des droits de la personne a interprété et appliqué de façon large la notion d’état civil. Il a relié le congé parental à la maternité, laquelle, selon lui, peut entraîner une situation de discrimination fondée simultanément sur plusieurs motifs interdits. Dans cette affaire, la plaignante avait demandé que le calcul de son indemnité de mise à pied tienne compte des heures passées en congé annuel, en congé de maternité et en congé parental. Or, le calcul, effectué en vertu de la convention collective, excluait toutes les heures affectées à ces congés. Le Tribunal a souligné que la formulation de la clause en litige établissait comme condition de versement de l’indemnité de mise à pied la nécessité d’effectuer des heures de travail, ce qui, selon lui, est une obligation incompatible avec la maternité. Il a conclu que cela rendait cette disposition automatiquement discriminatoire. Selon le Tribunal, le fait de la maternité distingue une salariée — en raison de sa grossesse ou de son état civil de mère — des autres employés, sur le plan tant de l’assiduité au travail que de certaines conditions d’emploi ou d’exécution de la tâche. Puis, il a repris le concept d’état civil élaboré par la Cour suprême du Canada dans Brossard (Ville de), selon lequel l’état civil s’entend du statut d’une personne, d’un lien, du rapport entre deux personnes d’une même famille. Le Tribunal a ajouté que le non-exercice d’un congé parental renvoyait au motif d’état civil puisque ce congé était accordé en regard du lien de filiation qu’un parent a avec son enfant à l’occasion de la naissance de celui-ci. En vertu des articles 10, 13 et 16 de la charte, cette personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice en pleine égalité de tous les droits qui lui résultent de sa condition de salariée, et ce, sans discrimination fondée sur les caractéristiques inhérentes à la maternité. En ce qui concerne l’ensemble des absences de la plaignante pendant l’année de référence, y compris son congé annuel, elles devaient être considérées aux fins du calcul de son indemnité puisqu’elles avaient un lien immédiat avec sa maternité.

Mesure disciplinaire relative à l’assiduité au travail

[9] Dans Syndicat des travailleuses et travailleurs du Delta Centre-ville (CSN) et Delta Hôtels ltée opérant le Delta Centre-ville et la Corporation des Hôtels Legacy (Tania Joseph)[11], la plaignante, une femme de chambre dans un hôtel, a été congédiée parce qu’elle n’était pas en mesure d’offrir une prestation de travail suffisante. L’arbitre de griefs s’est dit d’avis que l’employeur n’avait aucune obligation d’accommoder une mère monoparentale ayant six enfants à sa charge, car elle n’est pas victime de discrimination en raison de son état civil, le nombre d’enfants n’étant pas une caractéristique incluse à cette notion. Dans un second temps, il a conclu que, quoi qu’il en soit, ses absences du travail n’étaient pas liées à ce statut de mère monoparentale ayant six enfants, la plaignante n’étant pas capable de fournir sa prestation de travail de façon adéquate pour un autre motif.

Horaire de travail et obligation d’accommodement

[10] Dans Teamsters Québec, section locale 1999 et Corporation centrale de sécurité BPG ltée (Tannis Osborne)[12], la plaignante a allégué au soutien de son grief que son employeur n’avait pas satisfait à son obligation d’accommodement en refusant de modifier son horaire de travail et que sa démission avait été forcée. L’arbitre de griefs a affirmé qu’il ne se prononçait pas sur le débat jurisprudentiel visant la question de l’inclusion de la situation familiale dans la notion d’état civil, mais il a affirmé toutefois qu’il tenait pour acquis qu’elle y était incluse. Au sujet de l’obligation d’accommodement, il a mentionné que l’employeur n’avait jamais envisagé un horaire particulier pour accommoder la plaignante parce que cette dernière ne voulait pas d’un horaire différent de celui qu’elle avait auparavant, ce qui rendait ainsi toute solution d’accommodement impossible. Il a conclu que la démission était libre et volontaire.

[11] Toujours concernant une modification d’horaire de travail, dans l’affaire Syndicat des travailleurs d’Environnement Godin — CSN et Environnement Godin inc. (Sébastien Patoine)[13], le plaignant, un aide-opérateur sur appel de nuit et de fin de semaine, a invoqué ses difficultés reliées à la garde de son enfant. Il a déposé un grief contestant le congédiement qui lui avait été imposé pour avoir omis de fournir sa prestation de travail de façon adéquate. L’arbitre de griefs a décidé que l’employeur n’avait pas l’obligation de l’accommoder en lui permettant d’être disponible seulement une semaine sur deux, c’est-à-dire lorsqu’il n’a pas la garde de sa fille de trois ans. Selon l’arbitre, l’obligation fondamentale du salarié est de fournir sa prestation de travail et il doit avoir la disponibilité requise par la nature de son emploi. Il a ajouté que, d’autre part, la garde partagée d’un enfant n’était pas un motif de discrimination prévu par l’article 10 de la charte. Selon lui, à moins d’une entente entre les parties, la notion de conciliation travail-famille ne va pas jusqu’à obliger un employeur à accepter qu’un employé travaille une semaine sur deux dans une fonction qui exige une disponibilité pour travailler sur appel, et particulièrement de soir et de nuit.

Politique de conciliation travail-famille

[12] Certains griefs ont été déposés sur la base d’une politique de conciliation travail-famille. Ainsi, dans Québec (Ville de) et Alliance des professionnelles et professionnels de la Ville de Québec (Nikol Gallichand)[14], la plaignante a présenté une demande écrite de modification d’horaire afin de bénéficier d’un horaire de quatre jours, fondée à la fois sur une telle politique ainsi que sur la convention collective. Elle invoquait ses obligations familiales à l’égard de son conjoint, de ses enfants, de sa petite-fille ainsi que de ses parents, en perte d’autonomie et pour lesquels elle agissait à titre d’aidante naturelle. L’employeur a accordé ce congé pour une période de six mois mais a refusé de le prolonger ensuite. L’arbitre a noté que, selon le libellé de la clause de la convention, l’employeur était libre d’accueillir ou de rejeter sa demande et qu’il avait exercé cette discrétion en toute bonne foi. L’arbitre a conclu qu’il n’était pas déraisonnable pour l’employeur de conclure que la situation de la plaignante — qui était aidante naturelle pour ses parents en perte d’autonomie — ne justifiait pas la prolongation de l’horaire de travail réduit dont elle avait bénéficié pendant six mois pour un motif de conciliation travail-famille. Dans cette affaire, la plaignante n’avait pas allégué de discrimination fondée sur l’état civil.

[13] Enfin, il est intéressant de noter qu’en matière d’accès au logement la jurisprudence[15] a établi que l’état civil inclut les liens créés par les relations familiales, notamment le fait d’être parent et le statut de responsable d’une famille monoparentale. Selon le Tribunal des droits de la personne, le refus de location fondé sur la présence d’un enfant est discriminatoire et basé sur l’état civil[16].

Motif de situation de famille prévu à l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne

[14] Dans la seconde partie de cet article, il sera donc question de la décision rendue par le Tribunal canadien des droits de la personne en août 2010 dans l’affaire Johnstone[17], laquelle traite de l’évolution du motif de discrimination qu’est la «situation de famille» mentionné à l’article 3 de la loi ainsi que de l’obligation d’accommodement à laquelle doit satisfaire l’employeur, laquelle est liée au concept de conciliation travail-famille.

Contexte de l’affaire Johnstone

[15] Dans cette affaire, il s’agissait d’une plainte en vertu des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La plaignante, une agente à l’Agence des services frontaliers du Canada, occupait un poste à temps plein dans un aéroport de Toronto comprenant 37,5 heures de travail par semaine. Travailler moins d’heures par semaine conférait un statut d’employé à temps partiel qui entraînait la perte d’avantages relativement au fonds de retraite et à la rémunération. Afin d’assurer la continuité des activités, l’horaire des employés était prévu à la convention collective et il était planifié selon des quarts de travail rotatifs qui étaient irréguliers et dont la durée était imprévisible en raison d’heures supplémentaires fréquemment requises. La plaignante était mariée et elle avait deux jeunes enfants d’âge préscolaire. Comme elle était incapable de trouver un service de garde répondant aux exigences de cet horaire atypique et que ses proches n’étaient pas en mesure de garder ses enfants plus de 3 jours par semaine, elle a demandé à bénéficier d’un horaire stable tout en conservant le droit de travailler à temps plein, soit 3 jours par semaine pendant 13 heures par jour.

Position de l’employeur

[16] L’employeur a refusé cet horaire. Il lui a suggéré de devenir une employée à temps partiel et de ne travailler que 34 heures par semaine réparties sur 4 jours, tout en lui refusant les avantages relatifs au fonds de retraite dont bénéficiait un employé à temps plein. Son refus était fondé sur une politique non écrite selon laquelle les employés invoquant leurs responsabilités parentales ne pouvaient bénéficier d’un horaire stable à temps plein tandis que ceux faisant cette demande pour un motif d’ordre médical ou religieux y avaient droit.

Position de l’employée

[17] La plaignante a contesté cette politique, qui la contraignait à adopter, à la suite de la naissance de ses enfants, un statut d’employé à temps partiel s’accompagnant d’une perte d’avantages. Elle a également reproché à l’employeur d’avoir manqué à son obligation d’accommodement. La plaignante a prétendu qu’elle avait fait l’objet d’un traitement discriminatoire en emploi basé sur sa «situation de famille», soit un motif interdit mentionné à la loi.

Décision du Tribunal canadien des droits de la personne

[18] Le Tribunal, en rendant sa décision, a relaté l’historique relatif à ce type de situation, qui s’était présenté dans Brown et Canada (Ministère du Revenu national, Douanes et Accise)[18]. Il a ensuite précisé les éléments à prouver afin de faire la preuve, à première vue, d’une discrimination basée sur la situation de famille: 1) le fait d’être un parent; 2) la situation inclut les tâches et obligations de cette personne à titre de membre de la société; 3) le plaignant est un parent qui doit remplir ces tâches et obligations; et 4) en raison de ces tâches et obligations, le plaignant n’a pas eu de «chances de travail égales et entières » en emploi avec son employeur. Le Tribunal a souligné que cette décision avait également reconnu que l’obligation du parent de concilier ses obligations relatives au travail et ses responsabilités parentales se conjuguait avec une obligation d’accommodement de l’employeur favorisant cette conciliation. Il a aussi précisé que la notion de «situation de famille», selon lui, ne devait pas se limiter à comprendre seulement les liens de parenté qui peuvent exister entre un employé et un autre membre de sa famille. En effet, suivant la jurisprudence[19], l’interprétation de «situation de famille» au sens de la loi inclut les obligations familiales et parentales qui découlent naturellement de cette relation, dont les soins aux enfants. Le Tribunal s’est dit d’avis que ce motif de discrimination doit recevoir une interprétation libérale cohérente avec les devoirs et obligations à titre de membres de la société[20]. Il a ajouté que la liberté de choix de devenir parent est tellement importante qu’elle ne devrait pas être menacée par la crainte de conséquences discriminatoires et que, comme société, le Canada devrait reconnaître cette liberté fondamentale et soutenir ce choix[21].

[19] En ce qui concerne la plaignante, le Tribunal a conclu que celle-ci avait prouvé, à première vue, avoir été victime d’une pratique discriminatoire. En effet, la politique non écrite de l’Agence des services frontaliers du Canada de refuser un horaire régulier et stable à temps plein aux employés qui invoquent un motif basé sur leur situation de famille concernant la garde d’enfants est discriminatoire au sens des articles 7 et 10 de la loi. Or, cette pratique et cette politique ont privé la plaignante d’avantages en emploi au sens de l’article 10 de la loi. D’autre part, le Tribunal a conclu qu’une telle pratique ne constituait pas une exigence professionnelle justifiée et qu’une telle preuve n’avait pas été faite, car l’employeur n’avait pas établi qu’il avait satisfait à son obligation d’accommodement sans subir de contrainte excessive. Ce dernier s’était contenté de prétendre que les obligations parentales n’entraînaient pas d’obligation d’accommodement puisqu’elles ne découlaient pas du motif de discrimination prévu à la loiqu’est la «situation de famille», sans démontrer ce qu’était une exigence professionnelle justifiée ni prouver l’existence d’une contrainte excessive. Par ailleurs, aucune politique d’accommodement basée sur le motif de la «situation de famille» n’avait été mise de l’avant afin qu’une situation semblable ne se reproduise plus malgré les enseignements de la décision Brown. De plus, le témoignage des représentants de l’employeur — selon lesquels une seule demande d’accommodement reliée à la situation de famille avait été faite par le passé — allait à l’encontre de la théorie exprimée par leur expert. Celui-ci affirmait que la moitié des employés invoqueraient ce motif afin de bénéficier d’un horaire différent de celui prévu à la convention. Le Tribunal a aussi retenu que l’employeur n’avait pas fait de démarche concrète afin de vérifier comment il pouvait accommoder la plaignante à l’égard de ses obligations parentales ni fait d’effort sur le plan de la formation de ses gestionnaires. Il a également souligné que la plaignante avait fait de véritables recherches de services de garde et que l’on ne pouvait lui reprocher le fait de ne pas embaucher une auxiliaire familiale, ce qui ne constitue pas un choix viable pour la plupart des familles canadiennes.

[20] En conséquence, le Tribunal a ordonné que l’employeur cesse ses pratiques discriminatoires et qu’il adopte une politique écrite, dans un délai de six mois, en ce qui concerne son obligation d’accommodement lorsque le motif de situation de famille est invoqué. De son côté, la plaignante a eu droit au remboursement du salaire et des avantages dont elle avait été privée en étant empêchée de travailler à temps plein. Elle a également eu droit à une indemnité de 15 000 $ en vertu de l’article 53 (2) e) de la loi à titre de dommages non pécuniaires. Enfin, une indemnité spéciale maximale de 20 000 $ lui a été accordée en vertu de l’article 53 (3), le Tribunal ayant jugé que l’employeur avait commis un acte délibéré au sens de cette disposition.

Jurisprudence du Tribunal canadien des droits de la personne subséquente à cette décision

[21] Quelques semaines plus tard, le Tribunal canadien des droits de la personne a rendu trois décisions dans le même sens, soit des dossiers où les faits étaient similaires[22]. Dans ces affaires, l’employeur, le CN, avait mis fin à l’emploi des plaignantes parce qu’elles n’étaient pas en mesure de fournir immédiatement leur prestation de travail à l’occasion d’un rappel au travail dans une ville éloignée, et ce, en raison de problèmes de garde d’enfants ou de soins médicaux à leur procurer. L’employeur a refusé de leur accorder un délai ou de les garder sur la liste de rappel en attendant qu’un emploi se présente dans la région où elles vivaient. Le Tribunal a suivi les principes dégagés de l’affaire Johnstone et les plaignantes ont été réintégrées avec les mêmes indemnités qui avaient alors été accordées.

Conclusion

[22] Il ressort de ces décisions que le motif de l’«état civil» prévu à la charte s’apparente à celui de la «situation de famille» prévu à la loi canadienne. Il inclut les liens de filiation et le «fait d’être parent». C’est l’expression qui est utilisée dans les décisions. De plus, comme la garde de l’enfant et les soins à lui apporter découlent directement du fait d’être parent, qu’ils sont nécessaires et que le parent a l’obligation d’assumer ces responsabilités à titre de membre de la société, il est permis de penser que les critères élaborés dans Johnstone pourraient être utilisés dans le contexte d’un litige soumis en vertu de la législation québécoise. Une situation semblable pourrait amener un tel questionnement.

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