[1] En matière d’assurance de dommages et d’assurance de personnes, le preneur est tenu de déclarer toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à influencer de façon importante un assureur dans l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter[1]. Toutefois, il n’est pas tenu de déclarer les circonstances que l’assureur connaît ou est présumé connaître en raison de leur notoriété, sauf en réponse aux questions posées[2]. Ainsi, les fausses déclarations et les réticences du preneur ou de l’assuré, sous réserve des dispositions relatives à la déclaration de l’âge et du risque, entraînent la nullité du contrat d’assurance, à la demande de l’assureur[3]. Dans cet article, nous vous présenterons certaines décisions rendues au cours des cinq dernières années dans lesquelles les tribunaux ont eu à décider si les déclarations d’un assuré lors de la souscription ou de la réclamation, notamment celles concernant ses antécédents judiciaires ou son état de santé, entraînaient la nullité du contrat.

Considérations générales

[2] Tout d’abord, le fait de ne pas avoir toujours répondu exactement la même chose, en utilisant les mêmes mots et avec la même précision à des questions qui se sont répétées à plusieurs mois d’intervalle l’une de l’autre ne constitue pas nécessairement un mensonge au sens de l’article 2472 C.C.Q.[4]. De plus, une déclaration fausse faite sans volonté de tromper l’assureur, mais uniquement par inadvertance, omission accidentelle ou simple exagération ou encore par oubli explicable n’entraîne pas la déchéance du droit à l’indemnité[5]. Enfin, en l’absence de preuves scientifiques à l’effet contraire, il est à noter qu’un résultat négatif à un test polygraphique n’est pas suffisant pour établir que l’assuré a fait de fausses déclarations[6].

Assurances de dommages : fausses déclarations et omission de déclarer ses antécédents judiciaires

[3] Dans Duval c. ING Canada inc.[7], l’assuré avait faussement déclaré, dans sa déclaration initiale, qu’il ne fumait pas et que sa résidence était située à moins de 300 mètres d’une borne-fontaine, ce qui a entraîné la déchéance de son droit à l’indemnisation.

[4] Dans Michetti c. Fédération (La), compagnie d’assurances du Canada[8], la réclamation de l’assuré a également été rejetée en raison de ses déclarations mensongères à l’égard des biens volés dans sa résidence. La liste des biens endommagés ou volés était appuyée de nombreuses estimations mais n’était accompagnée que d’une seule facture, et aucune garantie ni aucune photographie ne prouvaient la réclamation. De plus, le témoignage de l’assuré comportait un nombre impressionnant de contradictions et d’oublis, et il avait omis d’informer son assureur que ses filles exploitaient un salon d’esthétique au sous-sol de sa résidence et que l’une d’elles avait été reconnue coupable d’avoir tenu une maison de débauche. Le tribunal a retenu que l’assureur, s’il avait connu cette situation, aurait refusé de couvrir les services rendus par l’entreprise, et encore moins les activités illégales.

[5] Dans Brault c. Desjardins, Assurances générales inc.[9], l’assuré avait faussement déclaré, lors de la souscription de la police, qu’aucune police d’assurance n’avait été résiliée par un autre assureur. Or, une police d’assurance-automobile avait été résiliée pour non-paiement de primes et le renouvellement d’une police d’assurance-habitation avait été refusé en raison de réclamations antérieures et d’une mauvaise cote de crédit. L’assureur ayant prouvé qu’il aurait refusé de couvrir le risque s’il avait connu ces faits, la police a été annulée ab initio par le tribunal.

[6] Dans Désilets c. Assurances générales des Caisses Desjardins[10], l’assureur a également démontré que l’assuré avait omis de déclarer, lors de la délivrance de la police d’assurance, qu’il avait des antécédents judiciaires liés à des vols, à la drogue et à la violence et qu’il avait participé à un crime d’incendie volontaire d’un chalet. La police d’assurance a donc été déclarée nulle ab initio et l’assuré n’a eu droit à aucune indemnité à la suite de l’incendie ayant détruit son immeuble à logements.

[7] Par ailleurs, dans Bouffard c. Assurances générales des Caisses Desjardins[11], l’assureur invoquait notamment le fait que l’assuré possédait un dossier judiciaire pour conclure que l’incendie de sa résidence résultait d’un acte intentionnel de sa part. Or, la condamnation de celui-ci pour avoir fait un faux chèque au nom de son employeur avait eu lieu alors qu’il avait 21 ans, soit plus de 14 ans avant les faits. De plus, l’assuré n’avait pas révélé ce fait au moment de la souscription de l’assurance, car aucune question de nature personnelle ne lui avait alors été posée. L’assureur ne pouvait donc pas invoquer le dossier judiciaire pour refuser d’indemniser son assuré.

[8] En l’absence d’une preuve démontrant la pertinence des informations non déclarées relatives à l’existence d’antécédents judiciaires eu égard au risque précis souscrit par l’assureur, il n’est pas possible non plus de faire droit à sa demande de déclarer nul ab initio le contrat de l’assuré, car cela reviendrait à cautionner une décision en apparence arbitraire[12]. Ainsi, s’il veut soutenir que ces renseignements étaient pertinents quant à son appréciation du risque et que la couverture n’aurait pas été acceptée s’il avait connu ces faits, l’assureur doit démontrer l’existence d’une politique écrite ou d’une grille de critères pouvant s’appliquer dans des cas semblables.

Assurance de personnes : état de santé, condition médicale, casier judiciaire et situation financière de l’assuré

[9] D’emblée, un assuré normalement prévoyant doit savoir que le terme «souffrir» contenu dans une proposition d’assurance signifie «être atteint de». Par conséquent, celui qui déclare ne pas «souffrir» de «trouble de diabète» au motif qu’il n’éprouve aucune douleur fait une fausse déclaration[13].

[10] Dans certains cas, l’assuré pouvait légitimement croire au caractère banal des renseignements qu’il a omis de déclarer. Par exemple, dans Barnes c. Union-vie (L’), compagnie mutuelle d’assurances[14], la question à laquelle l’assuré avait répondu négativement portait sur une énumération de troubles nerveux importants, telles l’épilepsie et les convulsions, et pour lesquels des soins avaient été reçus. Or, l’assuré souffrait d’une dépression mineure et sa médication avait été prescrite pour un trouble de l’humeur. L’assureur n’ayant pas démontré qu’il aurait refusé de l’assurer si le diagnostic de dépression lui avait été révélé, la requête en réclamation d’indemnité d’assurance a été accueillie.

[11] Bien que l’affaire L.S. c. Axa Assurances inc.[15] ait été portée en appel, celle-ci est du même type. L’assureur n’a pas démontré que son assurée avait omis de lui révéler des circonstances de nature à influencer un assureur raisonnable de façon importante dans l’appréciation du risque. En effet, bien que son dossier médical fasse état d’un diagnostic d’anxiété et de dépression, aucun médecin ne l’en avait informée. Ainsi, malgré la médication prescrite, l’assurée pouvait légitimement croire au caractère banal de son humeur triste passagère et ne pas penser à la déclarer dans sa proposition d’assurance. D’ailleurs, il s’agissait d’un épisode anxieux et dépressif, purement situationnel, qui n’aurait pas entraîné un refus chez tout assureur raisonnable. Elle ignorait également souffrir d’insuffisance mitrale aortique, qualifiée de «trace», de «légère» et de «minime», et, selon son médecin, il s’agissait de symptômes généraux liés à la ménopause et au stress plutôt qu’à un problème cardiaque.

[12] Dans S.A. c. Compagnie d’assurance-vie RBC[16], la Cour supérieure a considéré que l’assuré, un médecin, n’avait pas fait de fausses déclarations justifiant l’annulation du contrat d’assurance, car il avait raison de considérer que l’état d’anxiété passager dans lequel il se trouvait durant ses études ne pouvait être qualifié de trouble ni de maladie mentale.

[13] Toutefois, dans Dufour c. Desjardins Sécurité financière, compagnie d’assurance-vie[17], l’assuré n’avait pas déclaré de nombreuses consultations pour des problèmes de toxicomanie ou d’alcool ainsi que pour des troubles nerveux ou mentaux. Une ordonnance judiciaire avait même ordonné qu’il se soumette à un examen clinique psychiatrique. Or, si l’assureur avait été au courant de ces faits, il aurait exigé un rapport d’assurabilité et, compte tenu de l’âge de l’assuré et de ses antécédents médicaux, sa demande aurait été automatiquement rejetée. Par conséquent, la réclamation d’indemnité d’assurance-vie de l’héritière de l’assuré a été rejetée et la police a été déclarée nulle ab initio.

[14] Par ailleurs, un assuré qui ne divulgue pas à son assureur, dans la proposition d’assurance-vie ou invalidité souscrite, le fait qu’il a consulté ou qu’il a été traité pour le sida ou le VIH risque également de voir sa police s’assurance annulée. C’est ce qui est arrivé dans B.J. c. Assurance-vie Banque Nationale[18], où la déclaration de santé signée par l’assuré était bien signalée, en caractères gras et entourée d’un cadre. De plus, les questions relatives au sida et au VIH y étaient relativement en évidence, en lettres majuscules. Par conséquent, comme l’assuré n’avait pas mentionné la vérité sur son état de santé, le juge pouvait présumer que ce dernier avait agi ainsi dans le but de priver l’assureur de l’information pertinente et annuler la police d’assurance.

[15] Avant de répondre par la négative à un questionnaire relatif à une proposition d’assurance, le preneur a toutefois l’obligation de se renseigner sur la signification des termes qu’il ne comprend pas. Dans Phillipp c. Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie[19], la demanderesse avait souscrit une assurance sur la vie de sa fille, mais elle avait omis de déclarer que celle-ci souffrait de sclérodermie et d’hypertension pulmonaire, des pathologies visées par le questionnaire qu’elle avait rempli. Or, même si certains des termes employés dans les différents rapports médicaux n’étaient pas faciles à déchiffrer ou à comprendre, ils pouvaient facilement laisser soupçonner l’existence de ces pathologies, et le juge a conclu que la mère avait forcément cherché à cacher la condition médicale de sa fille en répondant par la négative aux questions posées.

[16] Enfin, les déclarations d’un assuré concernant l’ampleur et la nature de son casier judiciaire, sa situation financière ainsi que ses déplacements à l’étranger peuvent également poser problème en matière d’assurance-vie. Ainsi, dans Ambroise c. Compagnie d’assurances Standard Life[20], l’assureur a démontré que l’assuré, victime d’un homicide, avait présenté une situation financière qui n’était pas conforme à la réalité lorsqu’il avait signé la proposition d’assurance. En effet, ses revenus étaient substantiellement moins élevés que ceux déclarés et ne justifiaient pas qu’il s’assure pour 1,2 million de dollars. Ce critère de ratio financier fondait à lui seul l’assureur à refuser de verser l’indemnité d’assurance-vie réclamée. De plus, la déclaration de l’assuré concernant son casier judiciaire posait également problème, car il avait omis de déclarer une condamnation relative à la possession d’une arme prohibée ainsi que d’autres infractions criminelles. Ces omissions, qui ne relevaient pas du simple oubli, constituaient aussi un motif de refus valable. Par ailleurs, l’assuré avait aussi omis de déclarer qu’il se rendait deux fois par année en Haïti pour y exploiter un commerce, alors que l’assureur refuse de couvrir un assuré potentiel qui se rend dans ce pays par affaires et est susceptible d’y retourner. Par conséquent, les bénéficiaires désignés de l’assurance du défunt ont vu leur réclamation d’indemnité rejetée.

Conclusion

[17] Cette revue jurisprudentielle des cinq dernières années illustre les répercussions que peuvent avoir la non-divulgation ou les fausses représentations en matière d’assurance, notamment celles concernant les antécédents judiciaires et la condition médicale d’un assuré.

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