L’article 330 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) prévoit la possibilité de transférer l’imputation des coûts d’une lésion professionnelle lorsque celle-ci survient à la suite d’un désastre. Ce n’est que le 2 mars dernier, dans la décision Ventilation Benoît Léveillé et CSST, que la Commission des lésions professionnelles (CLP) a accordé, pour la première fois depuis l’existence du tribunal, un partage de l’imputation des coûts en raison d’un désastre. Dans cette courte décision, le juge administratif a été d’avis que, même si l’article 330 constituait une exception, il ne fallait pas l’interpréter de telle façon qu’il ne puisse jamais recevoir application.

Les faits de l’espèce sont relativement simples. Le travailleur, un ferblantier, a subi une lésion professionnelle alors qu’il a été frappé par la foudre à l’intérieur d’un bâtiment sans électricité appartenant à l’employeur. Il en est décédé et sa succession a eu droit à une indemnité de décès de 49 370 $. La CSST et son instance de révision ont refusé d’appliquer l’article 330 aux motifs qu’il ne s’agissait pas d’un désastre puisque l’événement n’avait pas entraîné le décès de plusieurs travailleurs de la même entreprise et qu’il n’avait pas eu pour effet d’occasionner une augmentation considérable du taux de l’unité dans laquelle l’employeur était classé.

La CLP a estimé qu’il n’y avait pas lieu de recourir à l’article 312, prévoyant la création d’une réserve, afin d’appliquer l’article 330, car cela ajouterait aux termes de ce dernier article. Elle a relevé le fait que la seule condition imposée par l’article 330 était la présence d’un désastre et que cet article n’indiquait pas que plusieurs travailleurs devaient être blessés à l’occasion de celui-ci. Le juge administratif s’en est remis aux définitions usuelles du terme «désastre» et a conclu qu’il devait s’agir d’un événement très grave qui pouvait avoir comme conséquence la mort d’une ou de plusieurs personnes. Appliquant cette définition aux faits, il a retenu que l’événement avait causé directement la mort du travailleur. Il a considéré les conséquences sur celui-ci de même que celles sur l’ensemble de l’entreprise qui avait eu à vivre ce drame. Étant donné que l’événement était totalement indépendant des activités de l’employeur ainsi que de sa volonté, le juge a conclu qu’il serait inéquitable d’imputer les coûts à l’employeur et que la CSST pouvait les imputer à la réserve.

Cette décision sera-t-elle le précédent faisant en sorte que plus de juges administratifs accorderont des transferts d’imputation en raison d’un désastre? Le cas échéant, qui paiera la facture puisque le juge administratif n’a pas retenu l’argument de la CSST selon lequel la réserve n’existait pas?

Print Friendly, PDF & Email