Lorsque le syndic d’un ordre professionnel s’adresse aux tribunaux de droit commun pour faire avancer une enquête déontologique, peut-il demander le huis clos, la non-divulgation et la mise sous scellés des pièces et procédures produites au soutien de sa requête? Il peut le faire, mais il doit prouver, de façon convaincante et selon la grille d’analyse découlant des arrêts Dagenais c. Société Radio-Canada et de R. c. Mentuck, la nécessité de restreindre l’accès du public.

Dans la décision récente rendue par la Cour d’appel dans Guay c. Gesca ltée, le syndic du Barreau du Québec avait été avisé que l’un de ses membres utilisait son compte en fidéicommis pour effectuer des transactions irrégulières.  Il s’est alors adressé à la Cour supérieure afin d’obtenir le gel des sommes d’argent provenant de ces transactions et il a obtenu le huis clos, la non-divulgation et la mise sous scellés des procédures et des pièces qu’il avait produites au soutien de sa requête. En effet, pressé d’agir, le syndic avait produit l’entièreté de son dossier d’enquête. Des médias se sont opposés au renouvellement des ordonnances et la juge de première instance leur a donné raison, d’où l’appel du syndic. Ce dernier prétendait qu’il lui serait impossible de respecter le serment de discrétion que lui imposent l’article 124 du Code des professions et l’article 78 de la Loi sur le Barreau sans les ordonnances de confidentialité appropriées.

Or, au nom de la Cour d’appel, la juge Marie St-Pierre a rappelé que, sauf en de rares exceptions, toute personne qui s’adresse à un tribunal de droit commun est assujettie aux principes et aux règles qui s’y appliquent, dont celui du caractère public des dossiers et des débats, codifié à l’article 13 du Code de procédure civile. Ce n’est qu’à la suite d’une analyse rigoureuse conforme à la grille établie dans les arrêts Dagenais et Mentuck, laquelle n’empêche aucunement le syndic de faire son travail et de remplir efficacement sa mission de protection du public, qu’il peut être possible de déroger à cette règle. En l’espèce, le syndic s’est contenté d’une allégation générale selon laquelle la publicité des débats pourrait compromettre l’efficacité de son enquête, ce qui n’a pas été jugé suffisant. Ainsi, à l’exception de quelques pièces précises susceptibles d’être protégées par le secret professionnel de l’avocat, la Cour a conclu qu’il y avait lieu de «permettre au citoyen de se livrer à l’examen minutieux et contemporain de l’agir judiciaire auquel il a droit».

Références

  • Dagenais c. Société Radio-Canada (C.S. Can., 1994-12-08), SOQUIJ AZ-95111005, J.E. 95-30, [1994] 3 R.C.S. 835
  • R. c. Mentuck (C.S. Can., 2001-11-15), 2001 CSC 76, SOQUIJ AZ-50104926, J.E. 2001-2142, [2001] 3 R.C.S. 442
  • Guay c. Gesca ltée (C.A., 2013-02-22), 2013 QCCA 343, SOQUIJ AZ-50939994
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