En matière de vente d’immeuble, il arrive souvent que le vendeur ou l’acheteur reproche au courtier immobilier d’avoir commis une faute. Dans ce billet, je vous présente quelques décisions rendues au cours des deux dernières années et mettant en cause l’obligation du courtier de divulguer son titre, son obligation de renseignement ou de vérification ainsi que son devoir de conseil. 

Obligation de divulguer son titre

Dans Brien c. Thiffault, les promettants vendeurs prétendaient qu’ils pouvaient validement refuser l’acheteur un immeuble car, selon eux, les promettants acheteurs avaient omis de leur divulguer leur qualité de courtier au moment opportun, contrairement à ce que prescrit l’article 18 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. Or, le juge a conclu que le titulaire d’un permis de courtage qui veut acquérir un immeuble doit, avant la rédaction ou l’acceptation de la proposition de transaction par le contractant pressenti, transmettre sans délai un avis écrit à ce dernier. C’est ce qui avait été fait en l’espèce et, par conséquent, la requête en irrecevabilité du recours en passation de titre intenté par promettants acheteurs a été rejetée.

Obligation de renseignement

Les courtiers immobiliers ont également une obligation de renseignement à l’égard de leurs clients. Dans Re/Max Alliance inc. c. Nardelli, les défendeurs avaient signé un contrat de courtage irrévocable avec un courtier immobilier de la demanderesse qu’ils connaissaient depuis plus de 20 ans. Au préalable, ils avaient informé celui-ci qu’ils voulaient un contrat de courtage d’une durée de quatre mois. Cependant, affirmant que le prix de vente élevé réclamé par les demandeurs (559 000 $) justifiait une durée plus longue, le courtier a plutôt préparé un contrat irrévocable d’une durée de 11 mois. Après avoir refusé des offres qu’ils jugeaient trop basses, les défendeurs ont demandé à leur courtier de retirer l’immeuble du marché. Ils n’avaient pas l’intention de le remettre en vente, mais une autre agence les a convaincus de signer un nouveau contrat de courtage, et l’immeuble par la suite a été vendu. Prétendant que la vente avait été faite à une personne ayant été intéressée à l’immeuble pendant la durée du contrat de courtage et qu’elle avait eu lieu dans les 365 jours suivant l’expiration de celui-ci, la demanderesse a réclamé la commission à laquelle elle prétendait avoir droit. Or, le juge a conclu que le consentement des défendeurs avait été vicié par l’erreur lors de la formation du contrat de courtage irrévocable et qu’ils n’étaient pas tenus de payer une commission à la demanderesse. En effet, le courtier a manqué à son obligation d’informer ses clients de la portée des documents qu’il leur faisait signer et de les aviser que le retrait de l’immeuble du marché ne mettait pas fin au contrat. Il a également passé outre à l’intention et à la volonté de ceux-ci en préparant un contrat de courtage irrévocable d’une durée de plus de quatre mois. Ces manquements sont totalement inacceptables et sont assimilables à une faute.

Obligation de vérification et devoir de conseil

Par ailleurs, le courtier immobilier inscripteur n’a pas l’obligation de vérifier le titre de propriété de ses clients quant aux meubles meublants inclus dans la vente de leur immeuble lorsque ceux-ci n’ont jamais été matériellement rattachés ou réunis à cet immeuble. Dans Doucet c. Légaré, les vendeurs d’un immeuble avaient acquis des meubles peu de temps avant la vente, afin de rendre leur propriété plus attrayante, mais ceux-ci n’avaient pas été entièrement payés. Les demandeurs ont acheté l’immeuble, y compris la presque totalité des meubles meublants, évalués à 15 000 $ par les vendeurs. Toutefois, au moment de la prise de possession, le magasin avait repris possession de plusieurs de ces biens. Les vendeurs ont donc été condamnés à indemniser les acheteurs, mais la requête a été rejetée contre la courtière immobilière.

De plus, le courtier immobilier inscripteur, qui ignorait l’existence d’une taxe spéciale imposée par la municipalité pour des travaux d’infrastructure, n’est pas responsable de celle-ci envers les acheteurs de l’immeuble (Laurin c. Pelletier).

En l’absence de circonstances suspectes et de preuve quant aux usages et aux règles de l’art à cet égard, il n’a pas non plus l’obligation de vérifier l’identité de son client à l’occasion de la présentation d’une offre d’achat (Brochu c. Rivet).

Cependant, le courtier du vendeur commet une faute envers l’acheteur s’il ne vérifie pas l’exactitude des renseignements fournis par son client en ce qui concerne la superficie du terrain vendu. Par conséquent, dans Veilleux c. Dubeau, le courtier et sa cliente ont été condamnés in solidum à payer 14 036 $ à l’acheteur à titre de diminution du prix de vente pour défaut de contenance.

Il doit également vérifier la règlementation municipale applicable à l’immeuble vendu. En effet, l’article 5 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité l’oblige à vérifier les renseignements qu’il communique et à en démontrer l’exactitude. Dans Lessard c. Lapierre, une simple vérification de la réglementation de zonage en vigueur aurait permis au courtier inscripteur de constater la limitation de droit public touchant l’immeuble et de communiquer l’information exacte aux acheteurs ainsi qu’à leur courtier. Il n’est pas suffisant, pour s’exonérer d’une obligation d’une telle intensité, d’affirmer qu’aucun indice ne lui permettait de croire qu’un règlement de zonage restreignait l’usage de l’immeuble mis en vente.

Celui qui omet de transmettre aux acheteurs un rapport d’inspection préachat antérieur en temps utile, qui participe sciemment aux fausses déclarations des vendeurs et qui incite les acheteurs à ne pas faire leur propre inspection préachat commet également une faute. Ainsi, dans D’Amour Uwumuremyi c. St-Onge, un courtier immobilier a été reconnu responsable in solidum de 25 % des dommages subis par les acheteurs.

Enfin, dans Leblanc c. Morin, une courtière immobilière qui n’avait pas recommandé à l’acheteuse d’un immeuble de faire préparer un nouveau certificat de localisation et qui n’avait pas vérifié si l’immeuble était conforme au règlement de zonage a été condamnée à lui payer des dommages-intérêts de 20 546 $. Selon les termes de la promesse d’achat, la décision de faire préparer ou non un nouveau certificat de localisation appartenait à l’acheteuse. Toutefois, la courtière immobilière avait le devoir de la conseiller à cet égard, ce qu’elle a omis de faire en s’en remettant au notaire. Or, le courtier qui constate la transformation d’un garage en logement est en présence d’indices qui l’obligent à s’assurer de la conformité à la réglementation de zonage. Il ne doit pas se fier au nombre de logements qui figure au compte de taxes, lequel ne constitue pas une confirmation du zonage applicable. La courtière a donc manqué à son devoir de conseil et à son obligation de vérification.

Références

  • Brien c. Thiffault (C.S., 2013-07-08), 2013 QCCS 3051, SOQUIJ AZ-50984395, 2013EXP-2530, J.E. 2013-1358.
  • Re/Max Alliance inc. c. Nardelli (C.Q., 2013-06-06), 2013 QCCQ 5524, SOQUIJ AZ-50974365, 2013EXP-2168, J.E. 2013-1158.
  • Doucet c. Légaré (C.Q., 2013-04-29), 2013 QCCQ 4923, SOQUIJ AZ-50970435, 2013EXP-2078, J.E. 2013-1103.
  • Laurin c. Pelletier (C.Q., 2013-01-14), 2013 QCCQ 527, SOQUIJ AZ-50933029, 2013EXP-698, J.E. 2013-379.
  • Brochu c. Rivet (C.Q., 2012-12-05), 2012 QCCQ 14866, SOQUIJ AZ-50925119, 2013EXP-184, J.E. 2013-98.
  • Veilleux c. Dubeau (C.Q., 2013-04-15 (jugement rectifié le 2013-05-10)), 2013 QCCQ 3383, SOQUIJ AZ-50958032, 2013EXP-1618, J.E. 2013-890.
  • Lessard c. Lapierre (C.Q., 2013-07-10), 2013 QCCQ 7599, SOQUIJ AZ-50990708.
  • D’Amour Uwumuremyi c. St-Onge (C.S., 2012-09-12), 2012 QCCS 4477, SOQUIJ AZ-50897589, 2012EXP-3589, J.E. 2012-1919.
  • Leblanc c. Morin (C.S., 2012-07-06), 2012 QCCS 3771, SOQUIJ AZ-50884027, 2012EXP-3202, J.E. 2012-1712.
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