Le 14 mars dernier, une jeune femme de 22 ans a été retrouvée en arrêt cardiaque à la suite d’une surconsommation d’héroïne par voie intraveineuse. Les ambulanciers ont réussi à la réanimer, mais deux nouveaux arrêts cardiaques se sont par la suite produits. Depuis, elle est hospitalisée aux soins intensifs où elle se trouve dans le coma, intubée et ventilée.
Le centre hospitalier voulait être autorisé à continuer de la traiter selon le plan de soins établi, notamment en l’alimentant, en l’hydratant et, au besoin, en la réintubant après l’extubation. Selon les médecins, il était fort possible qu’elle souffre de troubles cognitifs ou moteurs permanents, mais il était impossible de poser un diagnostic clair et précis à ce moment. Ils demandaient donc une autorisation d’une durée de 60 jours afin d’évaluer adéquatement les signes cliniques de la jeune femme. Or, les parents de celle-ci s’y opposaient, souhaitant plutôt mettre fin au soutien nutritionnel et à tous les autres soins d’alimentation ou d’hydratation nécessaires à la survie de leur fille. Selon eux, leur fille, qui consommait beaucoup de drogues depuis plusieurs années, qui venait de sortir de prison et qui n’avait jamais eu la garde de sa fille, âgée de cinq ans, avait voulu se suicider. Ils jugeaient que cette tentative de suicide démontrait qu’elle ne souhaitait pas recevoir de soins pour prolonger sa vie.
Le juge a fait droit à la requête du centre hospitalier.
Il est manifeste que la femme n’était pas en mesure d’exprimer son consentement. Par conséquent, en vertu de l’article 15 et sur la base des critères énoncés à l’article 12 du Code civil du Québec, ses parents pouvaient donner un consentement substitué. En cas de refus injustifié, comme en l’espèce, le tribunal peut autoriser les soins.
Comme le juge l’a rappelé, le consentement substitué doit tenir compte des critères suivants (paragr. 22) :
- Intérêt supérieur de la défenderesse;
- Volontés qu'a pu manifester la défenderesse à l’égard des soins;
- Bénéfices escomptés par les soins malgré la gravité et la permanence de certains de leurs effets;
- Opportunité des soins dans les circonstances;
- Proportionnalité entre les risques associés aux soins et les bienfaits espérés de ceux-ci.
En ce qui concerne la volonté de la jeune femme, au-delà du problème du ouï-dire, le juge a conclu que les circonstances de sa surdose ne permettaient pas de conclure qu’elle avait manifesté, en toute connaissance de cause, la volonté de ne pas recevoir de soins.
Après avoir examiné la doctrine abordant la difficulté de cerner la volonté d’une personne suicidaire ainsi que la délicate question d’y donner suite, le juge a écrit :
[55] Cette question, qui se pose aussi au tribunal appelé à trancher une demande selon l'article 16 C.c.Q., dépasse les considérations d’ordre philosophique. Elle soulève le caractère éclairé de la volonté manifestée par le suicidaire en regard de sa décision de mettre fin à ses jours et, partant, de refuser toute intervention médicale qui ferait obstacle à cette décision.
[56] Dans le cas de la défenderesse, sa consommation habituelle de drogues et le contexte particulier des événements, survenus le jour de la fin de son incarcération, soulèvent encore davantage de questions concernant sa capacité.
De plus, malgré la conviction du père, le juge a retenu que les circonstances précédant l’hospitalisation de la jeune femme n’étaient pas suffisamment graves, précises et concordantes pour permettre de conclure par prépondérance à une tentative de suicide.
En outre, sauf pour l’extubation, qui pourrait nécessiter une nouvelle intubation, le plan de soins proposé par le centre hospitalier était minimal (alimentation et hydratation) et ne risquait pas d’aggraver la situation déjà extrêmement précaire dans laquelle se trouvait la jeune femme. Par contre, le maintien de ces soins devrait permettre de mieux évaluer le pronostic et les séquelles possibles.
Le juge a donc conclu que le refus des parents n’était pas justifié et il a autorisé le plan de soins proposé par le centre hospitalier, et ce, jusqu’au 2 juin 2014.
Référence
CHU de Québec c. M.G. (C.S., 2014-04-01), 2014 QCCS 1404, SOQUIJ AZ-51062562.
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