«[L]a société ne peut tolérer de situation, de contexte, de milieu de travail à l’intérieur duquel le travailleur deviendrait une victime de son activité professionnelle» (Groupe M. Ouellet inc. et Aménagement & Design Sportscene, paragr. 11).

Il ne s’agit pas là d’un vœu pieux. Il s’agit plutôt de la volonté manifestée par le législateur québécois en adoptant l’article 2 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST).

C’est ce que le juge administratif Bouvier du Tribunal administratif du travail a rappelé récemment.

Dans le dossier dont il était saisi, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) reprochait à un employeur d’avoir contrevenu aux règles du Code de sécurité pour les travaux de construction relative au cadenassage.

Le juge Bouvier a conclu que la CNESST avait eu raison d’exiger que les tous les électriciens qui travaillaient dans un local apposent leur cadenas sur le panneau électrique situé de la salle électrique. Il a rejeté la contestation de l’employeur.

La situation sur le chantier

Lors de la visite de l’inspectrice de la CNESST, le contremaître et superviseur de chantier pour l’employeur se trouvait dans le local. Il était en compagnie d’un autre électricien qui installait des supports destinés aux conduites servant au transport des fils électriques. Ces fils étaient roulés; ils pendaient dans un coin du plafond.

Le panneau électrique était situé dans une salle distincte. Cette salle était sécurisée et l’autorisation du propriétaire était requise afin d’y avoir accès.

Seul le contremaître avait apposé son cadenas sur le panneau. Le propriétaire avait également cadenassé celui-ci.

La prétention de l’employeur

Selon l’employeur, l’électricien qui installait les supports n’avait pas à apposer son cadenas sur le panneau parce qu’il n’avait pas accès à la salle où il se trouvait.

À cet égard, l’employeur faisait valoir que l’obligation de cadenassage prévue au Code de sécurité pour les travaux de construction s’impose à toute personne qui a accès à la zone dangereuse d’une machine.

L’interprétation retenue par le juge

L’article 2.20.3 du Code de sécurité pour les travaux de construction prévoit ce qui suit:

«Le cadenassage doit être effectué par chacune des personnes ayant accès à la zone dangereuse d’une machine.»

Le juge Bouvier a donné une interprétation large à l’expression «zone dangereuse d’une machine» que l’on trouve à cet article. Il s’est appuyé à cet égard sur le principe d’élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs qui est énoncé à l’article 2 LSST.

Il a conclu que la pièce dans laquelle travaillaient les deux électriciens constituait une zone dangereuse. À son avis, «le panneau électrique représente une machine qui peut produire des effets dangereux même à l’extérieur de la salle électrique puisque la mise en marche de celui-ci viendrait alimenter les fils électriques situés dans la salle où travaillent les deux électriciens» (paragr. 13).

Dans ce contexte, selon le juge, la CNESST «était justifiée d’exiger que tous les électriciens présents apposent leur cadenas sur le panneau électrique puisque l’omission de l’un d’eux de cadenasser l’exposait à un danger» (paragr. 14).

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