Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend notamment le paiement d’indemnités de remplacement du revenu (IRR). Cependant, comme le prévoit l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) peut en réduire ou en suspendre le versement dans certains cas, entre autres, lorsqu’un travailleur, sans raison valable, entrave un examen médical ou omet ou refuse de s’y soumettre.

Dans les trois exemples qui suivent, tirés de la jurisprudence de la dernière année, le Tribunal administratif du travail, Division de la santé et de la sécurité du travail, s’est penché sur l’application du paragraphe 2 a) de cet article.

Une malencontreuse erreur

Dans Decoste et Construction Gaballero, la travailleuse avait omis de se présenter à l’examen qui avait été requis par la CNESST suivant l’avis de son médecin-conseil.

Or, la travailleuse était de bonne foi, prête à collaborer avec la CNESST, mais avait malencontreusement commis une erreur en pensant que la date de son examen médical était le mardi alors que c’était plutôt le lundi.

Avant de trancher que la travailleuse avait démontré la présence d’une raison valable pour avoir omis de se soumettre à l’examen médical, le juge a rappelé que l’article 142 était une mesure d’exception qui devait être interprétée restrictivement et que la notion de «raison valable» devait quant à elle recevoir une interprétation large.  De plus, le juge a indiqué que, même s’il avait conclu que l’oubli de la travailleuse ne pouvait constituer une «raison valable», il aurait néanmoins infirmé la décision de la CNESST de suspendre le paiement de son IRR, en précisant :

[36] À ce sujet, rappelons que l’article 142 de la loi prévoit que la Commission peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité. Il ne s’agit donc pas d’une obligation qui est faite à la Commission, mais plutôt un pouvoir discrétionnaire qui lui est accordé et qui doit être appliqué en tenant compte de toutes les considérations pertinentes à chaque cas d’espèce.

Une pièce justificative

Dans Mac Donald et Lapointe, le travailleur avait demandé à la CNESST de reporter l’examen médical auquel il avait été convoqué au motif qu’il devait assister ce jour-là, à titre de garçon d’honneur, au mariage d’une cousine en Colombie-Britannique. L’agente de la CNESST aurait alors demandé au travailleur de lui fournir un document quelconque confirmant la tenue du mariage en question. La juge a estimé que la raison invoquée par le travailleur constituait, à première vue, une raison valable. Mais comme la copie du billet d’avion qui a été envoyée par celui-ci ne démontrait pas qu’il avait effectivement quitté le Québec au moment où il devait se présenter à l’examen médical, la suspension de son IRR a été confirmée.

Un questionnement légitime

Dans Giroux et Hôpital Jeffery Hale-Saint-Brigid’s, la travailleuse s’est présentée à l’examen médical auquel l’avait convoquée son employeur, mais elle n’a pas rencontré le médecin

Selon le témoignage de la travailleuse :

  • Elle a été convoquée à un examen médical devant avoir lieu le 22 juillet 2014, à 10 h;
  • le jour dit, elle s’est rendue au rendez-vous et est arrivée à 9 h 50;
  • au moment où elle s’est présentée, on lui a demandé de prendre connaissance du formulaire de consentement et de le signer;
  • elle a alors constaté que le texte était quelque peu différent de celui des examens antérieurs, se questionnant sur la mention d’un examen physique et/ou psychologique;
  • l’adjointe administrative, à la réception, lui a expliqué qu’il s’agissait d’une mention standard dans le formulaire;
  • la travailleuse a demandé de la faire retirer ou à ce que le médecin puisse l’examiner sans que le formulaire soit signé, ce qui a été refusé;
  • la travailleuse a ensuite communiqué par téléphone avec son employeur et son agente d’indemnisation, puis elle est retournée à la réception pour informer qu’elle était d’accord pour signer le formulaire de consentement;
  • on lui a alors répondu qu’il était «trop tard» et que la patiente qui la suivait sur l’horaire était déjà avec le médecin;
  • la travailleuse a alors offert de prendre l’heure de rendez-vous de cette patiente. On lui a répondu que «ça ne fonctionne pas de cette façon»;
  • la travailleuse a suggéré de rester disponible pour la journée et qu’on l’appelle dès qu’il était possible pour le médecin de la rencontrer;
  • en fin de journée, on l’a informée qu’il n’y avait pas de possibilités de rendez-vous.

La juge a retenu que des raisons valables expliquaient le questionnement initial de la travailleuse et que,  par la suite, elle avait fait preuve d’une grande souplesse et d’une bonne collaboration. De plus, après avoir noté que le médecin de l’employeur n’avait pas procédé à l’examen de la travailleuse au moment où il l’a finalement reçue, le 19 août 2014, elle a mentionné :

[41] Avec respect, ce dénouement laisse plutôt songeur par rapport au traitement réservé au dossier de la travailleuse, le 22 juillet 2014, dont une certaine inflexibilité par rapport aux différentes solutions proposées par la travailleuse, afin que se tienne l’examen demandé.  

Conclusion

Si la possible suspension de l’IRR du travailleur peut constituer un levier pour l’inciter à se soumettre à un examen médical auquel il a été convoqué le jour prévu et à l’heure dite, un travailleur peut néanmoins avoir une raison valable de ne pas se présenter. Au moment de convaincre le Tribunal de l’existence d’une telle raison valable, la crédibilité du travailleur a toute son importance.

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