Dans une décision récente (Centre hospitalier de l’Université de Montréal c. Heinmüller), le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) voulait forcer un scientifique à terminer la rédaction d’un rapport qu’il s’était engagé à lui remettre dans un certain délai. Le CHUM avait intenté un recours en injonction contre lui et le litige avait fait l’objet d’une transaction. Le scientifique n’a toujours pas terminé son rapport comme l’ordonnance d’homologation lui enjoignait de faire et le CHUM prétend qu’il doit être condamné pour outrage au tribunal.

Or, le juge Granosik a conclu qu’il n’était pas opportun d’ordonner l’exécution en nature d’une obligation qui implique la participation personnelle du débiteur, c’est-à-dire d’une obligation intuitu personae. Cette prestation est «éminemment tributaire de la volonté ou des qualités spécifiques du débiteur» (paragr. 22).

En l’espèce, la prestation exigée est un travail personnel, intellectuel, d’analyse et de rédaction que seul le défendeur est en mesure d’accomplir. Selon le juge, il s’agit d’un cas qui ne permet pas l’exécution en nature au sens de l’article 1601 du Code civil du Québec.

De plus, le juge a conclu qu’il serait inconcevable de forcer un scientifique à terminer la rédaction d’un article ou à présenter des résultats de recherche auxquels il ne croit pas ou selon des méthodes imposées par un tiers et qu’il ne souhaite pas appliquer. Une ordonnance qui lui enjoindrait de le faire porterait atteinte à la liberté d’expression du scientifique, qui protège la production de recherche scientifique par l’entremise de la liberté du chercheur.

Par conséquent, même si le non-respect de l’ordonnance ne fait aucun doute, le juge a refusé de condamner le défendeur pour outrage au tribunal. Afin de faire valoir ses droits, le CHUM dispose d’un recours en dommages-intérêts, mais l’outrage au tribunal est un pouvoir à n’exercer qu’en dernier recours.

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