Ce n’est pas la toge qui fait l’avocat… et l’on ne reconnaît pas un notaire au stylo qu’il utilise pour parapher un acte ni un médecin au stéthoscope qu’il porte autour du cou. On reconnaît un professionnel au fait qu’il est membre en règle d’un ordre professionnel.

Le Conseil de discipline de l’Ordre des chiropraticiens a dernièrement rappelé que:

«[144] L’article 26 du Code des professions stipule que le droit exclusif d’exercer une profession ne peut être conféré qu’à des personnes qui possèdent la formation et la qualification requise pour être membre de cet ordre.»

Le champ d’exercice ainsi que les activités réservées à certains professionnels sont encadrés de façon législative, par exemple par la Loi médicale, en ce qui concerne les médecins, et par la Loi sur le Barreau, pour les avocats. En plus du Code des professions (C.prof.), il existe 25 lois particulières qui régissent certaines professions (on peut trouver la liste ici) et des règlements ont été adoptés par les 46 ordres professionnels, l’Office des professions du Québec ainsi que le gouvernement du Québec.

Exercice illégal de la profession

Il arrive malheureusement que, malgré cet encadrement législatif, et comme les médias l’ont récemment rappelé en couvrant le cas d’une personne soupçonnée d’être une fausse avocate en Ontario, certaines personnes se présentent comme professionnelles alors qu’elles ne sont aucunement membres de l’Ordre professionnel en question. Ce faisant, elles commettent une infraction pénale et peuvent, au Québec, être poursuivies devant Chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec.

À titre d’exemple, en 2017, le Barreau de Montréal a obtenu gain de cause dans une poursuite intentée contre un dénommé Auger, qui avait signé une lettre portant l’en-tête du «Centre Consultatif», en réponse à une mise en demeure rédigée par un avocat. Dans cette affaire, le Tribunal a retenu que :

«[48] Le ton répressif et la terminologie légale succincte utilisée par le défendeur, jumelée à la menace d’entreprendre soi-même les recours nécessaires  « […] nous n’hésiterons pas… » tout en s’abstenant d’indiquer ses véritables fonctions, formation ou titre, sont amplement suffisants pour conclure, selon le critère objectif d’une personne raisonnable, que le poursuivant a établi hors de tout doute raisonnable que le défendeur, par l’envoi de sa lettre, a donné lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’avocat.»

Il est possible de consulter sur le site du Barreau de Montréal, un Tableau des condamnations. Les noms des personnes qui ont été accusées, entre autres, d’avoir pris le titre d’avocat, agi de manière à donner lieu de croire qu’il était autorisé à remplir les fonctions d’avocat ou usurpé ces fonctions s’y retrouvent, par ordre alphabétique. On y remarque que certains accusés ont pu se présenter sous plus d’un nom.

Encadrement de la psychothérapie

Dans un autre ordre d’idées, la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines, qui a été adoptée il y a un peu moins de 10 ans, prévoit l’encadrement de la psychothérapie. Il est notamment stipulé, à son article 11 (art. 187.1 C.prof.), que :

«À l’exception du médecin et du psychologue, nul ne peut exercer la psychothérapie, ni utiliser le titre de psychothérapeute ni un titre ou une abréviation pouvant laisser croire qu’il l’est, s’il n’est membre de l’Ordre professionnel des conseillers et conseillères d’orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, de l’Ordre professionnel des ergothérapeutes du Québec, de l’Ordre professionnel des infirmières et infirmiers du Québec ou de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et s’il n’est titulaire du permis de psychothérapeute. […]»

Dans une décision rendue en février dernier, une dénommée Corbin a été déclarée coupable d’avoir usurpé le titre de psychothérapeute en se présentant comme tel sur sa page Facebook et auprès d’une agente d’investigation mandatée par l’Ordre des psychologues du Québec. Il est à noter que cette décision fait l’objet d’un appel (2018-03-07 (C.S.), 540-36-001004-182).

Les services professionnels et Internet

Par ailleurs, on ne peut passer sous silence le fait que le public a accès, depuis quelques années, par l’entremise d’Internet, à de l’information et à des offres de produits et de services, de nature professionnelle qui sont difficiles à encadrer.

L’Ordre des optométristes du Québec l’a appris à ses dépens, dans une affaire où il a cherché à faire déclarer que les défenderesses ‑ dont l’une était une société commerciale ayant son siège social et un établissement en Colombie-Britannique ‑ contrevenaient à la Loi sur l’optométrie et au Code des professions au motif qu’elles exerçaient de l’optométrie en vendant des lentilles ophtalmiques au Québec par l’entremise de leurs sites Internet sans être inscrites à l’Ordre. La Cour supérieure, saisie de cette requête, a souligné que l’Ordre soulevait ainsi «une question d’actualité importante et d’intérêt public, puisqu’elle met en cause un mode de commerce extrêmement répandu à l’ère de l’Internet.» (paragr. 1). Le recours de l’Ordre a toutefois été rejeté. La Cour d’appel, qui a confirmé cette décision, a notamment indiqué que «la seule délivrance de lentilles ophtalmiques au Québec, comme c’est le cas en l’espèce, ne peut constituer une contravention à l’article 16 et au premier alinéa de l’article 25 ni l’exercice illégal au Québec de l’optométrie» (paragr. 71).

On peut trouver sur les sites des différents ordres professionnels des avis quant aux précautions à prendre, comme celui qui suit, sur le site de l’Ordre des pharmaciens du Québec : https://www.opq.org/fr-CA/grand-public/comportement-responsable/information-sur-le-web

Contribution à l’exercice illégal de la profession

Par ailleurs, devant les différents conseils de discipline, il est également reproché aux professionnels des infractions en lien avec l’exercice illégal, notamment pour s’être prononcés sur des sujets ne relevant pas de leur compétence ou encore pour avoir contribué à l’exercice illégal de la profession en permettant à un non-membre d’effectuer des actes réservés.

Ainsi, à titre d’exemples :

  • Un dentiste qui a permis à une personne non membre de l’Ordre d’effectuer le détartrage de dents et la prise de radiographies a été condamné au paiement d’amendes totalisant 6 000 $.
  • Un architecte qui a apposé son sceau et sa signature sur des plans préparés par une firme qui n’était pas composée d’architectes et qui a permis à celle-ci de réaliser un projet d’architecture réservé au champ d’exercice exclusif de l’architecte a dû payer des amendes de 4 500 $.
  • Un podiatre a été déclaré coupable sous 71 chefs d’accusation lui reprochant notamment d’avoir permis à une personne qui n’était pas membre de l’Ordre de poser des diagnostics et de procéder à des examens. En ce qui a trait à ces agissements, il a été radié 18 mois.

Ingénieurs, optométristes, physiothérapeutes, agronomes et chiropraticiens ont également eu à en répondre devant leur ordre professionnel respectif aux cours des dernières années.

Acte frauduleux commis par un professionnel

Enfin, il peut arriver qu’un professionnel adopte un comportement indigne de sa profession et commette lui-même un acte illégal ou frauduleux. Un notaire qui a détourné une somme de 861 300 $ s’est vu imposer une révocation de permis ainsi qu’une radiation permanente. Il a également dû remettre au Fonds d’indemnisation de la Chambre des notaires du Québec la somme de 830 099 $.

Le Conseil de discipline qui a sanctionné le notaire en cause a tenu compte du fait que l’ensemble des notaires du Québec avaient été grandement touchés par les gestes commis par celui-ci puisque ce sont eux qui, indirectement, indemnisent les clients, qu’environ 55 clients avaient été victimes des actes du ce notaire et que la limite d’indemnisation que peut recevoir un client du Fonds d’indemnisation n’est que de 100 000 $.

Conclusion

Le lien de confiance mutuel entre un professionnel et son client est primordial. Mais encore faut-il s’assurer de faire affaire avec un véritable professionnel. En cas de doute, des vérifications sont nécessaires et la méfiance s’impose envers les faux professionnels. Par ailleurs, la jurisprudence en témoigne, il arrive que des professionnels se voient reprocher des gestes ou des actes qui peuvent avoir des conséquences fâcheuses pour leurs clients. La prudence est donc toujours de mise.

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