Les amoureux des chiens savent à quel point leur présence peut notamment aider à diminuer le stress du quotidien. Les chiens sont présents dans de multiples sphères de nos vies; ils nous accompagnent, tout simplement, ou encore travaillent à nos côtés, avec nous ou pour nous. Pour la victime d’une lésion professionnelle, ils peuvent parfois devenir un élément précieux de sa réadaptation sociale.

La loi

La réadaptation sociale constitue une mesure prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). Elle peut être ouverte à un travailleur qui conserve une atteinte permanente de la lésion professionnelle dont il a été victime. 

Comme le prévoit l’article 151 LATMP, cette mesure a pour but d’aider le travailleur à surmonter, dans la mesure du possible, les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

L’article 152 LATMP énonce ce que peut comprendre un programme de réadaptation sociale :

Un programme de réadaptation sociale peut comprendre, notamment:

1°  des services professionnels d’intervention psychosociale;

2°  la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

3°  le paiement de frais d’aide personnelle à domicile;

4°  le remboursement de frais de garde d’enfants;

5°  le remboursement du coût des travaux d’entretien courant du domicile.

Vous l’aurez remarqué, il n’est pas question dans cet article de chien d’assistance, de chien-guide ou de chien d’accompagnement. Toutefois, compte tenu de l’utilisation du terme «notamment», la liste qui y est prévue n’est pas exhaustive.

Comme le soulignait le Tribunal administratif du travail (TAT) dans une décision récente, l’article 152 LATMP «permet d’accorder des mesures de réadaptation sociale variées et adaptées à la situation personnelle d’un travailleur» (paragr. 77).

Le chien qui répond à son maître… et au but de la réadaptation sociale

Dans l’affaire à laquelle je viens de faire référence, le travailleur présentait un trouble de l’adaptation et un stress post-traumatique à la suite d’une lésion professionnelle. Il souffrait notamment de douleurs chroniques ayant provoqué un «effondrement de sa santé» (paragr. 79).

La juge administrative Martine Montplaisir a déclaré qu’il avait droit au remboursement des coûts associés à l’acquisition d’un chien-guide.

Elle s’exprimait comme suit :

«[78]        Or, dans le présent cas, la preuve non contredite révèle que le chien-guide répond à l’objectif dont il est question à l’article 151 de la loi à savoir d’aider [le travailleur] à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

[…]

 [80]        Le chien-guide constitue une aide à l’autonomie et à la diminution de l’angoisse. Selon la documentation déposée par [le travailleur], cette mesure permet de maintenir une relation thérapeutique pour aider à faire face aux troubles de stress post-traumatique. Dans ce même document, il est indiqué que « les chiens procurent aux hommes du support social et émotionnel », qu’ils « aident les gens à diminuer leur stress et leur angoisse » et qu’ils « contribuent aussi à leur bonheur ainsi qu’à leur épanouissement et ils leur procurent une sécurité ». (Les caractères gras sont ajoutés.)

Dans une autre affaire, où la travailleuse avait subi un accident du travail ayant entraîné un choc post-traumatique, le TAT a reconnu que cette dernière avait droit au remboursement du coût d’acquisition d’un chien de service à titre de mesure de réadaptation sociale.

La juge administrative Michèle Gagnon Grégoire écrivait notamment :

«[64]        D’ailleurs, bien que le programme de désensibilisation ait permis à la travailleuse de franchir plusieurs obstacles, elle demeure encore aux prises avec plusieurs symptômes liés à sa lésion. Ce programme ne lui a pas permis de reprendre une vie normale. En ce sens, l’apport d’un chien de service auprès de la travailleuse peut constituer une mesure complémentaire. […]

[65]        Après avoir vu la travailleuse et entendu son témoignage, de même qu’après une lecture attentive des rapports médicaux déposés à son dossier, le Tribunal croit que l’acquisition d’un chien de service contribue, dans son cas, à atteindre le but visé par la réadaptation sociale. En raison du sentiment de sécurité que la présence d’un tel chien lui procure, cette mesure contribue, en effet, à la rendre plus autonome et à la sortir de son isolement. La travailleuse se sent moins vulnérable, cesse de vivre dans la crainte à chaque fois qu’elle se retrouve seule et recommence à sortir à l’extérieur elle-même et à retrouver une certaine forme de vie sociale. Un chien de service dressé en conséquence doit être vu dans son cas non pas comme un chien de compagnie, mais comme une protection, un soutien psychologique et un instrument de socialisation ». (Les caractères gras sont ajoutés.)

Le chien de compagnie

Dans un autre dossier, le TAT a refusé le remboursement du coût d’acquisition d’un chien et des frais accessoires à son entretien.

Le juge administratif Daniel Therrien soulignait notamment que, à la différence de certaines autres affaires ‑ dont Rossignol, le dernier exemple cité plus haut ‑, l’acquisition de l’animal ne présentait aucun lien direct avec «une conséquence d’ordre physique ou psychique reconnue en lien avec la lésion professionnelle» (paragr. 25).

Il retenait ceci :

«[21]        Dans le présent dossier, rien ne permet d’établir que l’acquisition d’un chien facilitera les déplacements du travailleur ou lui permettra de pallier aux graves séquelles physiques permanentes qui découlent de sa lésion professionnelle. L’animal n’aidera pas le travailleur à se déplacer, se mouvoir ou s’orienter. Il ne s’agit donc pas d’un chien d’accompagnement au sens propre comme le prétend le docteur Duranleau, mais d’un chien de compagnie dans un contexte de zoothérapie.

[22]        Comme l’écrit le docteur Duranleau, la présence d’un chien serait susceptible de contribuer à une diminution de l’anxiété ressentie par le travailleur. En diminuant cette anxiété, le travailleur pourrait possiblement mieux contrôler ses douleurs chroniques. La suggestion est intéressante, louable et économique. Le médecin n’élabore pas cependant sur la ou les causes de l’anxiété.

[23]        Aucune preuve au dossier ne démontre que l’anxiété, un symptôme d’ordre psychologique, découle d’une conséquence de la lésion professionnelle. La lettre du docteur Duranleau à cet égard est silencieuse. Les causes possibles d’anxiété sont pourtant multiples et ne se présument pas.

[…]

[27]        […] ce lien tracé entre l’acquisition d’un animal de compagnie d’une part, et la lésion professionnelle et ses conséquences d’autre part, est trop indirect et hypothétique pour démontrer que la présence de cet animal permettrait d’aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de cette lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.» (Les caractères gras sont ajoutés.)

Conclusion

Comme je l’ai mentionné plus haut, la loi, à son article 152 LATMP, ne décrit pas le contenu d’un programme de réadaptation sociale de façon exhaustive. Cependant, dans la recherche des solutions qui pourraient répondre aux besoins de la victime d’une lésion professionnelle sur ce plan, il ne faut pas perdre de vue le fait qu’une telle mesure de réadaptation a essentiellement pour but d’aider la victime à surmonter, dans la mesure du possible, les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s’adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l’accomplissement de ses activités habituelles.

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