Le 27 juin dernier, la Cour suprême des États-Unis (dans une décision rendue à 5 contre 4) a estimé que l’obligation, imposée aux salariés du secteur public ne faisant pas partie d’un syndicat, d’acquitter tout de même des cotisations syndicales violait leur liberté d’expression, un droit enchâssé par le premier amendement.

Cette décision porte un dur coup à la capacité future des syndicats de se financer. En effet, il est à penser que le nombre de leurs membres s’érodera, chaque salarié pouvant espérer bénéficier des avantages résultant de la négociation collective sans toutefois avoir à payer quelque somme que ce soit. Pour reprendre une expression tirée de la « théorie des jeux », il s’agit d’une belle application pratique du problème du « passager clandestin » (dont la conduite parasitaire menace la pérennité d’un bien commun), que la règle de la cotisation obligatoire était venue régler. Cela n’a pas ému la majorité de la Cour, qui a minimisé la situation en parlant de « frais de transition désagréables », soulignant au passage les milliards de dollars perçus anticonstitutionnellement par les syndicats au cours des années (!) :

«We recognize that the loss of payments from nonmembers may cause unions to experience unpleasant transition costs in the short term, and may require unions to make adjustments in order to attract and retain members. But we must weigh these disadvantages against the considerable windfall that unions have received under Abood for the past 41 years. It is hard to estimate how many billions of dollars have been taken from nonmembers and transferred to public-sector unions in violation of the First Amendment. Those unconstitutional exactions cannot be allowed to continue indefinitely.» (Janus)

Cette décision a donné lieu à une dissidence vitriolique issue de l’aile libérale de la Cour, qui, en plus de se montrer en désaccord sur le fond, reproche à la majorité d’avoir bafoué la règle du stare decisis en écartant sans raison le jugement (Abood) qui jusqu’alors reflétait l’état du droit :

« There is no sugarcoating today’s opinion. The majority overthrows a decision entrenched in this Nation’s law—and in its economic life—for over 40 years. As a result, it prevents the American people, acting through their state and local officials, from making important choices about workplace governance. And it does so by weaponizing the First Amendment, in a way that unleashes judges, now and in the future, to intervene in economic and regulatory policy. Departures from stare decisis are supposed to be “exceptional action[s]” demanding “special justification,” Rumsey, 467 U. S., at 212—but the majority offers nothing like that here. In contrast to the vigor of its attack on Abood, the majority’s discussion of stare decisis barely limps to the finish line. And no wonder: The standard factors this Court considers when deciding to overrule a decision all cut one way. Abood’s legal underpinnings have not eroded over time: Abood is now, as it was when issued, consistent with this Court’s First Amendment law. Abood provided a workable standard for courts to apply. And Abood has generated enormous reliance interests. The majority has overruled Abood for no exceptional or special reason, but because it never liked the decision. It has overruled Abood because it wanted to

(Je souligne.) (Janus)

Outre la politisation et la polarisation extrêmes de la Cour suprême des États-Unis, cette décision vient illustrer une fois de plus le schisme existant entre l’approche canadienne et celle de la droite conservatrice américaine à l’égard d’un débat où s’opposent la liberté individuelle et des droits collectifs.

Pour un excellent exercice de droit comparé sur ce sujet, voir l‘article suivant, paru récemment dans le Washington Post : The Supreme Court’s Janus ruling is flawed. Canadian legal history shows why.