À la naissance, nous avons tous reçu un nom choisi par nos parents, qui comprend un ou des prénoms ainsi qu’un nom de famille, simple ou composé.

Pour un motif sérieux, le prénom ou le nom de famille peuvent être changés. Une demande peut être faite par voie judiciaire en cas d’abandon, de déchéance de l’autorité parentale ou de changement dans la filiation ou par voie administrative, au Directeur de l’état civil, dans les cas qui ne sont pas du ressort du tribunal. Il peut notamment s’agir de cas où le nom est d’origine étrangère, trop difficile à prononcer ou prête au ridicule. Un juge pourra aussi réviser la décision du Directeur de l’état civil ou, en cas d’opposition d’un parent, être saisi directement d’une demande de changement de nom à l’égard d’un enfant mineur.

Ce matin, La Presse+ présente d’ailleurs le cas d’un homme qui, prétendant être victime de discrimination en raison de l’origine musulmane de son prénom (Mostafa), voudrait dorénavant s’appeler Stofa. Le Directeur de l’état civil a rejeté sa demande, mais l’homme conteste cette décision en Cour supérieure. Il prétend notamment que son prénom lui a fait perdre des occasions d’emploi et qu’il l’identifie erronément à la religion musulmane alors qu’il est athée. Ces motifs seront-ils considérés comme suffisamment sérieux ? À suivre… En attendant, voici d’autres exemples issus de la jurisprudence récente.

Souffrances psychologiques ou motif sérieux

Dans Vaillancourt-Parent, le demandeur, qui s’appelait Tommy Joseph Steve Vaillancourt-Parent, a commencé à utiliser le pseudonyme de Tom Liam Dhu MacAingeal à l’âge de 15 ans, alors qu’il était incarcéré dans un centre pour jeunes délinquants. Par la suite, afin de tirer un trait sur sa vie antérieure, il a commencé à utiliser le nom de Tom L.D. MacAingeal auprès des membres de sa famille et des personnes qu'il rencontrait. Il a voulu changer de nom pour s'appeler Tom Liam Dhu MacAingeal, mais sa demande a été rejetée, car il n’a pas démontré que le nom Tommy Vaillancourt-Parent lui causait des souffrances psychologiques et lui rappelait les mauvais souvenirs de son adolescence. De plus, il n’a pas démontré un usage généralisé du nom demandé durant une période minimale de 5 années consécutives dans l'ensemble de ses activités personnelles, sociales et professionnelles.

Pour obtenir une demande de changement de nom, il ne suffit pas non plus de prétendre être la fille de Dieu et vouloir récupérer son argent, qui serait au Vatican. Ainsi, dans Jutras, la demande d’une femme qui s’appelle Véronique Jutras et qui voulait changer de nom pour celui que Dieu aurait choisi pour elle, soit Mounashtish Samadhi, a été rejetée, car il ne s’agissait pas d’un motif sérieux.

Cependant, dans Massé-Sylvain, le demandeur, qui s’appelait Adrien Massé-Sylvain, a prouvé, notamment par le rapport d’un psychologue faisant état du stress, de l'anxiété ainsi que du manque d'estime de soi qu'engendrait chez lui toute association avec son père, que le prénom et le nom de famille qu’il portait lui causaient des souffrances psychologiques. Il a également démontré l’usage généralisé du prénom Neko et du nom de famille Griffinheart, qu’il souhaitait porter.

Un Marocain d'origine qui avait changé son nom en 2014 pour s'appeler Martin Savard dans l'espoir de trouver plus facilement du travail a aussi été autorisé à reprendre le nom qu'il a reçu à la naissance, soit Hisham Tahiri (Savard). Compte tenu des problèmes matrimoniaux que ce changement de nom lui avait causés, de la désapprobation de sa famille, de la perte de son droit de vote au Maroc ainsi que de son passeport marocain et de la courte durée durant laquelle il a pu utiliser ce nom, la juge a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un caprice.

La féminisation du nom de famille étant une pratique courante dans les pays slaves, le juge a conclu, dans Khassanov, qu’il était dans l'intérêt de la fille mineure du demandeur que son nom de famille soit modifié et devienne Khassanova plutôt que Khassanov, et ce, afin qu'elle puisse s'identifier à sa grand-mère et à sa tante.

Déchéance de l’autorité parentale ou abandon

Dans Droit de la famille — 182285, la mère a obtenu que le père de son enfant, âgé de 6 ans et souffrant de plusieurs handicaps, soit déchu de son autorité parentale. Le père n’avait aucun contact avec son fils depuis plus de 4 ans et ne manifestait aucun intérêt envers lui. Par contre, la demande de changement de nom visant à retirer le nom de famille du père a été rejetée, car la recherche de stabilité suggérait que l’enfant devait continuer à être connu sous son nom actuel.

Par contre, dans Droit de la famille — 16232, le père, qui ne s’était jamais intéressé à l'éducation de son fils et qui n'avait jamais su créer un lien avec lui au cours des 10 dernières années, a aussi été déchu de son autorité parentale mais, puisque la majorité de la famille de l’enfant portait le nom de la mère et non celui du père, la demande de changement de nom a été accueillie afin qu’il porte dorénavant le nom patronymique de la mère.

Par ailleurs, dans Droit de la famille — 161130, le juge de première instance avait rejeté la demande de déchéance d’autorité parentale présentée par la mère, mais il avait retiré au père l’exercice de la presque totalité de ses attributs parentaux. Il avait toutefois omis de se prononcer sur la demande de changement de nom en vertu de laquelle la mère voulait retirer du nom de ses 2 fils celui de leur père pour qu'ils ne conservent que son propre nom et remplacer le nom du père par le sien dans le cas de sa fille. La Cour d’appel a refusé d’intervenir à l’égard de la déchéance parentale et, malgré l'abandon vécu par les enfants des parties, elle a conclu qu’un changement visant à retirer de leur nom celui de leur père serait contre-indiqué, car il risquerait d'avoir un effet dévastateur sur la reprise de contacts espérée par ce dernier. Seul le nom de la fille a été modifié pour qu'elle porte dorénavant les noms de ses 2 parents.

Enfin, dans Droit de la famille — 16483, même si l'absence du père ne permettait pas de prononcer la déchéance de son autorité parentale, le juge a retenu que l’intérêt supérieur de l’enfant, âgé de 11 ans et qui n’avait eu aucun contact avec son père depuis 5 ans, justifiait la demande de changement de nom présentée par la mère puisqu’il s’agissait d’un abandon présumé.

Pour en savoir plus sur le changement de nom, je vous invite à consulter le site Internet du Directeur de l’état civil.

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