Une décision très intéressante vient d’être rendue en matière d’ordonnance de soins (Centre hospitalier de l'Université de Montréal).
Le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) voulait être autorisé à amputer les jambes et des doigts nécrosés d’un homme qui présentent des engelures sévères. Ce dernier, âgé de 44 ans et originaire du Togo, est sans domicile fixe et souffre d’un trouble psychotique non spécifié. Selon son procureur, la preuve ne permettait toutefois pas de conclure qu’il est inapte à consentir aux soins ni qu’il refuse catégoriquement le traitement proposé.
Inaptitude à consentir aux soins
À la lumière de la preuve et des critères élaborés dans Institut Philippe-Pinel de Montréal, dans Centre hospitalier Pierre-Le Gardeur et dans Centre universitaire de santé McGill (Hôpital Royal-Victoria), le juge Gérard Dugré a conclu que l’homme est inapte à consentir aux soins. Il ne comprend pas la nature ni le but du traitement, il ne saisit pas les risques et les avantages de celui-ci, il ne comprend pas les risques de ne pas subir le traitement recommandé et sa capacité est affectée par sa maladie, tant physique que mentale.
Refus catégorique
Le juge a également retenu que le refus du défendeur, quoiqu’il puisse s’expliquer « par le difficile cheminement qu’il doit faire, face à un diagnostic extrêmement grave et la perspective d’une chirurgie qui bouleversera nécessairement et dramatiquement son existence» (Centre hospitalier de l’Université de Montréal, paragr. 65), est néanmoins catégorique.
Nécessité des soins proposés et suffisance de leur description
Le CHUM a démontré que les soins sont non seulement requis par l’état de santé du défendeur, mais qu’ils sont inévitables. Le bas de ses jambes et ses doigts nécrosés sont irrémédiablement atrophiés et doivent être amputés. De plus, les soins sont décrits avec suffisamment de précision et sont manifestement opportuns dans les circonstances.
Effets bénéfiques vs effets néfastes
Le procureur du défendeur plaidait la disproportion des risques et des conséquences du traitement demandé. Selon lui, amputer les 2 jambes du défendeur alors que celui-ci continuait de croire qu’il pourrait en retrouver l’usage un jour aurait des conséquences dramatiques pour le reste de sa vie, car il pourrait conserver la conviction inébranlable qu’une telle intervention n’était pas nécessaire et que sa volonté n’a pas été respectée. Ce traumatisme et cette détresse pourraient influer grandement sur sa possibilité de réadaptation en cas d’amputation. Le juge a retenu cet argument. En l’absence d’infection, le risque de décès est peu probable. Si une septicémie survenait, il serait de 50 %. Cependant, les médecins n’ont pas été en mesure de quantifier le risque qu’une infection ou une septicémie ne survienne.
En somme, le juge n’était pas convaincu que les effets bénéfiques des amputations dépassaient les effets néfastes pouvant en résulter.
L’amputation n’ayant pas été jugée requise à ce stade-ci, le CHUM n’a donc été autorisé, pour une durée de 1 an, qu’à prodiguer certains soins au défendeur, notamment des soins de confort ainsi que l’administration de médication antipsychotique et antibiotique.
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